Des expériences menées à l’Institut Paul Scherrer montrent qu’il existe une zone de plus forte concentration en eau autour des racines d’une plante.
On sait depuis fort longtemps que les racines modifient le sol dans leur environnement immédiat – on y trouve d’autres microorganismes et la composition chimique est elle aussi différente de celle rencontrée au-delà de la racine. Des expériences menées à l’Institut Paul Scherrer par une équipe de recherche internationale viennent de montrer que le sol au voisinage immédiat de la racine contient également plus d’eau – contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à présent, à savoir que cette zone devrait contenir moins d’eau étant donné que la plante y puise de l’eau. Mais apparemment, les plantes se constituent une petite réserve d’eau qui pourra les aider à survivre à de courtes périodes de sécheresse. Ces résultats pourraient à long terme s’avérer utiles pour cultiver des plantes qui survivent mieux à des périodes de sécheresse ou qui soutiennent le développement de systèmes d’irrigation efficaces. Ces résultats ont été obtenus à l’Institut Paul Scherrer grâce à des expériences utilisant l’imagerie neutronique – une méthode qui permet de révéler la distribution de l’eau avec une précision de l’ordre d’une fraction de millimètre, sans pour autant être obligé d’extraire la plante du sol. Les chercheurs ont publié leurs résultats dans New Phytologist, une revue de renom.
Sascha Oswald de l’Institut des sciences de la terre et de l’environnement de l’université de Potsdam explique que « la question de savoir comment les plantes absorbent l’eau est non seulement importante pour le développement de nouvelles espèces de plantes économes en eau, mais aussi pour l’amélioration des modèles climatiques. En effet plus de la moitié de l’eau qui tombe sur la terre par le billet des précipitations est absorbée par les plantes et retourne dans l’atmosphère après les avoir traversées. » Le but d’un projet de recherche pour lequel il travaille avec plusieurs collèges est de montrer plus précisément ce qui se passe à l’endroit où la plante absorbe l’eau par la racine. « Les plantes absorbent l’eau présente dans le sol par les racines les plus fines, ayant quelques millimètres de diamètre – les racines plus épaisses servent alors de canalisations qui transportent l’eau. Ahmad Moradi de la University of California Davis explique : « Nous voulons comprendre la distribution de l’eau autour de ces racines. »
Les neutrons montrent la teneur en eau sans perturber les plantes
Ahmad Moradi explique le défi technique comme suit : « Ici les processus déterminants ont lieu à une échelle de quelques millimètres. Pour ne pas passer à côté de l’essentiel, nous avons par conséquent besoin d’une technique qui montre les détails plus petits qu’un millimètre et qui peut être utilisée sans avoir à extraire la plante du sol. » Les chercheurs ont trouvé la méthode idéale avec l’imagerie neutronique à l’Institut Paul Scherrer. À l’aide de neutrons, ils y ont pu réaliser des images des plantes ainsi que de la terre environnante. Grâce à ces particules, il est possible de voir à l’intérieur de différents objets à l’instar des rayons X, mais des aspects supplémentaires peuvent également êtres imagé. En effet les neutrons génèrent des images particulièrement précises de l’eau, alors que le métal ou le sable sont pratiquement transparents pour eux. « Les racines sont composées à 90% d’eau. Si on veut les examiner ou examiner le mouvement de l’eau dans le sol, les neutrons constituent un bien meilleur outil que les rayons X », souligne Ahmad Moradi.
Les chercheurs ont ainsi pu établir une image tridimensionnelle précise de la distribution de l’eau autour de des racines et déterminer la quantité d’eau présente à différents endroits dans le sol. « Pour ces mesures, l’option microscopie de l’installation a été utilisée, ce qui a permis de générer des images avec une résolution de 20 pixels par millimètre. Nous avons alors pu visualiser l’eau avec une précision suffisante. » explique Eberhard Lehmann, dont le groupe exploite les installations au PSI. « Nous avons trois sites de mesure où nous pouvons générer des images avec des neutrons – chacun d’entre eux ayant des propriétés différentes, ce qui nous a permis de tester différentes options pour l’expérience. Un grand avantage des installations du PSI est que celles-ci fonctionnent 24 heures sur 24, ce qui permet d’observer les plantes sur un cycle nycthéméral complet. » En Suisse, le PSI est la seule installation à disposer de neutrons pour la recherche.
Davantage d’eau au niveau des racines
Les résultats montrent que le sol contient environ 30% plus d’eau dans une zone de quelques millimètres autour de la racine que dans le reste du sol. On sait depuis longtemps que la racine modifie nettement son environnement immédiat. Par rapport aux autres zones, cette zone appelée rhizosphère contient bien plus de microorganismes et la concentration en métaux utiles y est plus basse parce que la plante y puise les ions métalliques. C’est à peu près ainsi qu’on s’imaginait la situation avec l’eau jusqu’à présent – c’est-à-dire que la concentration en eau était moins importante à proximité de la racine qu’a plus grande distance de celle-ci, parce que la racine puise de l’eau dans le sol et ne la restitue que par la suite. Les expériences réfutent désormais cette théorie, et ce pour les trois espèces de plantes examinées, à savoir le maïs, les lupins et les pois chiches.
Des réserves d’eau pour les temps difficiles
« Dans un premier temps, nous ne pouvions faire que des suppositions concernant la question de savoir comment la concentration en eau augmentait autour des racines. C’est probablement une substance colloïdale rejetée par la racine qui en est responsable. Cette substance peut fixer 10 000 fois son poids net en eau. La plante pourrait ainsi se constituer une réserve pour de courtes périodes de sécheresse. » explique Andrea Carminati, spécialiste en physique du sol à l’université de Göttingen. Même si cette réserve ne suffit pas à couvrir de longues périodes de sécheresse, elle pourrait aider à surmonter une période allant jusqu’à 12 heures au cours de laquelle la plante serait sinon privée de tout apport d’eau. Sascha Oswald complète cette explication comme suit: « Si on pense à l’application pratique de ces résultats, ils pourraient aider à cultiver des plantes qui résistent mieux à des périodes de sécheresse. On pourrait également apprendre à irriguer les plantes de manière à ce qu’elles ne subissent aucun dégât induit par la sécheresse.
Le projet
Le projet de recherche est conduit par des chercheurs du centre Helmholtz de recherche environnementale – UFZ, de la University of California Davis, de l’université de Potsdam et de l’université de Göttingen, qui ont par le passé travaillé ensemble à l’UFZ. Les expériences présentées ont été réalisées à l’Institut Paul Scherrer PSI (Villigen, Suisse) et encadrée par des scientifiques du PSI.
Texte : Paul Piwnicki
À propos du PSI
L’Institut Paul Scherrer développe, construit et exploite de grandes installations de recherche complexes et les met à disposition de la communauté nationale et internationale. Les principales recherches de l’Institut sont centrées dans le domaine matière et matériaux, energie et environnement, santé. Avec 1400 collaborateurs et un budget annuel d’environ 300 millions CHF, le PSI est le plus grand centre de recherche de Suisse.
Contact
Dr. Ahmad Moradi, Department of Land, Air and Water Resources, University of California Davis, Davis, CA 95616, USAE-mail: amoradi@ucdavis.edu; Téléphone: +1 805 886 3919
Dr. Eberhard Lehmann, responsable de l’imagerie neutronique, Paul Scherrer Institut, 5232 Villigen PSI, Suisse
E-mail: eberhard.lehmann@psi.ch; Téléphone: +41 56 310 29 63
Prof. Dr. Sascha Oswald, Institut pour les sciences de la terre et de l’environnement, Université de Potsdam, 14476 Potsdam-Golm, Allemagne,
E-mail: sascha.oswald@uni-potsdam.de, Téléphone: +49 331 977 2675
Dr. Andrea Carminati, Département des sciences agronomiques, Université Georg-August Göttingen, 37018 Göttingen, Allemagne,
E-mail: acarmin@uni-goettingen.de, Téléphone: +49 551 39 4629
Prof. Dr. Hans-Jörg Vogel, Helmholtz-Centre for Environmental Research – UFZ, Department Soil Physics. 06120 Halle, Allemagne
E-mail: hans-joerg.vogel@ufz.de, Téléphone: +49 345 558 5403
Publication originale
Three-dimensional visualization and quantification of water content in the rhizosphereAhmad B. Moradi, Andrea Carminati, Doris Vetterlein, Peter Vontobel, Eberhard Lehmann, Ulrich Weller, Jan W. Hopmans, Hans-Jörg Vogel and Sascha E. Oswald
New Phytologist (2011)
DOI: 10.1111/j.1469-8137.2011.03826.x