Etape majeure pour la nouvelle ligne de faisceau du SwissFEL

La deuxième ligne de faisceau est en train d’être mise en service au SwissFEL, le laser à rayons X à électrons libres de l’Institut Paul Scherrer PSI. L’équipe vient de franchir une étape majeure: elle a réussi à faire fonctionner en parallèle la ligne de faisceau Aramis, déjà en service, et la nouvelle ligne de faisceau Athos. Les expériences menées avec Athos devraient permettre de suivre des réactions chimiques et, par exemple, de montrer comment fonctionnent les catalyseurs ou comment certaines biomolécules déclenchent des maladies génétiques.

Florian Löhl dans la galerie au-dessus du tunnel de l’accélérateur. C’est ici que se trouvent les amplificateurs de micro-ondes et d’autres appareils électroniques nécessaires à l’accélération, au contrôle et à la surveillance des paquets d’électrons dans le tunnel.
(Photo: Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)

Le laser à rayons X SwissFEL est une installation qui s’étire sur une longueur de 740 mètres sur le site du PSI. Des électrons y sont accélérés à une vitesse proche de celle de la lumière. Des aimants contraignent ces particules élémentaires sur une espèce de parcours en slalom, ce qui les fait émettre de la lumière de type rayons X qui est amplifiée en impulsions laser. «Les accélérateurs de ce genre figurent parmi les installations les plus complexes au monde, explique Florian Löhl, qui a été responsable de la construction de l’accélérateur principal et qui coordonne maintenant les activités sur la machine. Nous avons ici des centaines de systèmes différents – des modules accélérateurs, des moniteurs de position, des horloges de haute précision et bien d’autres éléments encore – tous construits à la limite de la faisabilité.»

La tâche que Florian Löhl et son équipe ont dû résoudre, en coordination avec beaucoup d’autres groupes impliqués au PSI, était donc d’autant plus difficile: séparer deux paquets d’électrons qui foncent à très haute vitesse dans l’installation, à un intervalle de seulement 28 nanosecondes l’un de l’autre (une nanoseconde équivaut à un millionième de milliseconde). L’un de ces paquets d’électrons doit poursuivre sa course sur une trajectoire rectiligne pour fournir des impulsions de rayons X dans la première ligne de faisceau du SwissFEL, baptisée Aramis. Le deuxième paquet d’électrons, lui, doit bifurquer et atteint ainsi la deuxième ligne de faisceau, baptisée Athos, qui est en train d’être installée. Cette séparation permet d’exploiter Aramis et Athos en parallèle. «Nous utilisons un élément séparateur développé au PSI pour disjoindre les deux paquets d’électrons», détaille Florian Löhl. Le facteur décisif est que la force qui fait bifurquer le deuxième paquet reste stable. S’il y a des variations, les électrons se mettent à osciller et le processus qui amplifie le signal lumineux ne se produit plus.»

Nouveau concept avec des chicanes

Dans Aramis, les paquets d’électrons continuent d’être accélérés, avant de filer à travers un agencement bien particulier d’aimants appelés onduleurs. C’est là que sont produites les impulsions de rayons X. Dans le cas d’Athos, les électrons filent directement, sans accélération supplémentaire importante, jusqu’aux modules d’onduleurs, mais ces derniers sont agencés de manière complètement différente qu’ils ne le sont dans Aramis. Les onduleurs sont séparés par une chicane au milieu. Cette chicane est elle-même composée d’aimants spéciaux. Cela permet de comprimer et de décaler les paquets d’électrons. «Notre ligne d’onduleurs dans Athos est unique au monde, affirme Florian Löhl. Sa conception complexe nous permet de beaucoup mieux contrôler les propriétés de la lumière produite et de fournir toute une gamme de modes d’exploitation différents.» Il est ainsi possible, suivant les besoins, de produire de brèves impulsions lumineuses ou des impulsion avec une distribution énergétique étroite, voire des trains d’impulsions où de nombreux flashes se succèdent à intervalles très rapprochés.

Peu avant Noël 2019, un premier module composé de deux onduleurs et d’une chicane avait fourni immédiatement de la lumière laser. «Normalement, ce genre de processus prend beaucoup plus de temps, relève Florian Löhl. Mais nous avons pu mettre à profit bon nombre des enseignements que nous avions tirés de la mise en service d’Aramis. Et chaque fois que de nouveaux modules d’onduleurs sont venus s’ajouter, nous avons pu augmenter le rendement lumineux.»

Optimisation complètement automatique

La ligne de faisceau Athos, qui inclut en tout 16 onduleurs et 15 chicanes, sera encore en construction jusqu’à fin 2020. Mais aujourd’hui déjà, elle a d’importants succès à son actif et un épineux problème a été résolu: les deux lignes de faisceaux étaient censées fournir 100 impulsions de rayons X par seconde, mais en fournissaient beaucoup moins. «Les quantités de données produites dans Aramis étaient si importantes qu’elles ne pouvaient pas être traitées assez vite, raconte Florian Löhl. Et dans le cas d’Athos, nous luttions contre des pertes de faisceau.» Le physicien a donc élaboré un programme informatique qui teste automatiquement l’impact de certains changements dans les lignes de faisceaux. Des centaines de paramètres peuvent être ainsi optimisés de manière complètement automatique. Avec l’aide de ce programme informatique, l’équipe a réussi pour la première fois début septembre 2020 à optimiser en parallèle les lignes de faisceaux, de sorte que toutes les deux ont fourni la valeur maximal de 100 impulsions lumineuses par seconde et, en même temps, de nouvelles valeurs records ont pu être obtenues dans l’énergie des impulsions lumineuses au niveau des deux lignes de faisceaux. «Pour nous, cela a représenté un jalon important», souligne Florian Löhl.

Etonnamment, l’énergie d’impulsion était beaucoup plus élevée dans la nouvelle ligne de faisceau que dans celle qui existe déjà, alors que, dans la nouvelle, tous les modules d’onduleurs n’étaient pas encore installés. «Le nouveau concept fonctionne si bien qu’aujourd’hui déjà, nous réussissons à obtenir des impulsions aussi intenses avec une énergie aussi élevée», explique Florian Löhl. Il admet néanmoins: «Optimiser l’accélérateur, de sorte que les deux lignes de faisceaux fournissent en même temps de bonnes valeurs, s’est avéré une tâche extrêmement pénible.»

Premières expériences planifiées pour 2021

Une première station expérimentale est également en construction actuellement. C’est là que des expériences avec les impulsions lumineuses produites par Athos seront conduites. Fin juin 2020, les premières impulsions de rayons X ont pu y être enregistrées. «Les installations dans la ligne de faisceau et dans la station terminale avancent de pair», note Florian Löhl. Les premières expériences devraient être conduites en 2021, ce qui constituera le prochain jalon.

Pour expliquer le fonctionnement des expériences au SwissFEL, Florian Löhl évoque une astuce utilisée en photographie: si l’on veut donner l’impression qu’une grande place pleine de monde est vide, il faut choisir une exposition longue. Par ce biais, les personnes qui se déplacent deviennent floues et finissent par être invisibles sur l’image. «Avec le SwissFEL, nous faisons l’inverse», explique le physicien. Les impulsions de rayons X ne durent qu’entre une et 60 femtosecondes (millionièmes d’un milliardième de seconde). Cette exposition ultracourte permet de capturer des processus extrêmement rapides. Les deux lignes de faisceaux se complètent. Aramis produit ce qu’on appelle des rayons X durs dans le domaine des longueurs d’ondes courtes jusqu’à 0,1 nanomètre, ce qui correspond à peu près à la taille d’un atome. «Autrement dit, avec cette ligne de faisceau, nous pouvons observer des atomes pris isolément et déterminer, par exemple, la structure d’une biomolécule bien précise», détaille Florian Löhl.

Suivre des réactions chimiques

Athos, en revanche, produit des impulsions lumineuses avec des longueurs d’onde nettement plus longues, comprises entre 0,65 et 5 nanomètres. Les experts parlent de rayons X mous. «Cette ligne de faisceau permet de scruter ce qui se passe dans la couche électronique», explique Florian Löhl. Et donc d’observer certaines réactions chimiques en temps réel. Les chercheurs veulent s’en servir pour découvrir, par exemple, ce qui se passe dans les catalyseurs qui épurent des gaz ou synthétisent des combustibles. Dans le domaine des technologies de l’information, on espère en apprendre davantage sur de nouveaux matériaux qui pourraient être utilisés comme commutateurs ultrarapides ou encore comme mémoires magnétiques encore plus performantes. Athos devrait aussi permettre d’étudier des complexes moléculaires qui gouvernent les fonctions cellulaires et déclenchent certaines maladies génétiques.

Athos est le nom de l’un des protagonistes du roman «Les trois mousquetaires» d’Alexandre Dumas. Le deuxième se prénomme Aramis. Alors quid du troisième, Porthos? «Nous avons maintenant démarré un projet pour réfléchir à l’intégration d’une troisième ligne de faisceau, répond Florian Löhl. Nous examinons par exemple l’éventualité d’installer partout les mêmes chicanes que pour Athos afin d’obtenir encore plus de flexibilité.» Sur le plan technique, l’exploitation parallèle de trois lignes de faisceaux devrait représenter un défi encore plus important. Florian Löhl l’affirme d’ores et déjà: «Je pense que personne au PSI ne comprend l’accélérateur de bout en bout et dans le détail. Mais nous avons des groupes extrêmement compétents qui couvrent de larges domaines. Et c’est grâce à l’excellence de leur collaboration que nous réussissons à faire fonctionner une installation aussi complexe.»

Texte: Barbara Vonarburg

Informations supplémentaires

SwissFEL: Athos fait de grands progrès

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Dr Florian Löhl
Systèmes de mesure et synchronisation

Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 35 26, e-mail: florian.loehl@psi.ch [allemand, anglais]

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