Les piles à combustible produisent de l’électricité à partir d’hydrogène et n’émettent que de l’eau, elles sont une alternative écologique pour la mobilité individuelle du futur. Depuis plus de 10 années, l’Institut Paul Scherrer (PSI) étudie et développe des piles à combustibles basse température à membrane polymère. Les premiers tests pratiques ont montré que ces piles à combustible peuvent être utilisées avec succès pour des voitures et des bus. Mais d’autres recherches restent nécessaires pour améliorer la longévité de cette technologie et la rendre économiquement viable. Une équipe internationale de chercheurs, à laquelle participe le PSI, a fabriqué un nanomatériau potentiellement capable d’améliorer la performance et la durabilité de ces piles à combustible – tout en réduisant les coûts.
Dans une pile à combustible à hydrogène, des réactions électrochimiques transforment l’hydrogène en électricité et en eau. Au cours de ce processus, la réduction de l’oxygène à la surface de l’électrode positive de la pile représente une étape importante. C’est à ce moment que les molécules d’oxygène acheminées dans la pile sont transformées en eau. En conditions normales, cette réaction ne se fait que très lentement, d’où la nécessité de recourir à des catalyseurs pour accélérer la transformation. Dans des piles conventionnelles, ce sont de métaux nobles, comme le platine, qui remplissent cette fonction catalytique. Les nanoparticules de platine utilisées sont portées par un substrat, le plus souvent en carbone, qui assure un maintien mécanique à l’électrode.
Cependant, en utilisation marche-arrêt typique du trafic urbain ou au ralenti, le substrat de carbone peut facilement se corroder, et perturber ainsi le fonctionnement du catalyseur. Ce qui conduit inévitablement à un raccourcissement de la durée de vie de toute la pile à combustible. Les chercheurs sont depuis longtemps en quête de catalyseurs fonctionnant sans matériau support (substrat), et qui combinent une grande surface spécifique (beaucoup des centres catalytiques actifs accessibles pour réduire l’oxygène) et une bonne stabilité à long terme.
Une équipe internationale de chercheurs, à laquelle le PSI participe, a achevé une grande avancée dans cette direction. Un nouveau catalyseur aérogel 3D réalisé dans un alliage platine-palladium. L’aérogel est une sorte de mousse à l’échelle du nanomètre (1 nm = 0.0000001 cm). L’activité catalytique du nouveau catalyseur est multipliée par cinq pour la réduction d’oxygène à l’électrode positive d’une pile à combustible à hydrogène, par rapport aux catalyseurs platine standard (monté sur substrat de carbone commercial). Cela signifie qu’avec cinq fois moins des métaux nobles, il est possible de transformer la même quantité d’oxygène. Si cette diminution de la quantité de platine nécessaire était transposable à l’échelle industrielle, alors les coûts de fabrication de telles piles à combustible seraient considérablement réduits. Le nouveau catalyseur aérogel 3D a passé avec succès les tests à long terme en laboratoire, au cours desquels des conditions d’utilisation typiques en véhicule ont été simulées.
Un lacis aéré de nanocâbles
L’aérogel a été synthétisé et caractérisé par des chercheurs de l’Université Technique de Dresde et du PSI. Il forme un réseau 3D de nanocâbles, et se caractérise par une porosité et une surface interne très importantes. Ces propriétés facilitent l’arrimage de nombreuses molécules d’oxygène aux atomes de platine, qui assurent l’activité catalytique – une condition nécessaire pour une transformation efficace de l’oxygène. D’autres nanomatériaux utilisés comme catalyseurs dans des piles à combustible présentent, eux aussi, une importante porosité et de grandes surfaces, mais seulement quand ils consistent des nanoparticules de platine sur un support de carbone. L’avantage décisif du nouvel aérogel réside dans le fait qu’il combine ces avantages (porosité et surfaces) avec une vaste structure 3D, ce qui permet de se passer complètement d’un matériau support auxiliaire.
Aérogel bimétallique synthétisé pour la première fois
Depuis quelques années, les aérogels sont l’objet d’une attention soutenue, en raison des propriétés remarquables qu’ils pourraient présenter pour de nombreuses applications dans les domaines de l’électrochimie et des capteurs. De nombreux groupes de recherche dans le monde s’efforcent de produire de nouveaux aérogels pour de futures applications, le plus souvent parce qu’ils ont la certitude que des applications pratiques suivront. Mais jusqu’ici, le succès est resté limité à un ensemble restreint de substances chimiques : la plupart des aérogels sont composés d’oxydes ou d’un seul métal. Des études théoriques ont toutefois prédit que des catalyseurs réalisés dans certains alliages métalliques pourraient voir leur activité catalytique et leur stabilité améliorées. Il a été tenté d’obtenir ces mêmes avantages avec un aérogel. Cependant, la synthèse d’un tel aérogel bimétallique n’avait jusqu'à présent pu être réalisée, « C’est la toute première fois qu’un aérogel est synthétisé à partir d’un alliage métallique », souligne Thomas-Justus Schmidt, directeur du laboratoire d’électrochimie au PSI, et co-auteur de l’étude.
Ce nouveau travail confirme les espoirs placés dans ces matériaux. La clé de l’amélioration de l’activité du nouvel aérogel réside, par exemple, dans la force de liaison optimale que le palladium de l’alliage assure entre les atomes de platine et les composés contenant l’oxygène. Autrement dit, la liaison est tellement forte, que les molécules d’oxygène restent justement assez longtemps liées pour être transformées en eau, mais pas si forte pour que la formation des oxydes sur le catalyseur ne devienne possible. Le fait que la réaction de transformation en eau soit favorisée en lieu et place de la formation des oxydes conduit à ce que beaucoup de molécules d’oxygène puissent continuer à s’arrimer et être transformées à leur tour.
Questions encore ouvertes
Les chercheurs n’ont pas encore compris un autre avantage de l’alliage : la meilleure stabilité de cet aérogel bimétallique par rapport aux aérogels monométalliques en platine pur. « Apparemment, la présence de palladium dans l’aérogel joue aussi ici un rôle important, mais nous ignorons quel est son effet sur la stabilité du catalyseur », explique Thomas-Justus Schmidt. Les chercheurs prévoient de se pencher sur cette question, et sur les autres que pose le nouveau nanomatériau, au cours des trois prochaines années, dans le cadre d’un projet. « Nous venons de préparer une demande de financement commune avec l’Université Technique de Dresde», détaille Thomas-Justus Schmidt. «L’objectif est de doter le projet, financé jusqu’ici en interne, d’une base financière plus large. »
Auteur: Leonid Leiva
À propos du PSI
L’Institut Paul Scherrer développe, construit et exploite de grandes installations de recherche complexes et les met à disposition de la communauté nationale et internationale. Les principales recherches de l’Institut sont centrées dans le domaine matière et matériaux, energie et environnement, santé. Avec 1500 collaborateurs et un budget annuel d’environ 300 millions CHF, le PSI est le plus grand centre de recherche de Suisse.
Contact
Prof. Dr. Thomas Justus Schmidt, Directeur du Laboratoire d'électrochimie, Institut Paul Scherrer ,Téléphone: +41 56 310 57 65, E-Mail: thomasjustus.schmidt@psi.ch
Dr. Rüdiger Kötz, Chef du Groupe Electrocatalyse et interfaces, Institut Paul Scherrer ,
Téléphone: +41 56 310 20 57, E-mail: ruediger.koetz@psi.ch
Publication originale
Bimetall-Aerogele: hoch effiziente Elektrokatalysatoren für die SauerstoffreduktionWei Liu, Paramaconi Rodriguez, Lars Borchardt, Annette Foelske, Jipei Yuan,
Anne-Kristin Herrmann, Dorin Geiger, Zhikun Zheng, Stefan Kaskel, Nikolai Gaponik, Rüdiger Kötz,
Thomas J. Schmidt und Alexander Eychmüller,
Angewandte Chemie
DOI: 10.1002/ange.201303109