Tout circule : nouvelles possibilités d’observation du comportement des fluides dans les roches poreuses

Grâce à la tomographie computerisé (CT) à rayons X, il est possible pour la première fois d’observer directement la circulation du pétrole et de l’eau dans la roche – en 3D, avec une résolution temporelle jamais atteinte jusqu’ici. Cette nouvelle approche, et les informations qu’elle permet d’obtenir, contribuent à mieux comprendre comment différents fluides peuvent se refouler réciproquement dans des matériaux poreux. L’étude a été menée conjointement par des chercheurs de Shell, de l’Institut Paul Scherrer (PSI, Suisse) et de l’Université Johannes Gutenberg de Mayence (Allemagne). Les résultats ont été publiés dans la prestigieuse revue scientifique Journal Proceedings of the National Academy of Sciences of America.

Befüllung einer einzelnen Pore über die Flaschenhals-Öffnung am unteren Ende. Oben: Die Startsequenz Unten: Eine Aufnahme nach 16.8 Sekunden
Remplissage d’un pore par l’ ouverture en « goulot », par le bas. Ci-dessus, la séquence de départ, ci-dessous un cliché réalisé au bout de 16,8 secondes.

Le pétrole et le gaz naturel sont piégés dans les pores minuscules de roches sédimentaires ; avec l’exploitation conventionnelle, 50 à 70% du pétrole restent piégée dans le sol, même lorsqu’on utilise de l’eau pour le refouler. Pour l’avenir de l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz naturel, il est donc décisif de mieux comprendre le comportement des mélanges eau/pétrole dans les pores rocheux. Grâce à de nouvelles possibilités d’observation de certains processus fondamentaux, l’industrie pétrolière est en mesure de développer des procédés permettant d’extraire la matière première des gisements existants de manière plus efficace et plus durable. Les approches conventionnelles utilisées pour la description macroscopique du comportement des fluides qui ne se mélangent pas, présentent de nombreuses lacunes. De plus, elles ne permettent pas d’améliorer notre compréhension des processus au niveau du pore pris isolément. De nouveaux résultats issus de l’expérimentation fournissent à présent, pour la première fois, des données permettant de vérifier, au niveau de chaque pore, la validité des modèles numériques qui décrivent ces processus. Les expériences ont été conduites à la Source de Lumière Suisse (SLS) de l’Institut Paul Scherrer (PSI). Elles utilisent un nouveau processus de tomographie computerisé (CT) grâce auquel il est possible de reproduire en direct et en 3D les processus de circulation qui se jouent à l’intérieur des roches. Pour ces expériences, de petits échantillons de roche sont exposés de tous côtés à des rayons X intensifs. Les données obtenues sont ensuite agrégées pour former des images 3D, qui à leur tour, servent de base pour des séquences filmées lors desquelles il est possible de suivre directement les processus.

Sarah Irvine, scientifique au PSI, a contribué au développement de l’expérience et à sa réalisation : Avant, explique-t-elle, une seule image 3D, avec une résolution pareille, aurait nécessité 20 minutes ou plus. Avec la lumière de synchrotron de la SLS, et notre installation de tomographie ultrarapide, nous pouvons générer différentes projections en quelques millisecondes. Typiquement, une rotation de 180 degrés nécessite plus de 1000 clichés, afin de pouvoir collecter en quelques secondes les informations nécessaires pour une image 3D.

Michael Kersten de l’Institut de géosciences de l’Université Johannes Gutenberg, à Mayence (Allemagne), ajoute : Cette expérience est importante, dans la mesure où nous voyons maintenant la façon dont un mélange de différents fluides circule à travers un système complexe de pores. Les chercheurs allemands ont surtout contribué, dans ce projet, à l’analyse de données et à la visualisation des résultats. Grâce à leur compétence en matière de logiciels et l’expérience qu’ils ont accumulée au cours des dix dernières années dans le domaine de la tomodensitométrie, les membres du groupe de Michael Kersten ont réussi à réduire plus de 10 TB de données haute résolution en un film de quelques minutes montrant les processus fondamentaux. Les résultats éclairent certains aspects du comportement des fluides qui étaient insuffisamment compris jusque là. Les chercheurs ont ainsi pu observer, pour la première fois, des sauts de Haines directement dans la roche – il s’agit de changements soudains dans la manière dont un fluide circule dans des matériaux poreux. Or ces résultats contredisent le paradigme actuel selon lequel de tels changements seraient limités à quelques pores isolés : en réalité, ils se diffusent simultanément, comme une cascade, au travers de nombreux pores.

Steffen Berg, membre de l’institut de recherche de Shell Global Solutions International B.V. à Ryswick, aux Pays-Bas, conclut : Ce travail va modifier notre vue des processus dans les matériaux poreux. Cette nouvelle compréhension pourrait nous aider à résoudre certains des principaux défis de l’industrie énergétique. Non seulement les nouvelles données quantitatives obtenues contribuent au développement et à validation de modèles informatiques décrivant la circulation des fluides dans les roches poreuses, mais surtout elles nous permettent de prévoir le comportement macroscopique, et d’optimiser en conséquence la technologie d’obtention du pétrole.

A propos du PSI
L’Institut Paul Scherrer développe, construit et exploite de grandes installations de recherche complexes, qu’il met à disposition de la communauté nationale et internationale de la recherche. Les points forts de la recherche conduite entre ses murs portent sur les domaines suivants : matière et matériaux, santé humaine, énergie et environnement. Avec 1500 collaborateurs et un budget annuel d’environ 300 millions CHF, le PSI est le plus grand institut de recherche de Suisse.
Institut de géosciences, Université Johannes Gutenberg (JGU), Mayence
L’institut se trouve sur le campus de la JGU à Mayence. Il comprend dix groupes de travail de différentes orientations, allant de la géophysique à la recherche paléoclimatique, en passant par la pétrologie et la minéralogie environnementale. Avec son expertise reconnue dans le domaine de l’analyse, et en tant que membre du « Geocycles » (centre de recherche sur le système terrestre de la Rhénanie-Palatinat), coopérant sur place avec des institutions de recherche partenaires, leaders dans leur domaine, l’institut offre aussi bien une formation diversifiée dans le domaine de la géologie, que des opportunités de recherche interdisciplinaires et novatrices.
Royal Dutch Shell plc
La société Royal Dutch Shell plc est enregistrée en Angleterre et dans le Pays de Galles. Son siège se trouve à La Haye. Elle est cotée en bourse à Londres, Amsterdam et New York. Présentes dans plus de 80 pays et territoires, les sociétés du groupe Shell exercent des activités couvrant l’exploration et la production pétrolières et gazières, la production et la commercialisation de gaz naturel liquide, la fabrication, la commercialisation et le transport de produits pétroliers et chimiques, ainsi que des projets d’énergies renouvelables.
Contact / interlocuteur
Sarah Irvine, Laboratoire de macromolécules et de bio-imagerie
Institut Paul Scherrer Institut, 5232 Villigen PSI, Suisse
Tél. : +41 56 310 5422 ; e-mail: sarah.irvine@psi.ch
http://www.psi.ch/sls/tomcat/tomcat

Prof Michael Kersten, Institut de géosciences,
Université Johannes Gutenberg, 55099 Mayence, Allemagne
Tél. : +49 6131-3924366 ; e-mail : kersten@uni-mainz.de
http://www.geowiss.uni-mainz.de/583_DEU_HTML.php

Steffen Berg, Shell Global Solutions International B.V.
2288 GS Ryswick, Pays-Bas
Tél. : +31 70 447 6161, e-mail : steffen.berg@shell.com
www.shell.com
Publication originale
Real-time 3D imaging of Haines jumps in porous media flow
Steffen Berg, Holger Ott, Stephan A. Klapp, Alex Schwing, Rob Neiteler, Niels Brussee, Axel Makurat, Leon Leu, Frieder Enzmann, Jens-Oliver Schwarz, Michael Kersten, Sarah Irvine, and Marco Stampanoni

Published online before print February 19, 2013, DOI: 10.1073/pnas.1221373110