Rétention d'iode radioactif en cas d'accident grave de centrale nucléaire

L'Institut Paul Scherrer et la société industrielle CCI AG signent un contrat de licence pour procédés de filtrage d'iode.

En 2011, la catastrophe japonaise dans la centrale nucléaire de Fukushima a rejeté de substances radioactives gravement nuisibles à l'homme et à l'environnement. En cas de tels accidents nucléaires, les systèmes modernes de filtrage sont capables de réduire considérablement le rejet de telles substances radioactives. Les chercheurs de l'institut Paul Scherrer (PSI) à Villigen ont développé un procédé efficace de filtrage de l’iode radioactif. Celui-ci élimine à peu près totalement l’iode de l'air pollué en substances radioactives avant qu'il ne soit rejeté dans l'environnement. Le PSI vient de s'associer avec un partenaire industriel, capable de produire et de diffuser ce procédé à l'international.

Le directeur du PSI Joël Mesot et Peter Matton, président IMI Nuclear, lors de la signature du contrat de licence.
Les filtres auront un diamètre entre 3 et 4 m et une hauteur d’environ 8 m.
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Pour que les matériaux radioactifs ne puissent s'échapper en cas de fusion accidentelle du cœur, les centrales nucléaires possèdent une enceinte en béton armé (appelée Containment). En cas d'avarie grave, la pression du mélange radioactif en vapeur d'eau et en gaz augmente parfois à un point que la décharge contrôlée dans l’environnement devient inévitable pour éviter l'explosion. Pour réduire au maximum la charge radioactive transmise aux personnes et à l'environnement en cas d'un tel manœuvre d'urgence, appelé Venting, plusieurs opérateurs de centrales nucléaires utilisent déjà depuis un certain temps des filtres pour nettoyer l'air contaminé avant qu'il ne soit évacué dans l'environnement. Depuis environ 20 ans, les centrales nucléaires suisses disposent de tels filtres, capables de retenir, conformément au savoir-faire de l'époque, plus de 95% de l’iode radioactif. Les résultats récents de la recherche ont cependant montré la possibilité de formation de certains dérivés de l’ iode impossibles à filtrer efficacement ou durablement à l'aide de ces filtres anciens. L’iode est une substance très volatile et son apparence chimique contribue décisivement à la possibilité de rétention. Bien que la demi-vie de l’iode radioactif le plus fréquemment libéré en cas d'accident nucléaire, ne soit que de huit jours, la volatilité contribue à sa large diffusion et le rend particulièrement dangereux pour l'homme. Absorbé par la respiration ou avec les aliments, l’iode s'accumule surtout au niveau de la thyroïde où l’iode radioactif risque de provoquer des carcinomes. En stockant aux environs de centrales nucléaires des pilules contenat de l’iode, à distribuer à la population en cas d'accident grave, on tente actuellement d'éviter l'absorption de l’iode radioactif et le risque de cancers de la thyroïde.

Filtrage complet longue durée

Sous la direction de Salih Guentay, les chercheurs du PSI ont développé une méthode capable de filtrer presque totalement l'isotope radioactif 131 de l’iode contenu dans l'air vicié de réacteurs. Des méthodes de filtrage existent depuis longtemps, mais leur efficacité n'était pas assurée pour toutes les formes de l’iode et leur rétention était limitée dans le temps. La nouvelle méthode du PSI élimine ces carences des technologies anciennes. "La nouvelle méthode permet de retenir le iode dans toutes ses formes - élémentaires ou liées organiquement - et ceci efficacement et à long terme, empêchant ainsi un regain de la volatilité" explique M. Martin Jermann, le sous-directeur du PSI. Autre avantage du nouveau système de filtration : Non seulement de l’iode gazeux, mais également de minuscules particules de poussière contaminées d’iode et véhiculées dans les aérosols, sont mieux retenues que dans les filtres traditionnels. Le nouveau filtre est évidemment conçu en fonction des conditions exceptionnelles du Venting – températures et pressions élevées, ainsi que présence de nombreux produits de fission. Malgré son taux de rétention élevé, la construction du nouveau système de filtrage évite tout colmatage risquant de nuire à la décompression en cas d'accident.

Conversion en iode soluble dans l'eau

L’iode volatil émise dans de l'air est de l’iode élémentaire (I2) ou fait partie d'un composé organique (p.ex. iodure de méthyle CH3I). Pour filtrer efficacement l’iode contenu dans l'air vicié, il doit être converti en iode soluble dans de l'eau. Dans le cas de l’iode élémentaire, on utilise sa réaction chimique avec l'hyposulfite (S2O32-). La conversion de composés organiques nécessite la présence d'un catalyseur. La méthode du PSI utilise de longues chaînes d'ammoniac quaternaires comme catalyseur. Une fois l’iode volatie converti en iode soluble, il peut fiablement être extrait de l'air vicié. En cas de besoin de décompression du containment dû à un accident nucléaire grave, le mélange radioactif de vapeur et de gaz chargé d’iode passe dans le système de filtrage. L’iode y est converti et retenu, puis éliminé dans les règles de l'art par le filtre. Le mélange de vapeur et de gaz purgé d'iode et d'aérosols est rejeté sans risque dans l'environnement.

Demande accrue suite à Fukushima

La méthode de filtrage développée au PSI est désormais disponible pour équiper les centrales nucléaires du monde. La société CCI AG à Balterswil (TG) exploite la méthode PSI dans un filtre à base de technologie Sulzer. La recherche d'un partenaire industriel pour la commercialisation du brevet a commencé au PSI bien longtemps avant Fukushima, mais : "Le marché des filtres pour dispositifs de décompression ne s'est vraiment développé qu'à la suite de Fukushima. Le filtre à iode, développé par PSI nous fait bénéficier d'un avantage technique sur la compétition" dit M. Denis Grob, directeur des Services Nucléaires chez CCI. Les experts de la branche estiment le marché potentiel du nouveau système de filtrage à plus d'un milliard de CHF. 430 réacteurs nucléaires sont exploités dans le monde. Nombreux sont ceux dont le système de filtrage est insuffisant. "Nous devons convaincre les opérateurs de n'utiliser que la meilleure technologie possible" affirme M. Grob. Suite à l'accident dramatique de Fukushima, les organismes de surveillance de nombreux pays travaillent au renforcement des exigences régissant les systèmes de filtration. Via les redevances de licence, le PSI compte participer à retombées commerciales de son système de filtrage. "Avec la nouvelle méthode, le PSI peut exploiter son expérience décennale dans la recherche sur l’iode et les aérosols au profit de la sécurité des centrales nucléaires" explique M. Jermann, le sous-directeur du PSI.


À propos du PSI

L’Institut Paul Scherrer développe, construit et exploite de grandes installations de recherche complexes et les met à disposition de la communauté nationale et internationale. Les principales recherches de l’Institut sont centrées dans le domaine matière et matériaux, energie et environnement, santé. Avec 1500 collaborateurs et un budget annuel d’environ 300 millions CHF, le PSI est le plus grand centre de recherche de Suisse.

A propos de CCI

Les environ 200 collaborateurs de la société CCI AG à Balterswil (TG) développent et fabriquent également des vannes pour circuits à vapeur de centrales électriques. L'entreprise est une filiale de l'entreprise internationale IMI dont le siège social est à Birmingham (UK).

Contact
Martin Jermann, directeur adjoint PSI
Téléphone: +41 56 310 27 18, couriel: martin.jermann@psi.ch

Denis Grob, Directeur de Nuclear Services CCI AG
Téléphone: +41 79 249 86 00, couriel: dgrob@iminuclear.com
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