Visualiser des champs magnétiques puissants en utilisant des neutrons

Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI ont développé une nouvelle méthode qui permet de mesurer précisément des champs magnétiques puissants. Pour ce faire, ils utilisent des neutrons produits à l’aide de la source de neutrons à spallation SINQ. La méthode permettra à l’avenir de mesurer les champs magnétiques d’aimants déjà intégrés de manière fixe dans des appareils, et donc inaccessibles par d’autres techniques de sondage. Les chercheurs publient à présent leurs résultats dans la revue spécialisée Nature Communications.

Christian Grünzweig (à gauche) et Jacopo Valsecchi en train d’observer un aimant semblable à ceux que l’on place sur les portes de réfrigérateur. L’appareil que tient Christian Grünzweig permet de déterminer l’orientation du champ magnétique à cet endroit.
(Photo: Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic)
L’appareil qui détermine l’orientation du champ magnétique fonctionne comme une boussole. Lorsqu’on l’applique contre un aimant (ici en gris-argenté), le bâtonnet bleu et rouge pivote et son extrémité rouge indique le pôle Nord.
(Photo: Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic)
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Comme leur nom l’indique, les neutrons sont électriquement neutres vis-à-vis du monde extérieur. On les retrouve aussi comme composants de presque tous les noyaux atomiques. Comme ils ont pour particularité de posséder ce qu’on appelle un spin, les neutrons entrent en interaction avec les champs magnétiques. Or, comme viennent de le montrer des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI, cette propriété peut aussi être exploitée pour visualiser des champs magnétiques. Les scientifiques ont utilisé à cet effet des neutrons polarisés, ce qui veut dire que tous ces neutrons avaient un spin orienté dans la même direction.

Lorsque des faisceaux de neutrons polarisés traversent un champ magnétique, il est possible de détecter au-delà de ce même champ une diffraction du faisceau de neutrons. Le diagramme de diffraction ainsi obtenu permet à son tour de reconstituer le champ magnétique et, notamment, ses différences d’intensité. Pour la première fois, des champs magnétiques ont été étudiés avec cette méthode, aussi connue sous le nom d'interférométrie à réseau à faisceau de neutrons polarisés.

Un million de fois plus puissant que le champ magnétique terrestre

L’interférométrie à réseau à faisceau de neutrons polarisés permet de mesurer des champs magnétiques très puissants qui présentent ce qu’on appelle une force de gradient d’un tesla par centimètre. «On évolue alors dans des ordres de grandeur environ un million de fois plus puissants que le champ magnétique terrestre», explique Christian Grünzweig, chercheur spécialisé dans le domaine des neutrons à l’Institut Paul Scherrer PSI. Jusque-là, les neutrons permettaient seulement de mesurer des champs magnétiques nettement plus faibles.

Des alternateurs aux appareils d’imagerie à résonance magnétique

De nombreuses applications sont imaginables pour la nouvelle méthodes, notamment parce que les neutrons traversent la plupart des matériaux sans les endommager. «Nous pouvons aussi déterminer de cette manière les champs magnétiques d’aimants qui restent difficilement accessibles parce qu’ils sont déjà intégrés dans un appareillage, relève Jacopo Valsecchi, premier auteur de l’étude et doctorant au PSI. Les applications vont des alternateurs dans les moteurs de voiture aux champs magnétiques des appareils d’imagerie à résonance magnétique utilisés en médecine, en passant par de nombreux composants du système d’alimentation en énergie.»

Les chercheurs ont démontré que leur méthode fonctionnait, notamment en simulant les résultats attendus d’une mesure à l’aide de modèles informatiques. Ils ont ensuite vérifié si une mesure réelle débouchait bel et bien sur des résultats comparables. «Les résultats de la simulation et ceux des mesures réelles coïncident en tout point», confirme Christian Grünzweig.

La nouvelle méthode permet également de démontrer des fluctuations dans le champ magnétique. En effet, les aimants permanents, comme ceux que l’on met sur la porte de son réfrigérateur, n’ont pas un champ magnétique homogène. «Nous avons désormais la possibilité de déterminer les gradients lorsqu'il y en a, même s’il s’agit d’un champ magnétique très puissant», note Jacopo Valsecchi.

Les chercheurs publient à présent leurs résultats dans la revue spécialisée Nature Communications.

Texte: Institut Paul Scherrer/Sebastian Jutzi


À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2100 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 407 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l'Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage). (Mise à jour: mai 2019)

Contact

Dr Christian Grünzweig
Laboratoire de diffusion neutronique et d'imagerie
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 46 62, e-mail: christian.gruenzweig@psi.ch [allemand, anglais]

Publication originale

Visualization and quantification of inhomogeneous and anisotropic magnetic fields by polarized neutron grating interferometry
Jacopo Valsecchi, Ralph P. Harti, Marc
Raventós, Muriel D. Siegwart, Manuel Morgano, Pierre Boillat, Markus Strobl, Patrick Hautle, Lothar Holitzner, Uwe Filges, Wolfgang Treimer, Florian M. Piegsa, Christian Grünzweig
Nature Communications, 22 août 2019
DOI: 10.1038/s41467-019-11590-2