La cause du blocage des aiguilles de seringue a été identifiée

A l’aide de l’imagerie neutronique et synchrotron, des scientifiques du PSI et de l’entreprise de transfert de technologie ANAXAM ont démontré quelles sont les conditions dans lesquelles les seringues préremplies se bouchent.

Margie Olbinado et David Mannes devant l’entrée de la Source de Lumière Suisse SLS, où les analyses avec de la lumière synchrotron ont été menées. A proximité immédiate, sur le site du PSI, se trouve la Source de Neutrons de Spallation Suisse SINQ, qui fournit les neutrons pour d’autres analyses. © Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic

Christian Grünzweig (à gauche) et Vladimir Novak, du centre de transfert de technologie ANAXAM, avec un appareillage spécialement conçu pour la radiographie des aiguilles de seringues. La proximité du site du PSI, avec son ensemble unique de grandes installations de recherche, fait d’ANAXAM le partenaire idéal de l’industrie. © Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic

Pour les analyses, une chambre climatique et à vide a été fabriquée sur mesure afin de conditionner des seringues prêtes à l’emploi pour l’imagerie neutronique. © Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic
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Dans de rares cas, il peut arriver que les aiguilles de seringues préremplies se bouchent. Ce cas de figure peut avoir des conséquences potentiellement négatives pour les patientes et les patients si le médicament n’est pas administré, ou est administré en quantités insuffisantes dans leur organisme. Une équipe de l’Institut Paul Scherrer PSI, placée sous la houlette du centre de transfert de technologie ANAXAM, en collaboration avec MSD (une marque déposée de Merck & Co, Inc, Rahway, N.J., USA), vient de réussir à inspecter en détail l’intérieur d’une aiguille. Cette analyse a permis aux scientifiques d’identifier les causes possibles de blocage et de détailler les conditions requises pour empêcher que cela ne se reproduise à l’avenir. Un aspect s’est avéré décisif pour y arriver: une combinaison de procédés d’imagerie à la Source de Lumière Suisse SLS et à la Source de Neutrons de Spallation Suisse SINQ, qui se trouvent toutes les deux à proximité immédiate, sur le site du PSI, et forment un ensemble unique au monde. Le résultat est une première, se réjouissent Vladimir Novak, ingénieur chimiste, et Christian Grünzweig, physicien et CEO d’ANAXAM: «Nous avons réussi à obtenir la vue la plus détaillée jamais réalisée de l’intérieur d’une aiguille.» 

Les seringues préremplies sont de plus en plus souvent utilisées dans les traitement contre le cancer avec anticorps monoclonaux. Néanmoins, dans de rares cas, les aiguilles de seringues préremplies – appelées «pre-filled syringes» (PFS) en anglais – se bouchent. Ce risque augmente depuis que les agents thérapeutiques qu’elles contiennent, composés de protéines et d’anticorps, présentent des concentrations plus élevées, ce qui les rend plus visqueux et offre davantage de résistance à l’écoulement du liquide. On ne dispose pas de chiffres fiables sur la fréquence moyenne de ces blocages. Parmi les causes possibles, les scientifiques avancent les changements de pression ou de température, par exemple lors du transport des lots.

Cause possible: les variations de pression et de température 

L’équipe emmenée par Vladimir Novak, chef du groupe de projet et chercheur chez ANAXAM, a exploré cette hypothèse dans le cadre de différentes séries de mesures. 31 seringues préemplies ont été soumises à des changements de température entre 5 et 40 degrés Celsius, ainsi qu’à des variations de pression entre 550 et 1010 millibars. Des conditions comparables sont typiquement réunies pendant les vols de transport de ces dispositifs médicaux. Finalement, l’équipe a examiné les aiguilles sous un faisceau de rayons X synchrotron et sous un faisceau de neutrons.

Les deux procédés d’imagerie présentent des avantages spécifiques. Les neutrons traversent mieux le métal, mais sont déviés par les atomes d’hydrogène présents dans les liquides et créent ainsi un contraste net. «La radiographie neutronique permet une visualisation 2D du liquide à l’intérieur de l’aiguille, lors de laquelle il est possible de varier la pression et la température ambiantes pendant la mesure des seringues», explique David Mannes du Laboratoire de diffusion neutronique et imagerie.

La tomodensitométrie classique assistée par ordinateur n’est en principe pas en mesure de visualiser de manière aussi détaillée les liquides de faible densité à l’intérieur de l’acier inoxydable, car le faisceau lumineux qui le traverse n’est pas suffisamment atténué. Mais les faisceaux partiellement cohérents, comme ceux disponibles à la SLS au PSI, le permettent. La tomodensitométrie synchrotron offre une imagerie 3D en haute résolution permettant de visualiser les interfaces détaillées entre l’air et le liquide dans une aiguille. «Cette nouvelle application de la technique représente la première tentative dans la communauté scientifique d’étudier le problème de l’obstruction des aiguilles avec la tomodensitométrie synchrotron», explique Margie Olbinado, scientifique en liaison avec l’industrie à la ligne de faisceau Tomcat de la SLS du PSI.

Les séries de mesures ont démontré de manière visible que les variations des conditions ambiantes entraînaient des dépôts sur le métal des canules. Les variations de pression et de température entraînent le liquide dans l’aiguille, où des bulles d’air peuvent également se former. Si le liquide s’assèche, il reste alors des bouchons ou des dépôts à l’intérieur de l’aiguille. Lors du transport et du stockage des seringues préremplies, les fabricants, les distributeurs et les utilisateurs devraient donc veiller à maintenir une chaîne du froid sans rupture et une pression constante. «La combinaison d’imagerie neutronique et de tomodensitométrie synchrotron le prouve clairement», conclut Vladimir Novak. 


Texte: Werner Siefer

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À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur des technologies d'avenir, énergie et climat, innovation santé ainsi que fondements de la nature. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2200 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 420 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l'Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage). (Mise à jour: juin 2023)

Dr Margie Olbinado
Scientifique en liaison avec l’industrie, Tomcat
Institut Paul Scherrer PSI
+41 56 310 58 40
margie.olbinado@psi.ch 
[anglais]

Dr David Mannes
Laboratoire de diffusion neutronique et imagerie 
Institut Paul Scherrer PSI
+41 56 310 46 10 
david.mannes@psi.ch 
[allemand, anglais]

Dr Christian Grünzweig
CEO ANAXAM
Park Innovaare
+41 56 552 40 01
christian.gruenzweig@anaxam.ch 
[allemand, anglais]

Dr Vlad Novak
Project Manager ANAXAM
Park Innovaare
+41 56 552 40 06
vladimir.novak@anaxam.ch 
[German, English]


Publication originale

Unraveling Pre‑filled Syringe Needle Clogging: Exploring a Fresh Outlook Through Innovative Techniques
Guangli Hu, Daniel Bonanno, Yongchao Su, Xi Zhao, Yogita Krishnamachari, William Forrest, Steven Persak, Jeffrey Givand, David Mannes, Margie Olbinado, Matthias Wagner, Christian Grünzweig, Vladimir Novak
Pharmaceutical Research, 07.02.2024
DOI: 10.1007/s11095-024-03673-7