À moteur à essence, à moteur diesel, à pile à combustible ou tout électrique: quelle est la voiture ayant le plus d’avenir? Une étude du PSI a analysé le bilan climatique des différentes propulsions disponibles. Et s’est aussi projetée en 2040.
Celles et ceux qui souhaitent s’acheter une nouvelle voiture sont confrontés à un choix difficile. Car, depuis belle lurette, les questions ne tournent plus seulement autour du modèle et des critères financiers: les aspects écologiques – liés à la fabrication et à l’exploitation du véhicule – ont de plus en plus de poids, particulièrement en ce qui concerne les gaz à effet de serre comme le CO2. Ce constat vaut tout particulièrement pour la Suisse, où le trafic est un élément important dans la protection du climat, puisqu’il est responsable d’environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre, soit plus que l’industrie et que le secteur du logement. Quant aux conditions générales pour une production et une exploitation des voitures aussi écologiques que possible, elles sont mises en place par le politique via des lois, des valeurs limites ou des taxes.
Une étude du PSI propose de quoi épauler à la fois le législateur et le consommateur dans leurs décisions. Sur mandat de l’Office fédéral de l’énergie, Brian Cox, ancien doctorant, et Christian Bauer, chef de projet, ont calculé l’impact sur l’environnement des différents types de propulsions pour véhicules individuels. Pour faciliter la comparaison, ils ont chaque fois présenté leurs résultats en équivalent CO2. Depuis 2010, ces chercheurs ont collecté des données, épluché la littérature spécialisée et passé en revue des banques de données; ils ont interrogé les fabricants et demandé des informations aux experts de la recherche, dont leurs collègues du PSI. Le résultat est un tableau très nuancé du bilan écologique actuel des différents types de propulsions, mais aussi de ce même bilan dans vingt ans. L’étude ose en effet avancer, pour la première fois, un pronostic de l’impact probable des propulsions sur l’environnement en 2040.
«L’important, pour ce genre d’analyse, c’est de considérer l’ensemble du cycle de vie du véhicule», souligne Brian Cox, qui travaille aujourd’hui pour la société de conseil Infras. Pour le bilan climatique, il n’y a pas que le CO2 émis lors de l’utilisation qui compte. Il faut aussi considérer la production de la voiture et de ses composants ainsi que leur élimination. Enfin, il faut inclure les émissions dues à la construction des routes et à la production du carburant. Ces dernières sont liées à l’extraction du pétrole et à son raffinage dans le cas des moteurs à essence; à la production d’hydrogène dans le cas des véhicules à pile à combustible et à la production de courant dans le cas des voitures électriques. Cela représente donc un énorme effort de recherche. «D’autant plus que certaines données sont difficiles à obtenir, précise Christian Bauer. Personne ne vous expliquera comment une voiture électrique est produite. Les constructeurs traitent cette information de manière strictement confidentielle.»
Personne ne vous expliquera comment une voiture électrique est produite. Les constructeurs traitent cette information de manière strictement confidentielle.
En fin de compte, les chercheurs ont quand même réussi à réunir les informations nécessaires. Le résultat est net: dans le domaine des véhicules individuels, si nous voulons protéger le climat, nous devrons miser sur la propulsion électrique à batterie. Si l’on fait la somme de tous les facteurs, il s’agit de celle dont l’impact climatique est le plus faible. En Suisse, ce constat est déjà valable aujourd’hui, car le courant est avant tout issu de l’hydraulique et du nucléaire. Le mix électrique suisse génère à peine plus de 100 grammes de CO2 par kilowattheure, en tenant compte de l’énergie importée.
Il y a un aspect typique du bilan de la voiture électrique: elle fait moins bien que les autres véhicules pendant les premiers kilomètres parcourus, mais plus on roule avec en utilisant du courant peu émetteur de CO2, plus elle devance les autres dans le classement. La raison? La fabrication de la batterie provoque beaucoup d’émissions, parce qu’elle contient des métaux spéciaux extraits dans des régions très lointaines et acheminés jusqu’au lieu de fabrication. Mais la voiture électrique compense largement ce défaut pendant qu’elle roule.
La pile à combustible est la propulsion qui arrive en deuxième position parmi les plus favorables à la protection du climat – mais seulement si les bonnes conditions sont réunies. Dans ce cas, c’est aussi un moteur électrique qui actionne les roues du véhicule, mais dont le courant provient d’une pile à combustible (et non d’une prise). Cette dernière transforme en eau l’hydrogène contenu dans un réservoir à haute pression, lorsqu’il entre en contact avec l’oxygène de l’air, processus qui libère de l’énergie. Le point décisif réside dans la manière dont l’hydrogène a été produit: s’il est issu de l’électrolyse – c’est-à-dire de la division de l’eau en oxygène et en hydrogène par du courant électrique – et que ce courant est d’origine solaire, la pile à combustible est très favorable à la protection du climat. Si l’hydrogène est issu du mix électrique suisse, elle l’est un peu moins. Et le bilan est carrément défavorable, si l’hydrogène a été produit à partir de gaz naturel, une énergie fossile.
En termes de bilan climatique, les voitures qui roulent au gaz naturel sont comparables à celles qui roulent au diesel. Le gaz naturel synthétique (SNG) occupe une position à part. Ce succédané artificiel du gaz naturel est fabriqué à l’issue de plusieurs étapes. Comme pour la pile à combustible, la première consiste à produire de l’hydrogène avec de l’eau par électrolyse. Puis l’hydrogène est combiné avec du dioxyde de carbone prélevé dans une usine de biogaz, une usine d’incinération des ordures ou une centrale à charbon – ou produit directement en l’isolant de l’air. Le résultat est un hydrocarbure qui ressemble tellement au gaz naturel (tous deux sont principalement composés de méthane) que l’on peut l’injecter dans le réseau gazier. «Mais en termes de bilan global, les voitures qui roulent au SNG consomment cinq ou six fois plus de courant que les voitures électriques, explique Christian Bauer. Il se produit beaucoup de pertes énergétiques tout au long de la chaîne de production du SNG, et le moteur à combustion est inefficace.»
Alors, pourquoi miser sur ce type de propulsion? L’idée serait de fabriquer le SNG en utilisant le courant écologique excédentaire. Lorsqu’en été nous disposons de plus d’énergie issue du solaire et de l’éolien que nous ne pouvons en consommer, il faut pouvoir la stocker d’une manière ou d’une autre. Ces excédents seront ensuite disponibles en hiver, lorsque le besoin de courant est important et que les énergies renouvelables faiblissent. L’astuce réside dans le fait que le SNG peut être facilement stocké. Les petits excédents seront injectés dans le réseau gazier existant, d’où l’on pourra les retirer à tout moment. Et, pour les excédents importants, il existe des réservoirs avantageux et pratiquement sans pertes. «Si, à l’avenir, il devait nous rester beaucoup d’excédents de courant écologique, le SNG représenterait un mode de propulsion parfaitement valable pour les véhicules individuels», relève Christian Bauer.
La grande question, pour le bilan climatique de l’ensemble des propulsions, est donc de savoir à quoi ressemblera le réseau électrique du futur. Les politiques et la société auront-ils le courage de passer rapidement aux énergies renouvelables? Les propulsions alternatives pourraient alors pleinement user de leurs atouts.
Texte: Jan Berndorff