Mieux comprendre l'eau

Des chercheurs ont cartographié pour la première fois les surfaces d’énergie potentielle de molécules d’eau dans l’eau liquide en conditions ambiantes normales. Ces travaux menés à la Source de Lumière Suisse du PSI contribuent à une meilleure compréhension de la chimie de l’eau et en solutions liquides.

Thorsten Schmitt à une station expérimentale de la Source de Lumière Suisse SLS au PSI.
(Poto: Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic)

L’eau est certainement le liquide le plus connu au monde. Dans tous les processus biologiques et nombre de processus chimiques, l’eau joue un rôle décisif. Les molécules d’eau elles-mêmes n’ont pratiquement plus de secret. A l’école déjà, nous apprenons que l’eau est composée d’un atome d’oxygène et de deux atomes d’hydrogène. Nous connaissons même l’angle obtus typique que forme les deux liaisons O-H. Par ailleurs, nous savons évidemment quand l’eau bout ou gèle et comment ces transitions de phase sont liées à la pression. Mais entre la connaissance des molécules individuelles et le savoir sur les phénomènes macroscopiques, il existe une large zone d’incertitude: on ne connaît que de manière statistique le comportement d’une molécule individuelle dans de l’eau tout à fait normale. Les molécules d’eau forment un réseau fluctuant de ponts d’hydrogène, désordonné et dense, et leurs interactions ne sont pas du tout aussi bien comprises qu’à l’état gazeux.

A présent, une équipe emmenée par Annette Pietzsch, physicienne au Helmholtz-Zentrum Berlin (HZB), s’est penchée de près sur de l’eau très pure à température ambiante et à pression normale. Des investigations aux rayons X à la Source de Lumière Suisse SLS de l’Institut Paul Scherrer et des modélisations statistiques ont permis pour la première fois aux chercheurs de cartographier ce qu’on appelle les surfaces d’énergie potentielle des molécules d’eau individuelles qui, suivant leur environnement, adoptent une grande variété de formes.

«Ce qu’il y a de particulier, ici, c’est la méthode, explique Annette Pietzsch. Nous avons étudié les molécules d’eau à la ligne de faisceau ADRESS avec la méthode de la diffusion inélastique résonnante des rayons X (abrégée RIXS en anglais)». «La ligne de faisceau ADRESS avec sa station expérimentale RIXS est très efficace pour les mesures spécifiquement atomiques de l’oxygène, ce qui est idéal pour les mesures sensibles de phonons et de vibrations dans un solide, respectivement dans les molécules», précise Thorsten Schmitt, responsable du groupe de recherche Spectroscopie de matériaux quantiques à l’Institut Paul Scherrer. La méthode RIXS, établie il y a 15 ans à la SLS, sera développée ces prochaines années sur les futures installations de la SLS 2.0 et du SwissFEL pour atteindre une sensibilité encore plus élevée.

«Pour dire les choses de manière simple, nous avons poussé très prudemment chaque molécule, puis mesuré comment elles retombaient dans leur état fondamental», poursuit Annette Pietzsch. Les excitations à basse énergie ont entraîné des pics d’absorption et autres vibrations qui, combinés avec les calculs de modèles, ont produit une image détaillée des surfaces d’énergie potentielle.

«Nous disposons ainsi d’une méthode qui permet de connaître de manière expérimentale l’énergie d’une molécule en fonction de sa structure, conclut Annette Pietzsch. Cela nous aide à comprendre la chimie dans l’eau et donc aussi le comportement de l’eau en tant que solvant.»

Texte basé sur un communiqué du Helmholtz-Zentrum Berlin


Contact

Dr Thorsten Schmitt
Responsable du groupe de recherche Spectroscopie de matériaux quantiques

Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 37 62, e-mail: thorsten.schmitt@psi.ch [allemand, anglais]

Publication originale

Cuts through the manifold of molecular H2O potential energy surfaces in liquid water at ambient conditions
Annette Pietzsch, Johannes Niskanen, Vinicius Vaz da Cruz, Robby Büchner, Sebastian Eckert, Mattis Fondell, Raphael M. Jay, Xingye Lu, Daniel McNally, Thorsten Schmitt, Alexander Föhlisch

PNAS, 5 juillet 2022
DOI: 10.1073/pnas.2118101119

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