Comprendre la structure et la fonction de catalyseurs quand ils sont en action, c’est ce que permet un instrument de diagnostic novateur utilisé par des chercheurs de l’Institut de technologie de Karlsruhe (KIT) en collaboration avec des collègues à la Source de Lumière Suisse SLS au PSI et à l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) en France. La spectroscopie de rayons X in operando permet de visualiser en 3D la structure et les gradients de catalyseurs à la technologie complexe et de jeter un coup d’œil à l’intérieur de réacteurs chimiques en fonction. Les scientifiques viennent de publier leur étude dans Nature Catalysis.
La catalyse est indispensable dans de nombreux domaines. 95% des produits chimiques sont fabriqués grâce à des catalyseurs. Ces derniers jouent aussi un rôle clé dans le domaine des technologies énergétiques et de la protection de l’environnement. Les catalyseurs sont des substances qui accélèrent les réactions chimiques, afin d’économiser l’énergie et éviter des sous-produits indésirables. Des dispositifs complets sont basés sur ce principe physico-chimique, par exemple les catalyseurs dans les véhicules ou dans les centrales électriques afin de réduire les émissions polluantes. Des catalyseurs techniques et industriels sont aussi utilisés dans la fabrication d’engrais et de polymères. Ils doivent souvent résister à une pression élevée et afficher une grande résistance mécanique. Ils doivent par ailleurs fonctionner dans des conditions ambiantes dynamiques. Un petit accroissement de leur efficacité, lors de l’élimination de polluants comme le monoxyde de carbone, les oxydes d’azote et les particules fines dans les gaz d'échappement ou lors de la production d’hydrogène vert, apporte déjà des avantages substantiels pour l’homme et l’environnement. Afin d’améliorer les matériaux et méthodes catalytiques, il est nécessaire de bien comprendre leur fonction. «Que ce soit dans un grand réacteur chimique, dans une batterie ou sous une voiture, les catalyseurs techniques et industriels ont une structure hautement complexe, relève Thomas Sheppard de l’Institut de génie chimique et de chimie des polymères (ITCP) du KIT. Afin de comprendre véritablement comment ces matériaux fonctionnent, nous devons pouvoir jeter un coup d’œil à l’intérieur du réacteur pendant que le catalyseur effectue son travail, dans le meilleur des cas avec un outil analytique permettant d’avoir un aperçu de la structure en 3D du catalyseur actif.»
Images 3D d’un échantillon
Thomas Sheppard a dirigé une étude sur les catalyseurs pour véhicules. Les scientifiques du KIT, du PSI et de l’ESRF qui y ont participé viennent de publier ses résultats dans la revue Nature Catalysis. Afin d’étudier les catalyseurs, l’équipe a eu recours à un nouveau dispositif et a utilisé l’approche de la spectrotomographie par ordinateur à rayons X notamment développée par Dario Ferreira Sanchez du PSI pour des expériences en tomographie menées à la Source de Lumière Suisse SLS et au Synchrotron Radiation Facility en France. «La tomographie par ordinateur fournit des images en 3D d’un échantillon, aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur, sans que l’échantillon ne doive être découpé», souligne Dario Ferreira Sanchez. A l’aide d’un réacteur particulier, les chercheurs ont suivi un processus catalytique actif au moyen de la tomographie et de la spectroscopie de rayons X. Ils ont ainsi réussi à observer la structure en 3D d’un catalyseur de contrôle des émissions dans des conditions qui correspondent à celles prévalant en réalité avec des gaz d’échappement d’automobiles. Cette spectroscopie de rayons X in operando ne livre pas seulement la structure 3D de l’échantillon mais donne aussi d’importantes informations chimiques. «Les catalyseurs affichant souvent une structure très complexe et hétérogène, il est important de savoir si l’entier du volume du catalyseur ou seulement des parties remplissent leur fonction comme prévu, explique Johannes Becher de l’ITCP au KIT, l’un des auteurs principaux de l’étude. Grâce à la spectroscopie de rayons X in operando, nous pouvons examiner la structure spécifique et la fonction de chaque partie. Cela nous montre si le catalyseur fonctionne avec une efficacité maximale et, ce qui est encore plus important, nous permet de comprendre les processus sous-jacents.» Pendant la réaction, l’équipe a observé un gradient structurel de l’espèce cuivre active à l’intérieur du catalyseur, qui n’avait jusqu’ici pas pu être mis en évidence avec des outils analytiques conventionnels. Il s’agit d’une information de diagnostic importante pour la performance des catalyseurs de contrôle des émissions. La méthode peut toutefois être appliquée à de nombreux catalyseurs et processus chimiques différents.
Les travaux de l’équipe de chercheurs montrent comment la visualisation en 3D de l’état chimique d’un catalyseur actif ouvre de nouvelles opportunités pour le diagnostic des matériaux et des réactions. «Jusqu’ici, il n’était pas possible d’étudier les réactions se produisant dans une quelconque partie du catalyseur sans les perturber. Maintenant, nous pouvons savoir précisément quelles sont les réactions qui se produisent, où et comment, explique le professeur Jan-Dierk Grunwaldt de l’ITCP. C’est une clé pour mieux comprendre les processus chimiques et pour développer à l’avenir des catalyseurs de meilleure qualité et plus efficaces.»
Texte: rédigé sur la base d’un communiqué du KIT.
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L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2100 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 400 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l'Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage). (Mise à jour: mai 2020)
Contact
Dr Dario Ferreira Sanchez
Beamline Scientist at microXAS, SLS
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 52 41, e-mail: dario.ferreira@psi.ch [anglais]
Publication originale
Johannes Becher et al.: Chemical gradients in automotive Cu-SSZ-13 catalysts for NOx removal revealed by operando X-ray spectrotomography
Nature Catalysis, 14 décembre 2020
DOI: 10.1038/s41929-020-00552-3
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