Imager des échantillons qui fluctuent à l'aide de rayons X

Les rayons X permettent d'observer l'intérieur de structures autrement inaccessibles à l'aide de lumière visible. Ils sont notamment utilisés pour inspecter à l'échelle nanométrique des échantillons divers tels que la structure de cellules biologiques et l'organisation de domaines magnétiques de disques durs. Malgré ses succès, l'imagerie par rayons X à haute résolution impose des contraintes énormes sur le microscope ainsi que sur les échantillons d'intérêt. Des chercheurs à la Technische Universität München, Allemagne, et à l'institut Paul Scherrer, Suisse, ont récemment découvert comment relaxer ces contraintes sans réduction de qualité des images. Ils ont de plus démontré comment peuvent être imagées les fluctuations rapides à l'intérieur de certains objets, tels l'inversion spontanée de domaines dans les dispositifs à mémoire magnétique. Ils ont démontré leur méthode grâce à des mesures prises au synchrotron suisse SLS et à l'aide de simulations numériques. Ces résultats ont été publiés dans le journal scientifique « Nature ».

Schéma de l'appareil utilisé pour la démonstration expérimentale. Les rayons X sont focalisés sur un échantillon-test qui peut être déplacé latéralement avec une précision nanométrique. La figure de diffraction, produite par la dispersion des rayons X par l'échantillon, est recueillie par un détecteur. L'image de l'échantillon est par la suite reconstruite par ordinateur à partir des images de diffraction (voir les autres images).

La microscopie par rayons X est un outils prisé pour les sciences de la vie et des matériaux. Que ce soit pour observer l'architecture de cellules biologiques, étudier la porosité du béton, ou observer les domaines magnétique de dispositifs de stockage d'information, ils offrent un point de vue tridimensionnel unique. Toutefois, des conditions expérimentales extrêmes sont souvent requises pour l'imagerie à l'échelle nanométrique. L'une des conséquences de ces contraintes est la nécessité de filtrer les rayons X produits par une source de rayonnement synchrotron, pour n'en conserver qu'une minuscule fraction. « Encore plus important », ajoute Andreas Menzel, chercheur à l'institut Paul Scherrer, « si on ne parvient pas à extraire les rayons X qui ont exactement les propriétés nécessaires pour la mesure, les images obtenues ne révèlent pas fidèlement l'objet sous investigation. »

Démêler les différentes composantes de la lumière.

Menzel et Pierre Thibault, de la Technische Universität München, ont développé une méthode d'analyse qui permet l'imagerie à très haute précision en dépit des fluctuations et de vibrations qui sont souvent inévitables à l'échelle du nanomètre. Leur méthode est basée sur une technique appelée « ptychographie », inventée dans les années 60 pour la microscopie électronique et de nos jours communément appliquée en radiation X et visible. Leurs nouveaux résultats permettent désormais de démêler précisément les parties de la lumière qui ont des propriétés légèrement différentes, comme leur longueur d'onde ou leur direction de propagation. « En plus des effets immédiats sur les applications en imageries », explique Pierre Thibault, « notre analyse révèle de profondes connexions avec d'autres domaines de la physique. Ce qui a pour résultat que certaines disciplines qui étaient jusqu'à maintenant considérées comme indépendantes de l'imagerie, comme l'informatique quantique, peuvent s'enrichir mutuellement. »

A gauche: Les techniques de reconstruction standards ne parviennent par à reproduire fidèlement les détails de l'échantillon-test ; à droite: La nouvelle approche, qui prend en compte l'état “mélangé” des rayons X incidents, permet de reconstruire précisément l'image de l'échantillon.

Imager des fluctuations et des mélanges statistiques.

L'aspect probablement le plus intriguant de la nouvelle méthode est la possibilité d'imager toute une nouvelle famille d'objets. « En plus de l'appareil utilisé pour l'imagerie, nous pouvons maintenant laisser l'échantillon lui-même fluctuer, » ajoute Andreas Menzel. « Ainsi, les fluctuations trop rapides pour être résolues dans le temps peuvent néanmoins être inspectées. » Une idée est d'étudier la fluctuation rapide de la magnétisation de domaines


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L’Institut Paul Scherrer développe, construit et exploite de grandes installations de recherche complexes et les met à disposition de la communauté nationale et internationale. Les principales recherches de l’Institut sont centrées dans le domaine matière et matériaux, energie et environnement, santé. Avec 1500 collaborateurs et un budget annuel d’environ 300 millions CHF, le PSI est le plus grand centre de recherche de Suisse.

Contact
Andreas Menzel; Laboratoire Macro­molecules et bio-ima­gerie
Institut Paul Scherrer, 5232 Villigen PSI, Suisse
Tél. +41 56 310 3711; e-mail: andreas.menzel@psi.ch [allemand, anglais]

Pierre Thibault; Physikdepartment;
Technische Universität München, 85748 Garching, Allemagne
Tél. +49 (0)89 289 14397; e-mail: pierre.thibault@tum.de [français, anglais]
Publication originale
Reconstructing state mixtures from diffraction measurements
Pierre Thibault & Andreas Menzel
Nature, 7. February 2013, DOI: 10.1038/nature11806