La poussière fine produite par les moteurs à essence modernes est nocive à nos poumons

La poussière fine issue des moteurs à essence est nocive à nos voies respiratoires, qu'elle provienne de moteurs déjà anciens ou de modèles conformes à la nouvelle norme européenne. Les particules fines facilitent la pénétration d'agents pathogènes dans les poumons. C'est ce qu'ont démontré des chercheurs de l'Université de Berne et de l'Institut Paul Scherrer (PSI), dans le cadre d'une expérience réaliste en laboratoire.

Chambre à smog au PSI avec rechercheurs impliqués. (Photo : Frank Reiser/Institut Paul Scherrer)

Selon le dernier rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 7 millions de personnes sont décédées prématurément des suites de l'exposition à la pollution atmosphérique en 2012. Depuis plus de dix ans, des études montrent que les particules présentes dans l'atmosphère sous forme de poussière fine (Particulate Matter, PM) ont des conséquences néfastes sur la santé. Outre les particules primaires, émises directement de la source, les particules dites secondaires revêtent d'une importance cruciale : générées et transformées de manière photochimique par la lumière du soleil, elles sont omniprésentes et peuvent représenter jusqu'à 90% de l'ensemble de la poussière fine.

Les gaz d'échappement des moteurs à essence sont une source importante de poussière fine ; or, depuis peu, on sait aussi qu'ils produisent une quantité non-négligeable de poussière fine secondaire. Par contre, la toxicité de cette dernière n'est pratiquement pas étudiée. Une équipe internationale de chercheurs, placée sous la direction de Marianne Geiser, chercheuse en pneumologie à l'Institut d'anatomie de l'Université de Berne, et de Josef Dommen, chercheur spécialiste des aérosols à l'Institut Paul Scherrer (PSI), a montré à présent que les particules secondaires produites par la combustion dans les moteurs Euro 5 endommageaient directement le tissu pulmonaire et affaiblissaient ses fonctions de défense. Dans la foulée, les chercheurs démontrent également que les avancées techniques des moteurs à essence ne sont pas forcément synonymes de moins de préjudices pour la santé. L'étude a été soutenue par le Fonds national suisse (FNS) et est parue dans la revue spécialisée Nature Scientific Reports.

Les dangers de la poussière fine secondaire

Les particules secondaires mesurent moins d'un millième de millimètre (PM 1) et se déposent en grande partie dans les voies respiratoires, lorsque celles-ci sont inhalées. Chez les personnes en bonne santé, le système immunitaire du poumon est en principe bien développé : il fait en sorte que les particules déposées soient mises hors d'état de nuire et évacuées hors du poumon dès que possible. Mais si les particules inhalées réussissent à déjouer ce système immunitaire grâce à leurs propriétés physico-chimiques, il existe un risque de dommages irréparables du tissu pulmonaire. Ce sont surtout les personnes asthmatiques et celles atteintes de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou de fibrose kystique (FK) qui sont menacées.

Pas de valeur seuil identifiable

Des chercheurs ont à présent étudié la toxicité de particules qui se forment dans l'atmosphère à partir de gaz d'échappement d'un moteur à essence Euro 5, dans le cadre d'expériences novatrices combinées. Les transformations atmosphériques des particules émises ont été simulées dans la chambre à smog au PSI, et leur concentration a été variée au moyen d'un nouvel appareil. Une chambre de déposition d'aérosols nouvelle, elle aussi, a permis de procéder à une exposition réaliste de particules sur des cultures cellulaires de voies respiratoires saines et malades. Nous avons ainsi pu déterminer la vulnérabilité de groupes de population particulièrement sensibles, qui n'auraient jamais pu participer à une étude pour des motifs éthiques, explique Josef Dommen. Entre 10 et 350 nanogrammes (milliardièmes de gramme), la masse de particules déposées par centimètre carré de surface cellulaire, correspond à une dose journalière dans les voies respiratoire, qui va de l'atmosphère rurale légèrement polluée – avec 20 microgrammes (millionièmes de gramme) de PM par mètre cube d'air – à la pollution atmosphérique très prononcée d'une mégacité (1000 microgrammes de PM par mètre cube d'air). Résultat : dans toutes les cultures cellulaires, les chercheurs ont pu démontrer une augmentation de la mort cellulaire liée à la dose de particules. De plus, ces cellules ont libéré moins de médiateurs inflammatoires, dont l'importance est essentielle pour nos défenses immunitaires. Là aussi, l'effet dépendait de la dose. Ces deux réactions réduisent la capacité des cellules des voies respiratoires à réagir efficacement à la suite d'une attaque virale ou bactérienne, détaille Marianne Geiser. Ces dégâts au niveau des cellules ont aussi été observés avec la plus petite dose de particules utilisée, ce qui indique qu'il n'existe pas de valeur seuil.

D'après les chercheurs, les méthodes de mesure ultramodernes utilisées dans le cadre de cette étude et les résultats obtenus représentent un nouveau pas important dans l'étude des polluants atmosphériques et de leur impact sur la santé.

Texte : Université de Berne


À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 1900 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 380 millions.

Contact
Prof. Dr. Marianne Geiser, Institut d'anatomie, Université de Berne
Téléphone : +41 31 631 84 75
E-mail : marianne.geiser@ana.unibe.ch

Dr. Josef Dommen, Laboratoire de chimie atmosphérique, Institut Paul Scherrer (PSI)
Téléphone : +41 56 310 29 92
E-mail : josef.dommen@psi.ch
Publication originale
Toxicity of aged gasoline exhaust particles to normal and diseased airway epithelia
Künzi L, Krapf M, Daher N, Dommen J, Jeannet N, Schneider S, Platt S, Slowik JG, Baumlin N, Salathe M, Prévôt ASH, Kalberer M, Strähl C, Dümbgen L, Sioutas C, Baltensperger U, Geiser M. P.,
Scientific Reports 5, 11801 (2015)
DOI: 10.1038/srep11801