Moteurs diesel: pour des émissions propres

Lutter plus efficacement contre les oxydes d'azote émis par les moteurs diesel grâce à un ajout d'ammoniac précisément adapté

Lors de la combustion du carburant, les moteurs diesel produisent des oxydes d'azote (NOx) nocifs. Afin de réduire ces émissions, l'industrie automobile a développé un procédé qui consiste à ajouter aux gaz d'échappement de l'ammoniac gazeux. Grâce à un catalyseur, l'ammoniac réagit avec les oxydes d'azote qui se transforment alors en deux substances inoffensives: de l'azote et de l'eau. Toutefois, à basse température, cette méthode ne fonctionne pas de manière optimale. Des scientifiques de l'Institut Paul Scherrer PSI ont réussi à identifier au niveau moléculaire ce qui serait susceptible de résoudre le problème dans le moteur: il faut varier la quantité précise d'ammoniac ajoutée en fonction de la température. Ces connaissances donnent aux fabricants les moyens d'améliorer l'efficacité de leurs catalyseurs pour les véhicules diesel. Les résultats de cette découverte viennent d'être publiés dans la revue spécialisée Nature Catalysis.

A la ligne de faisceau de rayons X: Davide Ferri (à gauche) et Maarten Nachtegaal à la station expérimentale de la SLS où ils ont analysé le catalyseur pour moteur diesel. (Photo: Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)
Le bon mélange gazeux permet de combattre les oxydes d'azote: grâce à un appareil sur mesure (au premier plan), les chercheurs ont réussi à imiter les gaz d'échappement de moteur diesel. Puis ils ont ajouté différentes quantités d'un autre gaz – de l'ammoniac –, avant de déterminer chaque fois la quantité d'ammoniac qui permettait, suivant la température, d'obtenir une dégradation optimale des oxydes d'azote. (Photo: Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)
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Si l'on veut lutter efficacement contre les oxydes d'azote nocifs contenus dans les émissions des moteurs diesel, il faut adapter systématiquement le procédé d'épuration des gaz d'échappement à la température de ces derniers. C'est ce qu'ont découvert des chercheurs du PSI qui se sont penchés sur ce qu'on appelle la réduction catalytique sélective (RCS).

La RCS abaisse jusqu'à 90% le taux d'émissions d'oxydes d'azote issues des moteurs diesel. Ce résultat est obtenu à l'aide d'un adjuvant connu sous le nom de marque AdBlue que l'on injecte dans les gaz d'échappement, où il se dégrade pour devenir de l'ammoniac. Grâce au catalyseur, cet ammoniac transforme les oxydes d'azote nocifs en azote et en eau, autrement dit en substances inoffensives.

Mais la RCS ne livre de résultats satisfaisants qu'à partir d'une température nettement supérieure à 200°C. Ainsi, lors d'un démarrage à froid, il faut donc quelques minutes jusqu'à ce que les oxydes d'azote soient dégradés de manière optimale. C'est aussi pour cette raison qu'en hiver, la performance de la RCS est réduite.

Comprendre les processus de la réaction dans le temps

Mais pourquoi les différents processus de la réaction se déroulent-ils de manière aussi différente suivant les conditions? Pour tirer cette question au clair, des chercheurs au PSI ont étudié les processus chimiques dans un composé cuivre-zéolithe. Ils ont analysé à la lumière rayons X de la Source de Lumière Suisse SLS ce matériau catalytique, utilisé par exemple dans les moteurs de voitures et de véhicules utilitaires légers. Pour dire les choses simplement, nous avons radiographié le matériau du catalyseur avec des rayons X très concentrés, explique Maarten Nachtegaal, chercheur au PSI. Cela nous permet d'identifier ce qui se passe durant la réaction au niveau des atomes de cuivre et des molécules qui leur sont liées.

Dans ce cadre, les chercheurs du PSI ont utilisé une méthode de spectroscopie résolue dans le temps, qui présente un avantage décisif par rapport à la méthode conventionnelle: elle montre le déroulement des réactions en continu au lieu de fournir uniquement des résultats instantanés. Notre résolution temporelle, ici, à la SLS, est pratiquement unique au monde, souligne encore Maarten Nachtegaal. Or comprendre précisément les changements qui interviennent dans le temps au niveau des processus est essentiel: en effet, la température des gaz d'échappement, par exemple, ou encore les quantités d'ammoniac ajoutées au catalyseur et les quantités d'oxydes d'azote changent constamment pendant que le véhicule roule.

La quantité d'ammoniac est déterminante pour réduire les émissions

Le résultat le plus intéressant qui ressort de cette expérience de spectroscopie est le fait qu'à basses températures, c'est précisément l'ammoniac qui diminue la performance du cuivre dans le catalyseur.

L'ammoniac est nécessaire pour dégrader les oxydes d'azote, résume Davide Ferri, chercheur au PSI. Mais lorsqu'il y a trop d'ammoniac, le catalyseur ne peut fonctionner que de façon limitée. Suivant la température et l'état de marche, les quantités d'ammoniac nécessaires pour dégrader les oxydes d'azote de manière optimale ne sont donc pas les mêmes.

Sur la base des résultats obtenus aux termes de leurs investigations par spectroscopie, les chercheurs ont étudié dans un deuxième temps la fonction d'un catalyseur cuivre-zéolithe en conditions d'exploitation réelle: En laboratoire, nous avons ajouté différentes quantités d'ammoniac par des températures variables et mesuré quel était le dosage d'ammoniac qui fournissait chaque fois le meilleur résultat, détaille Davide Ferri. Grâce à cela, nous sommes à présent en mesure de dire précisément à quel moment il faut ajouter tant d'ammoniac pour maintenir à tout moment le taux d'oxydes d'azote dans les gaz d'échappement aussi bas que possible.

Une meilleure qualité de l'air grâce à la régulation précise du catalyseur

Notre travail a permis de mieux comprendre comment améliorer la performance des catalyseurs pour les véhicules diesel, résume Maarten Nachtegaal. Avec le résultat de leur projet de recherche, les chercheurs du PSI montrent une voie à l'industrie automobile pour améliorer nettement la qualité de l'air à moyen terme, notamment dans les villes.

Texte: Institut Paul Scherrer


À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2100 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 380 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l'Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage).

(Mise à jour: mai 2017)

Informations supplémentaires
Deux en un: filtre à particules diesel et catalyseur de la réduction des oxydes d'azote
Recherche actuelle au PSI sur les thèmes de l'énergie et de l'environnement
Contact
Dr Davide Ferri
Groupe Catalyse pour l'énergie, Laboratoire de bioénergie et catalyse,
Institut Paul Scherrer, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 27 81, e-mail: davide.ferri@psi.ch [allemand, anglais, italien]

Dr Maarten Nachtegaal
Chef du groupe Spectroscopie in situ par rayons X, Laboratoire de bioénergie et catalyse,
Institut Paul Scherrer, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 30 56, e-mail: maarten.nachtegaal@psi.ch [allemand, anglais, néerlandais]
Publication originale
Time-resolved copper speciation during selective catalytic reduction of NO on Cu-SSZ-13
A. Marberger, A. W. Petrov, P. Steiger, M. Elsener, O. Kröcher, M. Nachtegaal, D. Ferri
Nature Catalysis, 8 March 2018 (online),
DOI: 10.1038/s41929-018-0032-6