L’acide iodique impliqué dans la formation de nuages en Arctique

Une équipe de recherche internationale de l'Institut Paul Scherrer PSI, de l'École polytechnique fédérale de Lausanne EPFL et de l'Université de Stockholm a pour la première fois identifié l'acide iodique comme un facteur important dans la formation de particules de poussière fines dans l'Arctique. Comme le montrent les chercheurs, l'acide iodique influence la formation de nouvelles particules d'aérosol et donc la formation de nuages. Comme ils réfléchissent le rayonnement solaire mais retiennent également la chaleur à la surface de la terre, ils ont une influence sur le réchauffement de l'Arctique. L'étude est publiée aujourd'hui dans la revue spécialisée Nature Communications.

L’Arctique se réchauffe deux à trois fois plus rapidement que le reste du globe. Plusieurs facteurs sont responsables de cette situation, mais l’importance de chacun n’est pas encore comprise. «Nous pensons toutefois que les nuages pourraient jouer un rôle clé», explique Julia Schmale, professeure à l’EPFL, à la tête du laboratoire de recherche en environnements extrêmes et, au moment de l'expédition, responsable d’un groupe de recherche dans le laboratoire de chimie atmosphérique de l'Institut Paul Scherrer PSI. «Ils contribuent en effet à refroidir ou à réchauffer la planète, en réfléchissant les rayons du soleil vers l’espace ou au contraire, en jouant le rôle de couverture.»

Nuages au-dessus de l'Arctique
(Photo: Andrea Baccarini)
Le brise-glace suédois "Oden" en expédition dans l'Arctique
(Photo: Andrea Baccarini)
Des chercheurs installent une station de mesure dans l'Arctique
(Photo: Andrea Baccarini)
Les chercheurs sur le chemin du retour au navire de recherche
(Photo: Andrea Baccarini)
Andrea Baccarini dans le laboratoire de mesure des aérosols du PSI
(Photo: Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)
Le brise-glace suédois "Oden" avec les conteneurs de recherche à bord
(Photo: Paul Zieger)
Andrea Baccarini effectuant des travaux de laboratoire dans le conteneur de recherche à bord du navire de recherche
(Photo: Karin Alfredsson)
Julia Schmale étudie la formation des nuages dans les régions polaires - cela nécessite beaucoup d'équipement.
(Photo: Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic)
Paul Zieger de l'Université de Stockholm travaillant dans le conteneur de recherche pendant l'expédition.
(Photo: Karin Alfredsson)
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Avec des scientifiques du laboratoire de chimie de l’atmosphère de l’Institut Paul Scherrer  et de l’Université de Stockholm, la chercheuse s’est rendue plusieurs semaines au Pôle Nord, en août et en septembre 2018, lors de l’expédition suédo-américaine Arctic Ocean 2018 à bord du brise-glace suédois Oden. L’équipe y a mesuré l’air en temps réel, afin d’en analyser les propriétés chimiques et physiques, et de comprendre les conditions qui mènent à la formation de nuages.

Comment se forment les aérosols en Arctique ?

«Nous voulions comprendre une étape précise de ce processus: la façon dont se forment de nouvelles particules d’aérosols au Pôle Nord», indique Andrea Baccarini, doctorant à l’Institut Paul Scherrer lors de l’expédition et désormais collaborateur scientifique au sein du laboratoire de Julia Schmale. « Lorsque les conditions sont réunies, les molécules de gaz se condensent entre elles et forment des petits agrégats, créant ainsi de nouveaux aérosols. Et si ces aérosols atteignent une certaine taille, ils se transforment alors en noyaux de condensation, essentiels dans la formation des nuages.»

Or en Arctique, en été et en automne, la concentration d’aérosols est très faible. «Un tout petit changement dans cette concentration peut donc avoir un impact majeur dans l’apparition de nuages, ainsi que changer leurs propriétés», ajoute Andrea Baccarini. Les scientifiques ont également étudié l’importance des aérosols locaux par rapport aux aérosols provenant de sources plus lointaines. «Nous avons pu définir les sources exactes des aérosols nécessaires dans la formation des nuages», souligne Paul Zieger, professeur assistant à l’Université Stockholm et en charge du projet de recherche “aerosol-cloud processes” lors de l’expédition.

Apparition d’acide iodique au début de l’automne

Leurs analyses ont montré qu’entre la fin de l’été et le début de l’automne, l’acide iodique agit comme déclencheur dans la formation de nouveaux aérosols. «À la fin de l’été, il y a moins de glace, beaucoup d’eau et la concentration d’acide iodique est encore très basse», explique Julia Schmale. «Au début de l’automne, la température baisse et la banquise augmente. C’est également à ce moment que la concentration d’acide iodique augmente drastiquement et mène à la création de nombreuses nouvelles particules d’aérosols». 

L'acide iodique est formé dans l'atmosphère par l'oxydation de l'iode ou d'autres molécules contenant de l'iode. Le mécanisme exact qui conduit au dégagement d'iode sur la glace de mer arctique n'est pas encore connu. Basé sur des études antérieures, les chercheurs supposent que l'iode est dégagé soit par l'activité microbiologique sous la glace, soit par des réactions chimiques avec le sel marin sur les surfaces gelées.

Les scientifiques ont développé un modèle expliquant cette concentration d’acide iodique dans l’atmosphère, qui dépend beaucoup des conditions météorologiques. Ils ont également pu décrire la chaîne complète d’événements conduisant à la formation d’un nuage, d’une molécule de gaz formant une particule jusqu’à la création d’un noyau de condensation. «Observer et décrire ce processus en conditions réelles est extrêmement rare», conclut la Professeure Schmale.

Texte fondé sur un communiqué de presse de l’EPFL, avec des compléments de l’Institut Paul Scherrer/Brigitte Osterath.

Informations supplémentaires

A floating lab – animated infographics showing the Swedish research vessel Oden

Contact

Andrea Baccarini
Laboratoire de chimie de l’atmosphère
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse

E-mail: andrea.baccarini@psi.ch [italien, anglais]

Prof. Julia Schmale
Laboratoire de recherche en environnements extrêmes, École polytechnique fédérale de Lausanne Valais Wallis, Rue de l'Industrie 17, Case postale 440, 1951 Sion, Suisse

Telephone: +41 21 695 82 69, e-mail: julia.schmale@epfl.ch [allemand, anglais, français]

Collaboration

  • Laboratoire de chimie de l’atmosphère, Institut Paul Scherrer, Villigen PSI, Suisse
  • Department of Environmental Science & Bolin Centre for Climate Research, Stockholm University, Suède
  • Department of Physics and Atmospheric Science, Dalhousie University, Halifax, Canada
  • School of Earth and Environment, University of Leeds, UK
  • Department of Atmospheric Chemistry and Climate, Institute of Physical Chemistry Rocasolano, CSIC, Espagne
  • Department of Meteorology & Bolin Centre for Climate Research, Stockholm University, Suède
  • Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit, École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Suisse

Original publication

Frequent new particle formation over the high Arctic pack ice by enhanced iodine emissions
A. Baccarini, L. Karlsson, J. Dommen, P. Duplessis, J. Vüllers, I. M. Brooks, A. Saiz-Lopez, M. Salter, M. Tjernström, U. Baltensperger, P. Zieger, J. Schmale
Nature Communications, 1er octobre 2020 (online)
DOI: 10.1038/s41467-020-18551-0

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