Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI ont découvert une méthode qui pourrait permettre à l’avenir de traiter un type de cancer de la thyroïde de manière plus efficace avec moins d’effets indésirables. Une étude clinique est actuellement en cours pour tester un radiopharmaceutique sur des patients. Il s’agit d’un médicament prometteur, qui détruit les cellules cancéreuses de l’intérieur avec un rayonnement radioactif. Des chercheurs du PSI viennent de découvrir que si l’on injectait en plus une certaine substance avant le traitement, les cellules cancéreuses absorbaient des quantités plus importantes du radiopharmaceutique, ce qui améliore probablement le succès thérapeutique et minimise les effets indésirables. Leurs résultats paraissaient dans la revue spécialisée Theranostics.
Le cancer médullaire de la thyroïde est un type particulier de cancer de la thyroïde: il se développe aux dépens de ce qu’on appelle les cellules C. Celles-ci sécrètent la calcitonine, une hormone qui régule le taux de calcium dans l’organisme. Les patients atteints du cancer médullaire de la thyroïde subissent une ablation de la glande thyroïde lors d’une intervention chirurgicale. Mais souvent, des métastases se sont déjà formées et dans ce cas, on ne dispose toujours pas de traitement spécifique pour cette forme de cancer.
Les radiopharmaceutiques constituent une nouvelle classe de médicaments prometteurs contre ce cancer et ses métastases. Il s’agit de substances radioactives, qui ont été développées spécialement pour détruire les cellules cancéreuses de l’intérieur avec leur rayonnement. Le principe est simple: le médecin injecte dans la veine du patient le médicament qui va se répartir dans l’organisme, s’arrimer aux cellules cancéreuses et pénétrer à l’intérieur de celles-ci. L’organisme excrète complètement le reste du médicament au bout d’une demi-heure environ. Le médicament ne déploie tout son effet que dans les cellules cancéreuses.
Dans le cadre d’une première étude menée sur six patients à l’Hôpital universitaire de Bâle, le radiopharmaceutique portant la désignation [177Lu]Lu-PSIG-2 s’est montré prometteur. Cette substance contient du lutécium-177, une forme de lutécium produite de manière artificielle qui se désintègre spontanément en émettant un rayonnement radioactif. La société pharmaceutique lausannoise Debiopharm a obtenu une licence pour l’utilisation du [177Lu]Lu-PSIG-2 dans le cadre d’essais cliniques sous la dénomination DEBIO 1124.
Estomac: le point faible
Le médicament est conçu de telle sorte qu’il s’arrime aux cellules qui produisent un récepteur précis, c’est-à-dire une protéine bien particulière située dans la membrane cellulaire. C’est ce récepteur qui fait pénétrer le médicament à l’intérieur de la cellule.
Le problème est le suivant: la partie du radiopharmaceutique qui s’arrime au récepteur a été développée à partir d’une substance naturelle que l’on trouve dans l’organisme de tous les individus. Elle est responsable de la sécrétion d’acide gastrique après l’ingestion de nourriture. Autrement dit, les cellules gastriques saines produisent elles aussi ce récepteur et le radiopharmaceutique se lie à elles également. «Cela limite la quantité de médicament que le médecin peut administrer au patient, explique Michal Grzmil, spécialiste en biologie des tumeurs au Centre des sciences radiopharmaceutiques au PSI. Les cellules dans l’estomac absorbent également le médicament et, à partir d’une certaine dose, elles sont détruites, elles aussi. Cela entraîne évidemment des effets indésirables.» S’il faut limiter la dose en raison de ces effets secondaires, le traitement ne déploie probablement pas suffisamment d’effet.
Alors que les essais cliniques se poursuivent, Michal Grzmil a imaginé une méthode pour améliorer le traitement si le radiopharmaceutique devait être homologué dans le futur. Il a découvert une substance dénommée RAD001, qui manipule les cellules cancéreuses de telle manière qu’elles absorbent le radiopharmaceutique en plus grande quantité. «Cette substance fait que les cellules cancéreuses forment plus de molécules réceptrices, détaille-t-il. Elles absorbent ainsi le principe actif en plus grandes quantités.»
Augmenter les chances de succès
Un prétraitement au RAD001 sur cinq jours a augmenté d’une fois et demi l’absorption subséquente du radiopharmaceutique par les cellules cancéreuses. Et davantage de radiopharmaceutique à l’intérieur des cellules, cela signifie davantage de rayonnement et de plus grandes chances de succès pour le traitement.
Dans l’expérimentation animale, les cellules gastriques saines, en revanche, n’ont pas été influencées par la substance. A quantité égale de médicament administré, l’efficacité de ce dernier augmente donc, sans que la probabilité d’effets indésirable augmente elle aussi. Il faudra encore patienter pour voir si le principe fonctionne exactement de la même manière chez les patients qu’il fonctionne en laboratoire.
RAD001 est déjà homologué comme médicament anticancéreux. Mais on ignorait jusqu’ici qu’il pouvait avoir un effet positif dans le cadre d’un traitement avec un radiopharmaceutique.
Les résultats de ces travaux paraissaient le 29 août 2020 dans la revue spécialisée Theranostics.
Texte: Institut Paul Scherrer/Brigitte Osterath
Informations supplémentaires
En savoir plus sur la radiopharmacie au PSI:
- https://www.psi.ch/fr/media/radiopharmacie
- https://www.psi.ch/fr/media/actualites-recherche/des-medicaments-qui-rayonnent
Contact
Dr Michal Grzmil
Centre des sciences radiopharmaceutiques
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 28 57, e-mail: michal.grzmil@psi.ch [anglais, allemand]
Dr. Martin Béhé
Centre des sciences radiopharmaceutiques
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 28 17, e-mail: martin.behe@psi.ch [anglais, allemand]
Publication originale
Pharmacological inhibition of mTORC1 increases CCKBR-specific tumor uptake of radiolabeled minigastrin analogue [177Lu]Lu-PP-F11N
M. Grzmil, Y. Qin, C. Schleuniger, S. Frank, S. Imobersteg, A. Blanc, R. Schibli, M. Behe
Theranostics, 29 août 2020 (en ligne)
DOI: 10.7150/thno.45440
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