La simulation: le troisième pilier de la science

Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI simulent et modélisent de grandes installations de recherche, mais aussi certaines expériences, par exemple en sciences des matériaux et en sciences de la vie. Andreas Adelmann, directeur du Laboratoire de simulation et modélisation, explique comment ils procèdent.

Dr Andreas Adelmann, chef du Laboratoire de simulation et modélisation
(Photo: Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)
Un modèle représente la réalité à l'aide de formules mathématiques et définit le cadre de la simulation, par exemple d'une expérience. Une expérience réelle fournit alors des données qui sont incorporées dans des programmes informatiques à l'aide de mathématiques complexes. Ces programmes peuvent à leur tour être utilisés pour calculer de meilleurs modèles.
(Illustration: Institut Paul Scherrer)
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Le Laboratoire de simulation et modélisation LSM dont vous avez pris la direction a été refondé début 2018 en associant différentes groupes de travail. Qu’espérez-vous de ce regroupement?

Le LSM est le centre de compétences du PSI pour les questions scientifiques qui se focalisent sur la théorie, la modélisation et le calcul à haute performance. Ces synergies nous permettent à présent de mettre en réseau les énormes connaissances de chacun des six groupes de travail et de les exploiter.

Que simulez-vous et modélisez-vous dans le cas des grandes installations de recherche du PSI?

Les grands accélérateurs de particules au PSI doivent être simulés de la source de particules jusqu’à l’expérience. Nous voulons des informations aussi précises que possible sur chaque particule et nous nous intéressons particulièrement à la part réduite de celles qui se perdent pendant le processus d’accélération ou n’arrivent pas comme nous le souhaitons jusqu’à l’expérience. Les simulations et les modélisations permettent non seulement de construire de nouveaux accélérateurs, mais aussi de développer et d’optimiser ceux qui existent. Nous utilisons également des modèles numériques pour simuler les instruments et analyser les données. Le volume de données généré à cette occasion représente un gros défi: il va tout particulièrement connaître une énorme augmentation dans le cas du SwissFEL et des expériences à la SLS 2.0 planifiée. Pour y faire face, nous avons besoin de toutes les compétences des groupes spécialisés de notre laboratoire.

Que simulez-vous d’autre dans votre laboratoire?

Par exemple, comment les défauts tels que les fissures se propagent dans les matériaux. Des matériaux qui pourraient un jour être utilisés dans les futurs ordinateurs quantiques font également l'objet de recherches dans notre laboratoire. Dans le cadre d’un autre projet, nous simulons des récepteurs qui sont couplés à certaines protéines dans les cellules et font pratiquement office de lignes téléphoniques dans le réseau de communication de l’organisme.

Ce genre de connaissances sur certains phénomènes dans les domaines des sciences des matériaux et des sciences de la vie nous permet d’épauler la recherche expérimentale au PSI. Ce savoir donne aux chercheurs les moyens de développer des expériences plus effectives. Ou alors ce sont les calculs de certains modèles qui inspirent les scientifique. A côté de la recherche théorique et expérimentale, la simulation représente le troisième pilier de la science.

A quoi ressemble un cheminement qui va de votre modèle au résultat de la simulation et à son application?

Le modèle est une représentation de la réalité, c’est-à-dire de la physique, sous forme d’équations mathématiques. Il pose les conditions cadres pour une simulation. Lorsque nous élaborons le modèle, nous commençons par décider quels sont les facteurs que nous voulons ignorer afin que les choses ne soient pas trop compliquées pour le calcul ultérieur. Après tout, nous voulons être certains que la simulation sera terminée avant que je parte à la retraite (sourire).

Dans le cas d’un accélérateur, par exemple, l’une des premières décisions porte sur les particules en mouvement dans le modèle: peuvent-elles entrer en collision ou non? Si je ne prends pas en considération les collisions, je laisse de côté une partie de la réalité, j’en crée une version simplifiée: le modèle. Nous reproduisons alors à l’ordinateur les équations simplifiées ainsi obtenues en écrivant un programme.

Nous démarrons la simulation avec des conditions de départ bien précises. Nous indiquons par exemple dans le programme informatique les lieux de départ et les vitesses des particules. Notre résultat, ce sont les états finaux des particules après qu’elles sont passées par l’accélérateur. Dans le cas de la protonthérapie, de tels calculs permettent de déterminer précisément la dose de rayonnement pour chaque patient de manière individuelle. 

Nous ne pourrons jamais représenter toute la réalité. Quelles sont les incertitudes qui peuvent encore apparaître lors d’une simulation?

Il arrive, par exemple, que des artefacts numériques apparaissent. Ces artefacts sont dus au fait qu’à l’ordinateur, pour les chiffres, le nombre de décimales qu’il est possible de représenter est toujours limité, alors que dans le cas des chiffres réels, le nombre de décimales est infini; ces chiffres réels doivent donc être arrondis. On ne peut pas exclure non plus des erreurs dans le programme informatique. Nous ne pouvons pas écrire de programme pour contrôler si un autre programme est correct.

Par ailleurs, nombre d’équations ne peuvent pas être résolues de manière exacte. Toutefois, si nous indiquons déjà en amont l’erreur à tolérer, nous pouvons contourner le problème. C’est précisément ce qui est fascinant dans le domaine des mathématiques numériques.

Propos recueillis par Institut Paul Scherrer/Christina Bonanati

Contact

Dr Andreas Adelmann
Chef du Laboratoire de simulation et modélisation
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 42 33, e-mail: andreas.adelmann@psi.ch