Un aperçu de l’approvisionnement énergétique mondial à venir

En 2050, comment le monde s’approvisionnera-t-il en énergie, et quelles seront les conséquences sociales, économiques et écologiques de différents objectifs de développement et de différentes conditions-cadre politiques ? Ces questions, les chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI y répondent en collaboration avec le Conseil Mondial de l’Énergie CME, en analysant deux scénarios : un premier qui mise principalement sur l’économie de marché, et un second principalement sur la régulation. Ces analyses sont aujourd’hui terminées, et leurs résultats seront présentés du 13 au 17 octobre, au Congrès mondial de l’Energie du CME, qui se tiendra à Daegu, en Corée du Sud.

La production d'électricité en 2010 et 2050 dans les régions du monde pour les deux scénarios, ventilées par source d'énergie. «J » : scénario « Jazz » ; « S » : scénario « Symphonie ». Source: Institut Paul Scherrer.
Proportion de personnes sans accès à l'électricité dans les différentes régions. La taille des cercles est proportionnelle à la population. Source: Institut Paul Scherrer.

En janvier 2012, l’Institut Paul Scherrer (PSI) et le Conseil Mondial de l’Énergie (CME) ont conclu un partenariat. Objectifs : élaborer des scénarios compréhensibles de l’approvisionnement énergétique mondial en 2050, et en analyser les conséquences. Il s’agissait de prolonger une collaboration réussie, qui avait porté ses premiers fruits, en 2011, avec la publication d’une analyse de scénario globale pour le secteur des transports. La confiance, placée par le CME dans le haut niveau de compétence du PSI en matière de recherche en économie énergétique, a abouti à une étude, maintenant achevée, portant sur le système énergétique global.

Pour leur analyse, les chercheurs du PSI se sont basés sur deux scénarios, et ont calculé les répercussions des objectifs de développement et des conditions-cadre de chacun d’eux, d’ici 2050, sur différentes variables : le bouquet énergétique, l’accès à l’énergie, les émissions de CO2, ainsi que la croissance de l’économie et de la population.

« Jazz » contre « Symphonie »

Pour les intitulés des scénarios, des métaphores musicales ont été choisies. Dans le scénario « Jazz », les différents acteurs jouissent d’une liberté de décision élargie par rapport aux sources d’énergie et aux technologies. Dans ce scénario, l’augmentation des revenus et un accès bon marché à l’énergie constituent les principaux objectifs. Du point de vue écologique, la stratégie choisie consiste surtout à s’adapter aux dommages environnementaux associés, plutôt que de chercher à les éviter.

A l’inverse, le scénario « Symphonie » postule davantage d’interventions régulatrices. La main dirigeante des gouvernements et des organisations internationales établit les priorités suivantes : sécurité de l’accès à l’énergie et prévention des dommages environnementaux. Dans ce scénario, la promotion des énergies renouvelables est plus importante. Les risques financiers de la grande hydraulique et des centrales nucléaires sont amortis par des subsides publics – parce qu’elles servent l’objectif politique de réduction des émissions de CO2. Ainsi, la séquestration géologique du CO2 s’impose plus rapidement, elle aussi, grâce à des subventions publiques.

La consommation d’énergie augmente dans les deux scénarios

Même si en matière d’efficacité énergétique, la tendance est à l’amélioration constante, ces mesures ne peuvent pas contrebalancer la croissance de l’économie et de la population. De fait, la consommation mondiale d’énergie augmente dans les deux scénarios. Dans le scénario « Jazz », l’économie mondiale connaît une croissance plus rapide, alors que celle de la population mondiale reste modérée. Cette forte croissance économique, couplée au développement constant de l’efficacité énergétique, engendre un accroissement des besoins énergétiques, qui sont couverts à 80% par des sources d’énergie fossiles. Avec une consommation d’énergie en forte augmentation, cette importante part de combustibles et carburants fossiles est pratiquement identique à l’actuelle, et entraîne une augmentation de 50% des émissions de CO2. Dans le scénario « Symphonie », l’économie connaît une croissance un peu moins rapide, alors que celle de la population mondiale est plus importante. En dépit de l’amélioration de l’efficacité énergétique, dans ce scénario aussi, la consommation d’énergie augmente. Les besoins énergétiques par habitant baissent toutefois légèrement par rapport à aujourd’hui, et les émissions de CO2 diminuent de 40%. Le poids de la production d’électricité est important dans cette évolution, dans la mesure où les énergies renouvelables, l’énergie hydraulique et l’énergie nucléaire profitent de subventions publiques, et que les centrales à énergie fossile encore en service sont surtout exploitée avec la séquestration géologique du CO2. Mais la politique de protection du climat nécessite un tiers d’investissements en plus par rapport au scénario orienté marché, même si dans ce dernier, la production d’électricité est 10% plus élevée que dans le scénario où la régulation est forte.

Conséquences pour le climat et la pauvreté énergétique

Les deux scénarios présentent des différences importantes au niveau des conséquences pour le climat. Les chercheurs du PSI les ont identifiées en se basant sur les derniers acquis de connaissances livrés par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Dans le scénario « Jazz » -, il est improbable que l’on réussisse à atteindre l’objectif d’un réchauffement global ne dépassant pas 2°C à la fin du siècle. En revanche, avec la politique de protection du climat du scénario « Symphonie », on se trouve davantage sur la voie menant à cet objectif. Fait réjouissant : dans les deux scénarios, la pauvreté énergétique mondiale diminue nettement. Cette tendance est plus marquée dans le scénario « Jazz », où le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’électricité passe de 1,3 milliards (chiffre actuel) à 300 millions en 2050.

D’autres détails concernant les résultats de cette étude seront présentés le lundi 14 octobre sur le page web du PSI dans le numéro actuel du magazine « Le point sur l’énergie ».

Auteur: Leonid Leiva

Contexte

Le PSI a utilisé un modèle global « MARKAL » pour ses calculs de scénario. Cet instrument d’optimisation fait partie d’une famille de modèles de calcul, développés et entretenus sous la houlette de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ces modèles sont utilisés dans le domaine de l’analyse des systèmes énergétiques par de nombreux groupes de chercheurs dans le monde. Le modèle utilisé par le PSI calcule- la composition de l’approvisionnement énergétique la plus avantageuse financièrement, dans 15 régions du monde et dans des conditions cadre prédéfinies. Ce cadre diffère dans les deux scénarios « Jazz » et « Symphonie ». Pour les besoins énergétiques donnés, le modèle choisit la combinaison optimale parmi quelque 400 technologies énergétiques différentes (p. ex. centrales, chauffages, véhicules) dans chaque région. Ce choix se fait en tenant compte de la consommation de l’industrie, des transports et des ménages. Les résultats dépendent surtout des coûts des technologies énergétiques et des sources d’énergie, mais aussi du moment où elles peuvent être utilisées, ainsi que de l’évolution à venir de la population et l’économie. Les futurs progrès technologiques sont pris en considération, par exemple sous la forme d’augmentation- du rendement des centrales. L’évolution des coûts des centrales, du charbon, du gaz et du pétrole est également incluse. Le calcul intègre aussi les coûts des émissions de CO2 et les différentes possibilités d’utilisation des énergies renouvelables selon les régions. Ces scénarios ne sont pas des pronostics, mais fournissent des réponses de type « si… alors… ». Le PSI continue à développer ce modèle de scénario avec le Conseil Mondial de l’Énergie en mode « open source ». Il sera mis à disposition des quelque 3000 membres du CME. Afin de garantir une transparence complète.

À propos du PSI

L’Institut Paul Scherrer développe, construit et exploite de grandes installations de recherche complexes et les met à disposition de la communauté nationale et internationale. Les principales recherches de l’Institut sont centrées dans le domaine matière et matériaux, energie et environnement, santé. Avec 1500 collaborateurs et un budget annuel d’environ 300 millions CHF, le PSI est le plus grand centre de recherche de Suisse.

Contact

Dr. Hal Turton, Chef du groupe économie énergétique, Laboratoire analyse des systèmes énergétiques, Institut Paul Scherrer,
Téléphone: +41 56 310 26 31, E-Mail: hal.turton@psi.ch

Dr. Martin Densing, Groupe économie énergétique, Laboratoire analyse des systèmes énergétiques, Institut Paul Scherrer,
Téléphone: +41 56 310 25 98, E-Mail: martin.densing@psi.ch,

Publication originale

L'étude complète sera disponible à l'adresse suivante à partir du lundi, 14 octobre 2013:
http://www.worldenergy.org/publications/2013/world-energy-scenarios-composing-energy-futures-to-2050