Les lasers au germanium pourraient rendre les puces informatiques plus rapides

Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer ont cherché à savoir comment faire pour que le germanium, ce matériau semi-conducteur, puisse envoyer de la lumière laser. Comme matériau laser, le germanium, tout comme le silicium, pourrait être la base de puces informatiques d’un nouveau genre, qui transmettraient les informations sous forme de lumière. Cette technologie permettrait de révolutionner le flux de données sur les puces, et donc faire avancer la puissance des systèmes électroniques. Les chercheurs ont démontré qu’il faut modeler le germanium au moyen d’une force extérieure afin qu’il se transforme en laser. Ils ont effectué ces recherches décisives à la Source de Lumière Suisse de l’Institut Paul Scherrer, et ont publié les résultats obtenus dans la revue spécialisée Physical Review Letters. Ces travaux ont reçu le soutien du Fonds National Suisse FNS.

Peter Fridli et Hans Sigg préparent l’expérience sur les propriétés du germanium. (Photo: Frank Reiser, Paul Scherrer Institut)
Peter Fridli et Hans Sigg préparent l’expérience sur les propriétés du germanium. (Photo: Frank Reiser, Paul Scherrer Institut)
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En 1965, Gordon Moore énonça la règle selon laquelle la densité d’une surface de transistor double tous les deux ans sur les puces informatiques, et donc que la puissance informatique augmente d’autant. Cette loi s’applique depuis le début du calcul numérique du temps, c’est à dire depuis le lancement des premiers circuits intégrés pour micro-processeurs, dans les années 1960. Malgré l’augmentation du nombre de transistors sur les puces informatiques, ainsi que d’autres avancées, la puissance totale des processeurs ne suit plus la loi de Moore, et ceci déjà depuis une décennie: les spécialistes parlent de l’écart de Moore. La raison est la suivante: les cartes modernes possèdent plusieurs noyaux (des processeurs autonomes) qui, avec les processus traditionnels, ne communiquent entre eux qu’assez lentement.

« En effet, on connaît une méthode pour combler ce manque : la transmission optique de données entre les différents noyaux de la puce », explique Hans Sigg, chercheur à l’Institut Paul Scherrer : « cela signifie que dans une puce informatique, la transmission des données se ferait notamment au moyen de pulsations lumineuses, ce qui pourrait augmenter considérablement le flux et l’échange d’informations ». Pour cela, il faudrait de minuscules lasers, que l’on monterait sur les puces, et qui permettraient d’émettre les pulsations lumineuses. Mais cela n’existe pas encore.

De minuscules lasers au germanium pourraient rendre les puces plus rapides

Désormais, l’équipe de recherche de Sigg pourrait, en collaboration avec leurs collègues de l’ETH Zurich et du Politecnico di Milano, démontrer que le germanium peut servir de matériau laser dans certaines conditions. « Les lasers au germanium pourraient représenter une véritable percée, car le germanium se combine bien avec le silicium qui constitue les puces. Le silicium tout seul n’est pas capable d’émettre de la lumière, et il est très peu compatible avec les matériaux lasers disponibles », souligne Sigg.

Lors de leurs travaux, les chercheurs ont analysé les propriétés du germanium qui sont importantes pour la création de lumière laser, et les ont comparées à celles des lasers traditionnels. Ces expériences ont été réalisées à la Source de Lumière Suisse (SLS) de l’Institut Paul Scherrer. « Au moyen d’un puissant laser, nous stimulons le matériau, et observons en même temps, au moyen de lumière infrarouge, les modifications qui surviennent sur le SLS », explique Peter Friedli, qui est en train de préparer sa thèse de Doctorat et qui a réalisé ces expériences décisives avec le chercheur Lee Carroll. « Nous nous servons du fait que les pulsations lumineuses ne durent que 100 picosecondes, c’est à dire 0,1 milliardième de seconde, ce qui nous permet d’observer les processus à l’œuvre dans le matériau, et plus précisément le comportement des électrons à différents moments ».

Le germanium doit être sous tension

« Nos résultats sont d’une part encourageants: le germanium présente un comportement similaire à celui des matériaux lasers traditionnels. La possibilité d’émettre de la lumière n’est donc pas exclue“, se réjouit Sigg, avant d’ajouter: „toutefois, dans les couches de germanium analysées jusqu’à présent, l’équilibre entre intensification et perte est encore tel que le matériau ne répond pas encore aux conditions nécessaires pour produire de la lumière laser ». Mais l’on a constaté que plus on déforme le germanium au moyen d’une force extérieure, plus on se rapproche de cette condition. Les chercheurs espèrent atteindre les conditions nécessaires au germanium lors d’un prochain projet. Pour y parvenir, ils emploieront une nouvelle technologie permettant de fortement accroître ces tensions.

Ce projet de recherche a été financé par le Fonds national suisse FNS.


À propos du PSI

L’Institut Paul Scherrer développe, construit et exploite de grandes installations de recherche complexes et les met à disposition de la communauté nationale et internationale. Les principales recherches de l’Institut sont centrées dans le domaine matière et matériaux, energie et environnement, santé. Avec 1500 collaborateurs et un budget annuel d’environ 300 millions CHF, le PSI est le plus grand centre de recherche de Suisse.

Contact
Dr. Hans Sigg, Laboratoire de Micro- et Nanotechnologies; Institut Paul Scherrer, 5232 Villigen PSI, Suisse;
Téléphone: +41 56 310 40 48, Courriel: hans.sigg@psi.ch
Publication originale
Direct-Gap Gain and Optical Absorption in Germanium Correlated to the Density of Photoexcited Carriers, Doping, and Strain
Lee Carroll, Peter Friedli, Stefan Neuenschwander, Hans Sigg, Stefano Cecchi, Fabio Isa, Daniel Chrastina, Giovanni Isella, Yuriy Fedoryshyn, Jérôme Faist
Phys. Rev. Lett. 109, 057402 (2012);
DOI: 10.1103/PhysRevLett.109.057402

Articles de fond sur la méthode employée:
Ultra-broadband infrared pump-probe spectroscopy using synchrotron radiation and a tuneable pump
Lee Carroll, Peter Friedli, Philippe Lerch, Jörg Schneider, Daniel Treyer, Stephan Hunziker, Stefan Stutz, and Hans Sigg
Rev. Sci. Instrum. 82, 063101 (2011);
DOI: 10.1063/1.3592332
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