Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI et de l’ETH Zurich entendent améliorer la performance de ce qu’on appelle des zéolithes. Actuellement, ces composés sont des auxiliaires indispensables dans l’industrie chimique qui sont utilisés comme catalyseurs dans les raffineries de pétrole depuis les années 1960. Dans la revue spécialisée Nature Materials, les chercheurs défendent l’opinion qu’une plus grande attention doit être portée aux zéolithes classiques. D’après eux, ces dernières pourraient même permettre la création d’une bioéconomie basée sur des matières premières renouvelables.
Afin de transformer notre économie basée sur le pétrole en bioéconomie durable, le remplacement des ressources fossiles par des matières premières renouvelables est nécessaire. Cependant, le pétrole est à la base de nombreux produits de l’industrie chimique et le remplacer par du bois, du maïs et de la paille n’est pas simple, car les végétaux sont composés de molécules drastiquement différentes de l’or noir. Pour pouvoir propulser des voitures et permettre la fabrication d’une large variété de matières synthétiques et de médicaments, il faut d’abord faire subir des transformations chimiques aux matières premières renouvelables. Or souvent, ces transformations ne sont possibles que grâce à des catalyseurs, c’est-à-dire des substances capables d’accélérer les réactions chimiques.
Dans ce domaine, les zéolithes – des composés formés d’un squelette d’aluminium, d’oxygène et de silicium – constituent des catalyseurs particulièrement prometteurs. Les zéolithes existent à l’état naturel – par exemple sous forme de minerais dans des formations rocheuses – ou sont produits artificiellement. Elles figurent parmi les principaux catalyseurs de l’industrie chimique. Les raffineries de pétroles les utilisent depuis les années 1960 pour le craquage, c’est-à-dire pour casser de longues chaîne d’hydrocarbures en chaînes plus courtes. Elles sont aussi utilisées dans d’autre domaines, comme par exemple en tant qu’ingrédients dans les produits de lavage, pour adoucir l’eau et dans les radiateurs à accumulation.
Les zéolithes ont le potentiel de faciliter la transition vers une bioéconomie, car elles permettent de transformer la biomasse en molécules dont l’industrie a urgemment besoin. «Mais sur ce point, la recherche sur les zéolithes est dans une impasse», relève Vitaly Sushkevich, scientifique au Laboratoire de catalyse et de chimie durable au PSI. Avec des collègues du PSI et de l’ETH Zurich, il entend sortir la recherche sur les zéolithes de cette impasse.
Il y a aluminium et aluminium
Un problème se pose: pour développer des catalyseurs destinés à la bioéconomie, les chercheurs dans le monde étudient des zéolithes plus complexes qui contiennent des atomes d’étain, de titane ou de zirconium, mais elles ont atteint les limites de leur performance. L’équipe emmenée par Vitaly Sushkevich conseille donc de se tourner à nouveau vers les zéolithe classiques qui sont composées uniquement de silicium, d’aluminium et d’oxygène. «Ce sont des catalyseurs très performants, rappelle Vitaly Sushkevich. Leur particularité réside dans le fait qu’elles peuvent être modifiées et adaptées en fonction des différents buts recherchés. Elles sont même capables de catalyser plusieurs réactions chimiques l’une après l’autre.» Dans ce cas de figure, le produit de départ A peut-être transformer en produit D souhaité, via des étapes intermédiaires B et C.
Les atomes d’aluminium constituent un élément important de ces zéolithes. A l’origine, ils sont solidement ancrés dans le squelette de la zéolithe. En les chauffant et en appliquant d’autre astuces, il est possible de les détacher de ce squelette afin de permettre à ces zéolithes de catalyser des réactions importantes pour la bioéconomie.
Manoj Ravi, doctorant à l’ETH Zurich, a analysé la littérature et découvert quelques incohérences. «La manière dont les atomes d’aluminium catalysent les réactions est probablement beaucoup plus compliquée qu’on ne l’imaginait jusqu’ici», relève-t-il. Tous les atomes d’aluminium ne se détachent pas complètement du squelette, par exemple. Il y a plutôt trois sortes d’atomes d’aluminium qui coexistent dans une zéolithe: certains sont encore attachés au squelette, d’autres en sont partiellement détachés et d’autres en sont complètement détachés. «Il est important de distinguer ces trois types et de ne pas tous les mettre dans le même panier», souligne Manoj Ravi.
Comprendre ce qui se passe
Le PSI synthétise aussi des zéolithes et analyse leurs structures, par exemple à l’aide de la Source de Lumière Suisse SLS. «Les mesures effectuées aux grandes installations de recherche et à l’aide d’autres technologies modernes permettent de comprendre la structure des centres actifs importants», souligne Vitaly Sushkevich. Les centres actifs sont des positions dans le catalyseur où se produit la réaction.
Cette approche pourrait non seulement faciliter la transition vers une bioéconomie, mais aussi améliorer le traitement de ressources fossiles classiques, ajoute le chimiste.
Les résultats seront publiés le 21 septembre 2020 dans la revue spécialisée Nature Materials.
Texte: Institut Paul Scherrer/Brigitte Osterath
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Contact
Dr Vitaly Sushkevich
Laboratoire de catalyse et de chimie durable
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 35 18, e-mail: vitaly.sushkevich@psi.ch [anglais, russe]
Publication originale
Towards a better understanding of Lewis acidic aluminum in zeolites
M. Ravi, V.L. Sushkevich, J.A. van Bokhoven
Nature Materials, 21 septembre 2020 (en ligne)
DOI: 10.1038/s41563-020-0751-3
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