L’origine de nos dents du point de vue de l’évolution

Jusqu’à présent, la question de savoir si les premiers vertébrés possédant une mâchoire avaient des dents ou non était sujette à controverse. Mais une équipe de chercheurs internationaux a récemment démontré que le poisson Compagopiscis, un des premiers poissons avec une mâchoire ayant vécu sur Terre, en possédait. Cela permet d’en déduire que dans l’évolution, les dents sont apparues conjointement avec la mâchoire, ou du moins peu après. Le projet s’est fait sous la direction des chercheurs de l’Université de Bristol (Angleterre), et les recherches décisives ayant permis d’analyser les fossiles ont été réalisées sur la Source de Lumière Suisse de l’Institut Paul Scherrer à Villigen (Suisse). Les chercheurs présentent leurs résultats dans la revue Nature.

Reconstruction du placoderme Dunkleosteus (Esben Horn, 10tons; encadrement scientifique: Martin Rücklin, John Long et Philippe Janvier).
Veuillez noter: toutes les photos et les graphiques ne peuvent être utilisés que pour illustrer ce communiqué de presse. L’archivage n'est pas permis. Veuillez citer l’auteur.
La coupe virtuelle de la mâchoire du placoderme Compagopiscis présente une rangée de dents, avec des cavités pulpeuses et des lignes de croissance remplies de dentine, ce qui permet la reconstruction de l’évolution de la mâchoire (Martin Rücklin, Université de Bristol)
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Modèle virtuel de l’évolution des dents et de la mâchoire du placoderme Compagopiscis. En haut, de gauche à droite, sont présentés les stades d’évolution successifs des dents et des tissus conjonctifs (Martin Rücklin, Université de Bristol).
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Pour un joli sourire, il faut une mâchoire et des dents. Mais l’origine de ces parties de notre anatomie n’a été découverte que très récemment, grâce à un accélérateur de particules et à un poisson disparu depuis des millénaires.

Tous les vertébrés à mâchoire vivant aujourd’hui, c'est-à-dire les animaux ayant une colonne vertébrale, ont aussi des dents. On a cru pendant longtemps que les premiers vertébrés avaient certes déjà une mâchoire, mais pas encore de dents. On pensait qu’ils attrapaient leurs proies au moyen de puissantes mâchoires semblables à des ciseaux.

Les dernières recherches effectuées, supervisées par l’Université de Bristol, et publiées aujourd’hui dans la revue Nature, démontrent que les premiers vertébrés à mâchoire avaient déjà des dents. Ce qui laisse penser que dans l’évolution, les dents sont apparues conjointement avec la mâchoire, ou du moins peu après.

Les paléontologues de l’Université de Bristol, du Musée d’Histoire Naturelle de Londres (Natural History Museum) et de l’Université Curtin (Perth, Australie) ont, en collaboration avec les physiciens de l’Institut Paul Scherrer PSI, analysé les mâchoires du poisson préhistorique Compagopiscis.

L’équipe a analysé des fossiles de Compagopiscis et plus précisément la structure et l’évolution des mâchoires et des dents au moyen de la lumière à rayons X à haut pouvoir énergétique produite par la Source de Lumière Suisse du PSI.

Martin Rücklin, de l’Université de Bristol, l’auteur principal de l’articule publié dans Nature, raconte: « Nous avons réussi à rendre visibles toutes les structures intérieures des parties osseuses des mâchoires: tissus, cellules et lignes de croissance, ce qui nous a permis d’étudier le développement des mâchoires et des dents. Nous avons ensuite réalisé des comparaisons avec le développement embryonnaire actuel, et ainsi pu démontrer que les poissons placodermes, auxquels appartient le poisson étudié, possédaient des dents ».

Le co-auteur Philip Donoghue, de la Faculté des Sciences de la Terre de l’Université de Bristol, déclare: « Cela prouve de manière évidente que ces premiers vertébrés à mâchoire possédaient des dents. Ces résultats mettent fin au débat sur l’origine des dents ».

Zerina Johanson, du Natural History Museum, et co-auteur de l’article, ajoute: « Ces fossiles australiens, magnifiquement préservés, recèlent de nombreux secrets sur notre origine, mais pour les étudier, il a fallu attendre de connaître un processus d’analyse non destructif comme nous avons utilisé ici. Sans la collaboration entre les paléontologues et les physiciens, l’histoire de notre évolution serait encore cachée dans la pierre ».

Marco Stampanoni, directeur du groupe de tomographie synchrotron de l’Institut Paul Scherrer et professeur à l’Institut de Technique Biomédicale de École Polytechnique Fédérale de Zurich (ETH), déclare: « Nous avons fait de la microscopie 3D des objets étudiés sans les détruire. Pour cela, nous avons utilisé la lumière synchrotron produite par la Source de Lumière Synchrotron Suisse, une source de lumière à rayons X très puissante. Ce procédé nous permet de générer un modèle numérique parfait du fossile, ainsi que des aperçus détaillés de son intérieur sans détruire le fossile. Normalement, notre méthode nous permet d’obtenir des images haute résolution d’échantillons très petits. Pour cette expérience, nous avons modifié le déroulement de la prise de données et les algorithmes de reconstruction afin d’agrandir le champ de vision tout en maintenant une bonne résolution ».

Les travaux ont été financés par le septième programme cadre de recherches européen (EU Framework Programme 7), le Conseil britannique de Recherche environnementale (Natural Environment Research Council) et l’Institut Paul Scherrer.

Texte basé sur une notification du service de presse de l’Université de Bristol


À propos du PSI

L’Institut Paul Scherrer développe, construit et exploite de grandes installations de recherche complexes et les met à disposition de la communauté nationale et internationale. Les principales recherches de l’Institut sont centrées dans le domaine matière et matériaux, energie et environnement, santé. Avec 1500 collaborateurs et un budget annuel d’environ 300 millions CHF, le PSI est le plus grand centre de recherche de Suisse.

Contact
Dr Martin Rücklin, School of Earth Sciences, University of Bristol, Bristol, Grande-Bretagne
Tél: 0044 117 3315219; E-mail: M.Ruecklin@bristol.ac.uk [allemand, anglais]

Prof. Philip Donoghue, School of Earth Sciences, Bristol, Grande-Bretagne
Tél: 0044 117 954 5440; E-mail: Phil.Donoghue@bristol.ac.uk; [anglais]

Prof. Marco Stampanoni,
Labor für Makromoleküle und Bioimaging am Paul Scherrer Institut und Institut für Biomedizinische Technik der Universität und ETH Zürich, 5232 Villigen PSI, Suisse
Tél: 0041 (0)56 310 4724; E-mail: marco.stampanoni@psi.ch [allemand, anglais, italien, français]

Dr. Federica Marone, Labor für Makromoleküle und Bioimaging,
Paul Scherrer Institut, 5232 Villigen PSI, Suisse
Tél: 0041 (0)56 310 5318; E-mail: federica.marone@psi.ch [allemand, anglais, italien, français]
Publication originale
Development of teeth and jaws in the earliest jawed vertebrates
Martin Rücklin, Philip C. J. Donoghue, Zerina Johanson, Kate Trinajstic, Federica Marone, Marco Stampanoni
Nature, Advance Online Publication 17 October 2012;
DOI: 10.1038/nature11555