Une nouvelle lentille à rayons X facilite l’exploration du nanomonde

Des chercheurs du PSI ont, pour la première fois, développé une lentille achromatique pour la lumière de type rayons X. Grâce à elle, les rayons X peuvent également bien se focaliser sur un point minuscule lorsqu’ils affichent une certaine gamme de longueurs d’onde. La nouvelle lentille va faciliter la recherche sur des nanostructures au moyen des rayons X, affirment les chercheurs dans la revue spécialisée Nature Communications.

Adam Kubec, Christian David et Marie-Christine Zdora (de gauche à droite) ont, en collaboration avec d’autres chercheurs du PSI, développé à la Source de Lumière Suisse SLS une nouvelle lentille optique. Cette lentille permet de focaliser, en un unique point, un faisceau de lumière de type rayons X composé d’une gamme de plusieurs longueurs d’onde. © Institut Paul Scherrer PSI/Mahir Dzambegovic
Microstructure issue d’une imprimante 3D. Le structure réfractive, développée par les chercheurs du PSI et assemblée avec une optique diffractive afin de constituer la lentille à rayons X, a une longueur d’à peine un millimètre (comme montré ici en hauteur sur l’image). Dressée, la forme évoque une minuscule fusée. Elle a été fabriquée grâce à une imprimante 3D dans une matière synthétique particulière. Le cliché de la structure a été réalisé au microscope électronique à balayage. © Institut Paul Scherrer PSI/Umut Sanli
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Les images nettes en photographie et en microscopie optique sont uniquement possibles grâce à ce qu’on appelle des lentilles achromatiques. Celles-ci font en sorte que les différentes couleurs composant la lumière - autrement dit les différentes longueurs d'onde - aient le même point focal. Jusqu’ici, il n’existait pas de lentille achromatique pour la lumière de type rayons X, ce qui fait que la microscopie haute-résolution à rayons X n’était possible qu’avec une lumière de type rayons X dite monochromatique, c’est-à-dire d’une seule longueur d’onde. En pratique, pour un microscope a rayons X, cela signifie que toutes les autres longueurs d’onde doivent d’abord être filtrées afin qu’une seule petite fraction de la lumière puisse effectivement être utilisée, menant à une inefficacité relative de la capture d’image.

Une équipe de chercheurs du PSI a maintenant résolu ce problème. Ils ont réussi à développer une lentille optique achromatique pour les rayons X. Cette découverte profitera notamment à la recherche et au développement dans le secteur industriel, par exemple dans le domaine des micropuces, des batteries et de la recherche sur les matériaux. Grâce à la lumière de type rayons X, il sera en effet possible de saisir des images de structures beaucoup plus petites qu’avec la lumière visible.

Plus complexe que dans le spectre visible

Il peut, au premier abord, paraître étonnant qu’une lentille achromatique pour les rayons X n’ait pas été développée jusqu’à présent. Des lentilles achromatiques pour la lumière visible existent en effet depuis plus de 200 ans. Elles sont traditionnellement constituées de deux matériaux : la lumière pénètre d’abord dans un premier matériau et se décompose ainsi dans toutes les couleurs spectrales qui la constituent, ce qu’on observe notamment avec un prisme de verre classique ou dans un arc-en-ciel. Ensuite, la lumière est dirigée à travers un second matériau afin d’inverser cet effet. L’expression scientifique pour ce phénomène de séparation ou de concentration des différentes longueurs d’onde d’un faisceau lumineux est « dispersion ».

«Ce principe simple utilisé dans le spectre visible ne fonctionne toutefois pas dans le domaine des rayons X, explique le physicien Christian David, responsable du groupe de recherche en optique des rayons X et applications au Laboratoire de micro et nanotechnologie du PSI. Pour la lumière de type  rayons X, il n’existe pas de matériaux qui diffèrent suffisamment dans leurs propriétés optiques sur de larges plages de longueurs d'onde pour permettre à l’un d’annuler les effets de l’autre. Dans le domaine des rayons X, la dispersion des matériaux est fondamentalement trop similaire.»

Deux principes au lieu de deux matériaux

Plutôt que d’essayer de trouver une solution de combinaisons de deux matériaux, les chercheurs ont combiné deux principes optiques. «La clé de nos recherches a été de découvrir que nous pouvions placer devant notre lentille diffractive une deuxième lentille qui a un effet réfractif», relève Adam Kubec, premier auteur de la nouvelle étude. Adam Kubec était, jusqu’à récemment, chercheur au sein du groupe de Christian David et est maintenant collaborateur de XRnanotech, une spin-off créée suite aux recherches en optique des rayons X effectuées au PSI.

«Le PSI est depuis des années parmi les leaders mondiaux en ce qui concerne la fabrication de lentilles à rayons X, souligne Christian David. Nous fournissons des lentilles spécialisées, nommées plaques de zone de Fresnel, à de nombreux microscopes à rayons X basés dans les synchrotrons du monde entier.» Pour fabriquer des lentilles diffractives, son groupe de recherche a utilisé la méthode bien établie de la nano-lithographie. Pour la deuxième partie de la lentille achromatique, la structure réfractive, un nouveau procédé seulement disponible depuis peu a été nécessaire : l’impression 3D à l’échelle micrométrique. Adam Kubec a ainsi finalement réalisé une forme qui fait vaguement penser à une minuscule fusée.

Applications commerciales en perspective

La nouvelle lentille permet de passer de la recherche appliquée à une microscopie à rayons X à usage commercial, par exemple dans l’industrie. «Les sources de lumière synchrotron émettent de la lumière de type rayons X d’une telle intensité que l'on peut se permettre de filtrer toutes les longueurs d'onde dans le faisceau pour n’en obtenir qu’une seule. Il reste malgré tout suffisamment de lumière pour réaliser une image», affirme Adam Kubec. Les synchrotrons sont de grandes installations de recherche. Jusqu’à présent, les collaborateurs de la recherche et du développement industriels reçoivent ce qu’on appelle des temps de faisceau aux synchrotrons de recherche, également à la Source de Lumière Suisse SLS du PSI. Ce temps de faisceau est rare et nécessite une planification à long terme. «L’industrie souhaite un temps de réponse plus rapide dans ces processus de développement, fait valoir Adam Kubec. Notre lentille à rayons X achromatique apportera une aide précieuse. Elle rendra possible une microscopie à rayons X compacte que les entreprises industrielles pourront exploiter sur leur propre site.»

Le PSI prévoit de commercialiser la nouvelle lentille, en commun avec XRnanotech. Adam Kubec confirme que des contacts ont déjà été noués avec des entreprises qui construisent des microscopes à rayons X à l’échelle du laboratoire.

Test au faisceau à rayons X de la SLS

Afin de caractériser leur lentille à rayons X achromatique, les chercheurs utilisent une ligne de faisceau à rayon X à la SLS. Une méthode avancée de microscopie à rayons X appelée ptychograhie y est employée. «Normalement, cette méthode est utilisée afin d’analyser un échantillon inconnu, note la deuxième auteure Marie-Christine Zdora, physicienne dans le groupe de recherche de Christian David et spécialiste de l’imagerie par rayons X. Ici, nous avons inversement eu recours à la ptychographie pour caractériser le faisceau de rayons X et donc notre lentille achromatique.» Les chercheurs ont ainsi pu déterminer précisément le point de focalisation du faisceau de rayons X à différentes longueurs d’onde. Ils ont par ailleurs testé la nouvelle lentille avec une méthode grâce à laquelle l’échantillon est déplacé à travers le point de focalisation du faisceau de rayons X. Si l’on change la longueur d’onde des rayons X, les images obtenues grâce à une lentille conventionnelle sont très floues mais pas avec la nouvelle lentille achromatique. «Lorsque nous avons obtenu une image nette sur une large plage de longueurs d’onde, nous avons su que notre lentille fonctionnait», se réjouit Marie-Christine Zdora.

Christian David ajoute: «Le fait que nous ayons pu développer cette lentille à rayons X achromatique au PSI et que nous allons bientôt la mettre sur le marché avec XRnanotech montre que nous effectuons ici une recherche qui trouve des applications, et cela dans une echelle temporelle rapide.»

À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur des technologies d'avenir, énergie et climat, innovation santé ainsi que fondements de la nature. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2300 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 460 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l'Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage). (Mise à jour: juin 2024)

Dr Christian David
Responsable du groupe de recherche en optique des rayons X et applications
Laboratoire de micro et nanotechnologie
Institut Paul Scherrer PSI

+41 56 310 37 53
christian.david@psi.ch 
[allemand, anglais]

Dr Adam Kubec
XRnanotech
Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse

+41 56 310 45 78
adam.kubec@xrnanotech.ch 
[allemand, anglais]

 

Dr Marie-Christine Zdora
Groupe de recherche en optique des rayons X et applications
Laboratoire de micro et nanotechnologie
Institut Paul Scherrer PSI

+41 56 310 54 68
marie.zdora@psi.ch 
[allemand, anglais]