La clé pour recharger plus vite une batterie lithium-ion

Les batteries Li-ion utilisant le phosphate de fer lithié (LFP) comme cathode ont une longue durée de vie et peuvent être rechargées relativement vite. Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer, de l’EPF Zurich et des laboratoires de recherche et de développement Toyota (Toyota Central R&D Labs, Inc.) expliquent dans une nouvelle étude pourquoi cela est possible. Lors de la charge et de la décharge d’une batterie, les ions lithium font le va-et-vient d’une électrode à l’autre. Les chercheurs du PSI ont découvert pourquoi le matériau LFP peut se charger rapidement. La raison réside précisément dans ce déplacement : si la vitesse de charge est élevée, les ions lithium sont régulièrement répartis dans les particules de LFP (le lithium est toujours fourni par l’électrode positive). Cette répartition homogène favorise la mobilité des ions lithium dans la batterie, si bien que cette dernière se recharge au final plus vite. En revanche, si l’on applique une vitesse de charge lente, les ions lithium se divisent au sein de la particule, avec une partie de la particule très chargée en lithium et une autre partie appauvrie en lithium ce qui ralentit la mobilité des ions lithium. Résultat : la charge se fait plus lentement au niveau particulaire. Cet effet a pu être mis en évidence grâce à des mesures réalisées à l’aide d’une nouvelle méthodologie utilisant la source synchrotron SLS (Source de Lumière Suisse) du PSI. Cette nouvelle technique de mesures, développée spécialement pour cette étude, peut être également appliquée à d’autres matériaux d’électrodes et permettent de comprendre la cinétique (vitesse) de charge/décharge.

Petr Novak, le superviseur de cette étude. (Photo: Giulia Marthaler)

Dans le domaine de l’énergie, les batteries ou accumulateurs revêtent aujourd’hui un rôle de plus en plus important. Ils permettent de stocker de l’énergie destinée à faire fonctionner d’innombrables appareils électriques, mais également ils peuvent stocker les excédents de la production d’électricité provenant des éoliennes et des installations photovoltaïques. Pour le développement du marché des voitures électriques, les batteries lithium-ion conviennent particulièrement bien. Dans ce domaine d’application, la batterie Li-ion de référence utilise LFP comme électrode positive (cathode) (LFP est l’abréviation de la formule chimique LiFePO4). Cette batterie (utilisant LFP) peut en effet être rechargée relativement vite et sa longévité est relativement importante en faisant ainsi un atout pour le développement des batteries dédiées au marché du véhicule électrique. Une nouvelle étude, menée par une équipe de l’Institut Paul Scherrer (PSI), explique pourquoi la batterie LFP peut être rechargée aussi rapidement.

La clé pour recharger plus vite un accumulateur lithium-ion : une rampe à la place des paliers.

Les chercheurs Michael Hess et Claire Villevieille, co-auteurs de l'étude. (Photo: Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic)
La cellule LFP (à gauche) à laquelle les mesures ont été effectuées. À côté de lui, à droit, est le porte-échantillon qui a servi à fixer la cellule pour l'expérience. (Photo: Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic)
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Lors de la charge d’une batterie contenant LFP, les ions lithium chargés positivement se déplacent, sous l’effet d’un courant électrique, de l’électrode positive (ici composée de LFP) vers l’électrode négative (en graphite, généralement). Tout au long de ce trajet , les ions lithium avancent au travers de l’électrolyte (liquide qui permet le transport des ions lithium d’une électrode à l’autre). Lorsque la batterie se décharge, les ions lithium parcourent le « trajet » en sens inverse, mais cette fois-ci, la batterie délivre de l’électricité à l’appareil connecté.

Dans une batterie utilisant LFP, le lithium est disponible seulement dans l’électrode positive dont les particules sont sphériques. Quand la vitesse de charge est lente, le lithium est extrait en couche des particules de LFP (le lithium à la surface est extrait en premier puis ainsi de suite jusqu’au cœur de la particule) et navigue jusqu’à l’électrode négative. Ainsi, il se forme au sein des particules un gradient non constant de lithium avec une couche extérieure complètement dénuée de lithium et une couche intérieure encore remplie de lithium. A l’interface de ces deux couches, on observe une diminution drastique de la concentration en lithium. De l’énergie supplémentaire doit alors être fournie pour permettre aux ions lithium piégés à cette interface de se déplacer vers l’extérieur de la particule pendant la charge. En effet, il faut une mobilité constante de ces ions lithium pour assurer une bonne charge/décharge de la batterie et cette interface génère un palier d’énergie qu’il faut franchir pour permettre un fonctionnement optimal de la batterie. Si ce palier ne peut pas être franchi alors la batterie a besoin de plus de temps pour être rechargée.

Or il s’avère à présent que lorsqu’on charge la batterie à une vitesse plus rapide, cela réduit les perturbations pré-citées. L’explication est la suivante : au lieu que la concentration en lithium diminue en palier , cette dernière diminue de manière progressive sans aucun à-coup. En vitesse de charge rapide, les ions lithium impliqués se retrouvent en effet répartis sur l’ensemble du volume de la particule pendant un bref instant, au lieu d’être entassés au niveau de l’interface. Le lithium est ainsi plus mobile lors de la charge et il n’est donc plus nécessaire de trouver davantage d’énergie pour le franchissement de l’interface (barrière). La différence de vitesse de la charge peut être illustrée comme suit : quand la vitesse de la charge est lente, la séparation entre les deux couches de lithium s’apparente à une haute marche d’escalier. Les ions lithium font littéralement la queue pour franchir cette barrière d’énergie car ils ne peuvent la franchir qu’un par un. En revanche, quand la vitesse de la charge est rapide, le lithium se retrouve réparti sur l’ensemble du volume de la particule et dans ce cas de figure, tous les ions lithium peuvent franchir la barrière simultanément.

Une nouvelle approche pour mesurer ce phénomène : jouer avec la vitesse d’obturation

Grâce à des mesures réalisées à la source synchrotron SLS (Source de Lumière Suisse) de l’Institut Paul Scherrer (PSI), les chercheurs ont démontré que lors d’une charge rapide, la concentration en lithium dans les particules de l’électrode diminue de manière progressive générant ainsi une solution solide (équilibre de plusieurs phases avec des teneurs en lithium proches) au sein de LFP. Ils ont utilisé la source de rayons X au synchrotron pour suivre les changements structuraux qui intervenaient dans le matériau d’électrode durant la charge et la décharge. La méthode est basée sur la diffraction des rayons X par les atomes du matériau permettant aux chercheurs de tirer des conclusions sur l’agencement des atomes dans le matériau et sur la distance qui les sépare. Dans LFP, la distance entre les atomes dépend de la teneur en lithium et l’analyse des diffractogrammes de rayons X indique ainsi la teneur en lithium dans les particules ainsi que leur position et leur environnement au sein du matériau.

Une structure régulière en 3D définit les particules de LFP et ainsi chaque atome occupe une place bien définie. Lorsque la charge est lente, cette structure est identique dans les deux couches (lithiée et délithiée). En revanche, la distance entre les atomes est différente dans chaque couche, car cette distance dépend de la teneur en lithium. Ce phénomène est visible sur les diffractogrammes de rayons X et se traduit ainsi : en cas de charge lente, le diffractogramme est composé de deux pics bien distincts (un pour chaque couche avec leurs différentes teneurs en lithium).

Cette séparation des pics est beaucoup moins nette quand la charge est rapide, et de nouveaux pics très élargis et moins intenses apparaissent sur le diffractogramme de rayons X. Ce nouveau pic très élargi, correspond à des états différents des particules (teneur différente en lithium). Ceci indique que le lithium ne se concentre plus dans une seule couche, mais qu’il est régulièrement réparti sur la particule sous forme de gradient (du plus concentré la phase LFP, au moins concentré la phase sans lithium FP). Les états intermédiaires qui permettent la charge rapide ne sont stables que pour de très courtes durées : ils apparaissent et disparaissent très rapidement pendant la charge. Leur signal dans un diffractogramme est par conséquent très faible et indétectable par des mesures de diffraction de rayons X classique. Pour obtenir une meilleure résolution, une source synchrotron est nécessaire mais aussi les auteurs de l’étude ont développé une nouvelle méthodologie avec une acquisition des données sur plusieurs processus de charge/décharge. Par principe, cela s’apparente à photographier la voûte céleste où l’on choisit une vitesse d’obturation longue afin de capter suffisamment la lumière stellaire. Ici, c’est le signal diffracté par les états intermédiaires sur plusieurs cycles de charge-décharge qui a été collecté, car les états intermédiaires sont très brefs et donc le signal obtenu sur un seul cycle de charge aurait été trop faible.

Petr Novák, directeur de la section stockage électrochimique au PSI et superviseur de cette étude, résume comme suit l’importance de ces travaux : Avec notre technique de mesure novatrice, nous avons confirmé certaines théories qui tentent d’expliquer pourquoi les batteries avec LFP peuvent être rechargées rapidement, et nous en avons réfuté d’autres. Quant aux perspectives d’avenir, le chercheur les voit ainsi : Nos résultats nous permettent de mieux comprendre la batterie utilisant LFP et ainsi de contribuer à son amélioration, mais pas uniquement. Grâce à cette nouvelle méthode de mesure que nous avons développée, nous serons en mesure d’étudier d’autres matériaux qui peuvent être utilisés dans des batteries à charge rapide. D’autres types de matériaux en profiteront donc aussi.

Texte : Institut Paul Scherrer/Leonid Leiva


À propos du PSI

L’Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l’institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l’énergie et l’environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 1900 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d’environ CHF 380 millions.

(Mise à jour : Avril 2015)

Informations supplémentaires
Séction Stockage éléctrochimique
Contact
Prof. Dr Petr Novak
Directeur de la section stockage électrochimique
Institut Paul Scherrer
Téléphone : +41 56 310 24 57
E-mail : petr.novak@psi.ch [Allemand, Anglais]

Dr Claire Villevieille
Chef de groupe Battery materials
Institut Paul Scherrer
Téléphone : +41 56 310 24 10
E-mail : claire.villevieille@psi.ch [Français, Anglais]

Dr Michael Hess
EPF Zurich
Integrated Systems Laboratory
Téléphone : +41 44 633 8986
E-mail : hess@iis.ee.ethz.ch [Allemand, Anglais]
Publication originale
Combined operando X-ray diffraction-electrochemical impedance spectroscopy detecting solid-solution reactions of LiFePO4) in batteries
Michael Hess, Tsuyoshi Sasaki, Claire Villevieille, Petr Novák,
Nature Communications 8 septembre 2015
DOI: 10.1038/NCOMMS9169