L’Infrastructure suisse pour la physique des particules CHRISP

Les accélérateurs de particules sont des composants clés du PSI. Ils permettent de produire des particules qui sont utilisées pour des expériences de physique fondamentale. Les chercheurs se servent des faisceaux de pions, de muons, de neutrons, de protons et d’électrons pour étudier la structure de notre univers. A l’Infrastructure suisse pour la physique des particules CHRISP, ils déterminent les constantes naturelles fondamentales avec la plus haute précision et cherchent des déviations du modèle standard de la physique des particules. Par ailleurs, ils développent et testent des détecteurs pour des expériences menées au PSI, des missions spatiales et pour le CERN (Centre européen pour la recherche nucléaire) dans la région genevoise.

On aperçoit au premier plan l’accélérateur annulaire à l’aide duquel les protons sont accélérés. Les cibles E et M, grâce auxquelles les pions et les muons sont produits, se trouvent à l’arrière-plan, sous la plaque de recouvrement sombre.
(Photo: Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)
Dans de la halle d’expérimentation, la cible M est située à l'avant et la cible E à l'arrière, sous les couvertures sombres au milieu de l'image.
(Photo: Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)
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Depuis 1974, l’accélérateur de protons à haute intensité HIPA est au cœur d’une fabrique de particules, à l’aide de laquelle se fait la recherche fondamentale au PSI. HIPA et un autre accélérateur de protons baptisé COMET forment la base de l’une des cinq grandes installations de recherche du PSI: l’Infrastructure suisse pour la physique des particules CHRISP. En tout, quelque 400 chercheurs travaillent au sept stations expérimentales dédiées à la physique des particules de cette grande installation de recherche.

Les protons sont les composants chargés positivement des noyaux atomiques et sont constitués à leur tour de trois particules élémentaires appelées quarks. Au PSI, les protons produits par HIPA sont accélérés à 80% de la vitesse de la lumière, puis ils percutent deux anneaux rotatifs en carbone, appelés cibles. Cette collision produit des pions composés de deux quarks. Ensuite, ces pions se désintègrent et donnent des muons. Les muons sont semblables aux électrons, mais ils sont environ 200 fois plus lourds. Au départ, la recherche en physique des particules portait surtout sur les pions, alors qu’aujourd’hui, on conduit beaucoup plus d’expériences avec des muons. Grâce à des perfectionnements continus, cette installation au PSI est l’une des source les plus puissantes au monde qui produit des pions et des muons pour la physique des particules.

Cible mince et cible épaisse

Le faisceau de protons produit par l’accélérateur HIPA commence par percuter une roue de graphite de 5 millimètres d’épaisseur seulement. La désignation de cette cible est M, avec «M» pour «mince». Les protons rapides produisent des pions lors de leur collision avec les noyaux de carbone du graphite. Très vite, ces pions se désintègrent en muons. Le faisceau de pions-muons est dirigé à l’aide d’aimants vers un premier poste de mesure baptisé πM1. Dans aucune des stations expérimentales, l’énergie des particules ne peut être réglée avec autant de précision. Initialement, on y menait avant tout des mesures sur des pions. Depuis 2018, une expérience appelée MUSE (Muon Proton Scattering Experiment) est en cours à ce poste de mesure. Dans le cadre de cette expérience, une collaboration internationale de recherche s’efforce de déterminer le rayon du proton en mesurant simultanément la diffusion d’électrons et de muons sur de l’hydrogène. Une expérience antérieure de la collaborations CREMA (Charge Radius Experiment with Muonic Atoms) menée au PSI avait mis en évidence une disparité nette par rapport à la valeur du rayon du proton connue à l’époque.

Après le roue de graphite M, le faisceau de protons percute la deuxième cible E, avec «E» pour «épaisse»: cette cible a en effet 40 millimètres d’épaisseur. Les pions et les muons produits à cette cible sont beaucoup plus nombreux, ce qui permet d’exploiter davantage de zones expérimentales qu’à la cible M, notamment πE1 et πE5, où différentes expériences de physique des particules peuvent être conduites. C’est à πE5 que les muons de basse énergie sont les plus nombreux et que les chercheurs disposent du faisceau le plus puissant. La collaboration CREMA y conduit aussi ses expérience de spectroscopie laser. D’autres équipes internationales cherchent une «nouvelle physique», qui leur permettrait de compléter ou de redessiner le modèle standard de la physique des particules, en vigueur mais incomplet.

Ils essayent par exemple de mettre en évidence certaines désintégrations de muons, qui ne devraient pas exister selon la théorie standard actuelle. Dans le cadre de l’expérience MEG, ils ont traqué durant des années – et en vain – un événement lors duquel un muon se désintègre en un positron (l’antiparticule de l’électron chargée positivement) et en une particule lumineuse (un photon ou un gamma). Grâce à ce résultat nul, certaines théories d’extension du modèle standard ont pu être exclues. Un appareil dix fois plus sensible, MEG II, et une autre expérience baptisée Mu3e doivent prendre le relais. Avec Mu3e, les chercheurs espèrent découvrir une désintégration encore jamais vue d’un muon positif en deux positrons et un électron.

A l’avenir, la qualité et l’intensité des faisceaux de muons devraient être encore améliorées. Dans le cadre d’études de faisabilité, le refroidissement de faisceaux de muons est examiné avec muCool pour obtenir des faisceaux avec une brillance un million de fois plus élevée, de même que le remplacement de la station cible M par deux nouveaux faisceaux de muons cent fois plus intenses avec HIMB (High Intensity Muon Beams).

La Source de neutrons ultra-froids UCN

La physique des particules utilise par ailleurs une source de neutrons à spallation. Depuis 2011, des protons rapides issus de l’accélérateur HIPA viennent s’écraser sur une cible de plomb et arrachent des composants sans charge, les neutrons, aux noyaux de ces atomes de plomb. Les neutrons sont ensuite freinés si brutalement par de l’eau lourde (oxyde de deutérium D2O) et du deutérium à l’état solide (D2), que les spécialistes parlent de neutrons ultra-froids (abrégés UCN pour ultracold neutron). Ils sont stockés dans un conteneur de 2 mètres cube, dont l’intérieur est tapissé d’un revêtement de carbone semblable au diamant. Ils sont ensuite dirigés depuis là jusqu’aux expériences. Les neutrons ultra-froids peuvent être conservés pendant quelques minutes, et être manipulés et observés. Ils conviennent donc particulièrement bien aux expériences en physique des particules. Dans ce domaine, la source UCN au PSI est leader mondial.

Au niveau international, il s’agit en effet de la source la plus puissante, qui produit le plus de ces neutrons ultra-froids destinés aux expériences de physique des particules. Les chercheurs s’en servent également pour traquer des phénomènes qui devraient fournir des indices pour une extension du modèle standard. Leur objectif, par exemple, est de démontrer que le neutron, dont la charge électrique est nulle, possède à l’intérieur une distribution de charges asymétrique qu’on appelle moment dipolaire électrique. D’après le modèle standard, le neutron possède un moment dipolaire électrique qui n’est pas mesurable avec les moyens actuels. Et effectivement, les expériences menées jusqu’ici ont débouché sur un résultat nul. La mesure la plus précise a été fournie en février 2020 par des chercheurs du PSI et d’autres instituts suisses dans le cadre d’une collaboration internationale au PSI, lors d’une expérience baptisée nEDM (pour neutron electric dipole moment ou moment dipolaire électrique). Une nouvelle expérience baptisée n2EDM devrait fournir à présent un résultat dix fois plus précis.

L’installation d’irradiation par flux de protons PIF

La physique des particules au PSI inclut aussi l’installation d’irradiation par flux de protons PIF. Celle-ci tire son faisceau de particules du cyclotron COMET, développé pour des applications médicales. Durant les jours ouvrables, des patients cancéreux sont traités au PSI avec des protons issus de cet accélérateur annulaire compact. Ce faisant, le faisceau de particules est continuellement commuté entre quatre stations de traitement différentes. En raison des normes de sécurité strictes, l’exploitation médicale n’est pas possible de nuit et le week-end. Mais comme l’accélérateur fonctionne sans problème 24 heures sur 24, on dirige les protons dans une autre zone où se trouve PIF. C’est là que sont irradiés, entre autres, des composants électroniques pour la navigation spatiale.

Les protons éjectés par le soleil sont présents en permanence dans la haute atmosphère et le proche espace, et peuvent gravement endommager des composants électroniques. Les constructeurs de satellites doivent s’assurer que tous les composants restent opérationnels sous irradiation. Les spécialistes parlent de durcissement aux radiations. Ainsi, l’Agence spatiale européenne ESA collabore avec le PSI depuis de nombreuses années. Presque toutes les missions spatiales de l’ESA, comme la sonde cométaire Rosetta et le télescope spatial Gaia, ont utilisé PIF pour tester leurs composant et leurs charges utiles.

Le CERN (Centre européen de recherche nucléaire), est un autre client important de PIF. Son accélérateur de protons, le LHC, est le plus puissant du monde et, en termes de durcissement aux radiations, ses composants électroniques doivent satisfaire à des exigences élevées. Alors qu’en physique des particules, les autres installations de mesure sont le plus souvent mises à disposition gratuitement pour des projets de recherche sélectionnés, PIF vend la majeure partie de son temps de faisceau à des institutions et des entreprises. Mais des chercheurs du PSI utilisent également PIF pour développer des détecteurs. Avec des partenaires suisses et internationaux, ils ont ainsi construit le détecteur à pixels qui se trouve au cœur de l’expérience CMS, l’une des deux grandes expériences au LHC. Et à bord de la station spatiale chinoise, c’est un détecteur construit avec la participation du PSI, baptisé POLAR, qui a traqué les sursauts gamma venus du fonds de l’espace. Des moniteurs d’irradiation développés et testés à la PIF assurent par ailleurs à bord de nombreux satellites que les appareils s’éteignent à temps quand le taux d’irradiation est trop élevé. Pour les tests d’irradiation, outre les protons de la PIF, il est aussi possible d’utiliser les pions et les électrons produits aux autres stations de mesure de CHRISP.

Texte: Barbara Vonarburg

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