Le PSI participe à des projets de recherche spatiale. C’est ainsi que s’enrichit le savoir sur notre système solaire, mais aussi que se renforce la renommée de la Suisse en tant que développeur fiable d’équipement spatial de pointe.
Dans la nuit du 9 au 10 février, Martin Bednarzik a vibré au rythme du décollage de la sonde spatiale Solar Orbiter. Captivé, il l’a regardée quitter le centre spatial américain de cap Canaveral en Floride et entamer son voyage en direction du Soleil. Avec son équipe, cet ingénieur a en effet développé pour Solar Orbiter un composant, petit mais essentiel. «Avant qu’un instrument ne soit embarqué à bord d’un satellite qui s’envole pour l’espace, il peut se passer beaucoup de choses, rappelle cet ancien gestionnaire de salles blanches au Laboratoire de micro- et nanotechnologie. Cela m’a donc d’autant plus réjoui de voir la fusée s’élever avec nos détecteurs à bord.»
La mission Solar Orbiter, un projet commun de l’ESA, l’Agence spatiale européenne, et de la NASA, l’Agence spatiale américaine, devrait durer au moins sept ans. Son objectif: rechercher, grâce à une sonde munie de nombreux instruments, les causes du vent solaire, ce flux de particules chargées que le Soleil émet en continu. Si ces particules sont éjectées dans l’espace en très grande quantité, le vent solaire enfle pour devenir tempête solaire. Or, un événement de ce genre est susceptible d’infliger d’importants dégâts à notre planète et à son environnement immédiat: par exemple, aux satellites, aux avions et aux réseaux électriques D’après une récente étude de l’ESA, rien qu’en Europe, les dégâts occasionnés par un tel événement extrême pourraient s’élever à environ 16 milliards de francs suisses. Il est donc dans l’intérêt de tous les Terriens de mieux apprendre et comprendre les processus qui se déroulent à la surface de notre étoile
L’un des dix instruments embarqués à bord de Solar Orbiter est le télescope à rayons X STIX, qui réalisera des images et des spectres de rayons X. Il s’agit d’un projet de la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse (FHNW), à Windisch. Les collègues spécialistes de cette HES ont chargé Martin Bednarzik et son groupe de recherche au PSI de développer un détecteur à pixels pour le télescope, de le tester et de le caractériser. «Nous avons même construit une nouvelle salle blanche au PSI pour une partie des travaux», raconte Martin Bednarzik. Les composants décisifs du détecteur sont des capteurs en telluride de cadmium – un matériau semi-conducteur – de 10 millimètres de côté et d’un millimètre d’épaisseur. Ils mesurent l’énergie et le moment d’arrivée des rayons X incidents pendant une éruption solaire. Les données obtenues fourniront des informations sur les processus en jeu lors des éruptions solaires. Le télescope STIX devrait se mettre au travail fin 2021.
Quel temps fera-t-il dans l’espace?
Solar Orbiter n’est que l’un des nombreux projets auxquels le PSI participe. En Suisse, il existe une longue tradition de recherche spatiale: lors du premier alunissage, en 1969, la seule expérience non américaine à bord était la voile solaire de l’Université de Berne; Buzz Aldrin, le deuxième homme à marcher sur la Lune lors de la légendaire mission Apollo 11, l’avait même plantée dans le sol lunaire avant le drapeau américain. Depuis lors, la Suisse a encore renforcé sa position dans la recherche spatiale pour devenir un partenaire hautement respecté dans les missions scientifiques. Des chercheurs du PSI développent, avec l’industrie, des instruments et des technologies pour mener à bien de tels projets. Tous les êtres humains en profitent d’une manière ou d’une autre, car, sans recherche spatiale, il n’y aurait ni systèmes de navigation ni prévisions météo fiables. Les chercheurs veulent maintenant mieux prédire ce qu’on appelle la «météorologie de l’espace» – et surtout savoir si les tempêtes solaires déjà mentionnées peuvent être annoncées –, à l’image de ce que font les prévisions météo terrestres de manière relativement précise aujourd’hui. Avec sa mission située au point de Lagrange (Lagrange Mission), l’ESA prévoit de développer un système d’alerte précoce pour ces événements potentiellement dangereux. «Notre objectif, entre autres, est de détecter dans l’espace les particules chargées avant qu’elles n’atteignent la Terre», explique Wojciech Hajdas, du Laboratoire de physique des particules et responsable de projet au PSI.
Dans le cadre d’une mission commune, l’ESA et la NASA projettent d’acheminer deux satellites aux points de Lagrange L1 et L5, situés entre la Terre et le Soleil. En ces positions précises dans l’espace, la force centrifuge suspend les forces d’attraction gravitationnelle du Soleil et de la Terre, si bien que les satellites peuvent rester pratiquement immobiles sans gravité. Le satellite au point L5, auquel le PSI collabore, sera équipé de neuf instruments. Certains observeront les activités à la surface du Soleil et saisiront les parties de notre étoile qui ne peuvent être observées depuis la Terre. D’autres mesureront la situation au point de Lagrange: par exemple, la quantité de rayons X, le flux de particules et la taille du champ magnétique.
Si le satellite devait détecter un danger, il y aurait encore une durée de quelques heures à quelques jours, avant que ce dernier n’atteigne la Terre, indépendamment de la nature de la menace identifiée (anomalies observées à la surface du Soleil, particules ou rayonnement mesurés au point de Lagrange par un détecteur). «Dans tous les cas, cela nous laisserait un peu de temps pour réagir et, par exemple, pour ramener sur Terre des astronautes qui se trouvent en orbite ou pour adapter les itinéraires des avions», relève Wojciech Hajdas. Le Swiss Space Office – le département des Affaires spatiales du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation – soutient financièrement la Lagrange Mission.
Fort de ses nombreuses années d’expérience dans le domaine du développement et de la construction de détecteurs, le PSI participe actuellement à certaines études préliminaires pour la Lagrange Mission. Ces travaux portent sur un détecteur de protons et d’électrons, de minuscules particules chargées et riches en énergie dont sont composés tous les atomes. En 2002 déjà, un détecteur de ce type, baptisé IREM et issu d’un partenariat entre l’ESA, le PSI et la société Contraves Space AG à Zurich, s’était envolé pour l’espace à bord de la mission Integral de l’ESA. Depuis dix-huit ans, ce satellite mesure le rayonnement gamma dans le cosmos, qu’émettent par exemple les trous noirs, et fournit de précieuses données pour mieux comprendre l’univers et donc notre système solaire.
Nous avons même construit une nouvelle salle blanche pour une partie des travaux.
Les chercheurs du PSI développent à présent un détecteur supplémentaire pour la Lagrange Mission. Ce dernier détectera les ions lourds, c’est-à-dire des atomes chargés d’hélium, de carbone et d’autres atomes. Il arrive aussi, en effet, que le Soleil recrache ce type de particules, ce qui peut endommager les satellites.
Tests de matériaux pour équipement spatial
Dans l’espace, les satellites et les vaisseaux spatiaux à bord desquels sont embarqués des matériaux et de l’électronique sensibles sont exposés au rayonnement cosmique, qui induit un bombardement continu de particules. D’où l’importance des tests qui démontrent qu’un appareil est capable de résister dans l’espace pendant une longue période et dans quelle mesure ce séjour pourrait perturber ses fonctions. Comme le rayonnement cosmique est surtout composé de protons, la Proton Irradiation Facility au PSI permet d’évaluer cette résistance.
Les particules nécessaires aux analyses sont prélevées, pendant la nuit et le week-end, à l’accélérateur de protons qui, pendant les jours ouvrables, produit les protons nécessaires au traitement des patients cancéreux. «A cette installation, nous pouvons produire tous les spectres de protons possibles, qui sont parfaitement identiques à ceux que l’on rencontre dans l’espace», explique Wojciech Hajdas. A la station expérimentale, d’autres centres de recherche et des entreprises testent leur propre matériel pour voir s’il est adapté à la navigation spatiale. Plus de 200 utilisateurs venus de toute l’Europe y recourent chaque année. A l’avenir, il y aura donc des appareils qui entreprendront de longs voyages dans l’espace pour résoudre les derniers mystères de l’univers, après avoir été codéveloppés ou testés au PSI.
Texte: Brigitte Osterath