Le bricoleur de feu d'artifices devenu chercheur spécialiste des accumulateurs

Portrait de Patrick Lanz, doctorant au PSI

Pour la construction des cellules d’accumulateur sous atmosphère protectrice, Patrick Lanz se sert d’une boîte à gants remplie d’argon. © Institut Paul Scherrer PSI/Mahir Dzambegovic.

Patrick Lenz a découvert sa fascination pour l’univers de la science et de la technique alors qu’il était encore écolier. Son père était électrotechnicien et possédait donc à la maison un assortiment bien fourni de composants électroniques. Mais le jeune Patrick ne se contentait pas de jouer avec ses voitures télécommandées, il démontait systématiquement ses jouets, à la recherche d’explications pour comprendre leur mode de fonctionnement. Plus tard, Patrick Lenz s’est mis aussi à démonter de petites piles, parce qu’il voulait comprendre « ce qui se passait à l’intérieur ». Il a peut-être accompli à cette époque le premier pas vers son travail actuel : chercheur spécialiste des accumulateurs.

Poudre noire – faite maison

A un moment donné, au gymnase, Patrick Lanz a découvert la chimie. Et décidé qu’il allait se concocter sa propre poudre noire, pour bricoler son propre feu d’artifices. Par la même occasion, il a prouvé qu’il était doué de l’inventivité nécessaire pour mettre la main sur les ingrédients dont il avait besoin pour fabriquer son mélange explosif. « Pour faire de la poudre noire, il suffit d’avoir du charbon, du soufre et du nitrate de potassium, explique Patrick Lanz. Le charbon, je l’ai acheté à la Migros, où il est normalement vendu pour les grillades. Pour faire de la poudre noire, il suffit ensuite de le moudre. Du soufre, j’en avais dans mon coffret de chimie, à la maison. Se procurer le nitrate de potassium s’est avéré plus compliqué. On en trouve dans toutes les pharmacies, mais tous les pharmaciens savent aussi à quoi le nitrate de potassium peut servir : à fabriquer de la poudre noire. Et la pharmacienne aurait immédiatement lu mes intentions dans mes yeux de gamin. J’ai me suis alors rappelé que le nitrate de potassium, on l’utilisait aussi pour saler les jambons. J’avais ma bonne excuse – et c’est grâce à elle que je me suis procuré mon troisième ingrédient pour fabriquer ma propre poudre noire. »

Rien d’étonnant, donc, à ce que Patrick Lanz ait choisi de se lancer dans des études de chimie, une fois sa maturité en poche. Il s’est inscrit à l’EPF Zurich, et n’a pas tardé à constater qu’il avait pris la bonne décision. Il voulait changer de latitudes pour un projet semestriel, et a déposé sa candidature pour un échange à l’Imperial College de Londres, où il a été reçu. C’est là-bas qu’il s’est plongé pour la première fois dans l’univers de la recherche sur les piles à combustible. Ce qui lui a tout à coup permis de réunir sous le même toit les intérêts fondamentaux de son enfance : l’électrotechnique et la chimie. « Déjà à l’époque, j’avais remarqué que, contrairement à la plupart des diplômés, je n’avais pas envie de travailler dans le domaine de la chimie organique, se souvient-il. C’est une discipline où l’on synthétise surtout de nouvelles substances, moyennant des séries d’essais de longue haleine. Il s’agit d’un travail tout à fait précieux, mais j’avais envie d’un sujet de recherche plus varié. Et l’électrochimie m’offrait le champ d’activité qu’il me fallait. »

Cellule électrochimique, chauffée pour la mesure par spectroscopie Raman. © Institut Paul Scherrer PSI/Mahir Dzambegovic.

Des électrodes d’accumulateur avec moins de cobalt

Patrick Lanz est donc resté fidèle à l’électrochimie. Au PSI, il a consacré son travail de master et sa thèse de doctorat, qu’il achèvera bientôt, à la recherche sur les accumulateurs. Il a analysé un nouveau matériau destiné aux électrodes des accumulateurs lithium-ion, censé rendre ces piles plus performantes et moins chères à la fabrication. « L’électrode positive des accumulateurs lithium-ion contient souvent du cobalt, détaille Patrick Lanz. Mais le cobalt est cher, et il est toxique pour l’environnement. De nombreux projets sont donc en cours pour trouver un remplaçant au cobalt comme matériau d’électrode. Des métaux comme le nickel et le manganèse figurent en bonne place parmi les candidats : liés au cobalt, ils peuvent même entraîner une augmentation des capacités de stockage par kilo. Cela réduirait simultanément les coûts et les soucis écologiques. »

Patrick Lanz a également développé une technique qui permet d’utiliser simultanément, et en temps réel, deux méthodes de microscopie, auxquelles on recourt fréquemment dans la recherche sur les accumulateurs. Il s’agit de la spectroscopie infrarouge et de la spectroscopie Raman. Chacune de ces technologies permet d’identifier et de déterminer de différentes manières la structure du matériau d’électrode. Quant à leur utilisation en temps réel, elle permet de suivre les changements, qui interviennent dans la structure du matériau pendant la charge et la décharge de l’accumulateur. Ces modifications révèlent ce qui se passe à l’intérieur de la pile pendant les cycles de charge. Et ce n’est qu’une fois que l’on a compris ce genre de processus, que l’on peut améliorer de manière ciblée le matériau d’électrode. « La spectroscopie infrarouge et la spectroscopie Raman se complètent très bien, explique Patrick Lanz. Avec ces deux méthodes, il est possible de reproduire visuellement les vibrations des atomes. La spectroscopie Raman permet de voir des vibrations qui restent invisibles avec la spectroscopie infrarouge. Et inversement. La combinaison des deux technologies fournit donc un tableau plus complet du matériau étudié. » Par ailleurs, l’appareil que le chercheur a conçu permet d’effectuer des mesures de manière complètement automatique, en temps réel de surcroît. « J’ai construit à cet effet une espèce de robot, avec l’aide des techniciens du Laboratoire d’électrochimie », explique Patrick Lanz, non sans fierté.

Le microscope adapté par Patrick Lanz, qui combine spectroscopie infrarouge et spectroscopie Raman, avec système de commutation automatique. © Institut Paul Scherrer PSI/Mahir Dzambegovic.

Proximité de la pratique et amour des langues

Dans son travail au PSI, Patrick Lanz apprécie avant tout le lien étroit avec la pratique et le contact avec des chercheurs de l’industrie. « J’ai collaboré étroitement avec des scientifiques d’une grande entreprise chimique, raconte-t-il. Voir la manière dont ils réagissent à chaque idée nouvelle, sans jamais perdre de vue la pratique, c’est très enrichissant. Et il y reste quand même toujours de la place pour la créativité. »

Et comme si la chimie ne lui ménageait pas suffisamment de défis, Patrick Lanz s’offre pendant son temps libre des pauses intellectuelles d’un genre bien particulier : « Je me suis toujours intéressé aux langues, explique-t-il avec enthousiasme. Et depuis quelques semestres, j’apprends le chinois. » Est-il déjà capable de dire quelques phrases ? « Avec le chinois, au début, la courbe d’apprentissage ne monte pas vraiment en flèche, dit-il. Mais j’ai beaucoup de plaisir à l’apprendre. » Lorsque Patrick Lanz tient ce genre de propos, on devine aussitôt la prochaine réflexion qui lui vient à l’esprit, et qui témoigne de la confiance qui l’habite : si je m’accroche pour de bon, je peux venir à bout de n’importe quelle langue, même de la plus difficile. Avec le langage de la chimie, en tout cas, il peut se targuer d’avoir déjà plusieurs réussites à son actif.

Patrick Lanz
Laboratoire d’électrochimie
Institut Paul Scherrer PSI

+41 56 310 24 74
patrick.lanz@psi.ch
 

Patrick Lanz rédige sa thèse de doctorat à la section Stockage électrochimique de l’énergie du Laboratoire d’électrochimie, à l’Institut Paul Scherrer. Cette section se consacre à l’étude des accumulateurs rechargeables, notamment aux systèmes à base de lithium. L’objectif de la recherche, entre autres, est d’améliorer la densité énergétique, la densité de puissance et la durée de vie des accumulateurs, en optimisant les matériaux qui les composent. De nouvelles méthodes sont développées à cet effet, qui permettent d’étudier les accumulateurs in situ, c’est-à-dire pendant les cycles de charge. La recherche porte aussi sur de nouveaux matériaux, dotés de propriétés prometteuses pour les accumulateurs de l’avenir.