Un film en 3D montre ce qui se passe à l’intérieur d’insectes en plein vol

Les rayons X, produits par un accélérateur de particules, ont permis de réaliser des prises de vue, à haute vitesse et en 3D, des muscles que les mouches utilisent pour voler (muscles alaires). Une équipe de chercheurs de l’Université d’Oxford, de l’Imperial College de Londres et de l’Institut Paul Scherrer (PSI) ont développé à la Source de lumière suisse (SLS) du PSI un procédé de prise de vue tomographique révolutionnaire. Grâce à lui, ils ont pu filmer ce qui se passe à l’intérieur d’insectes en plein vol. Leur article est paru le 25 mars dans la revue open access PLOS Biology, avec le film en 3D des muscles moteurs de vol de la mouche bleue. Ces films permettent de découvrir l’intérieur de l’un des mécanismes naturels les plus complexes. Ils montrent aussi que les déformations structurelles sont la clé pour comprendre la manière dont la mouche contrôle son battement d’aile.

Visualisation externe du thorax de la mouche
Segmentation du thorax montrant les cinq muscles directionnels analysés (vert au bleu) et les muscles de puissance (jaune à rouge)
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Le temps qu’il faut à un humain pour cligner de l’œil suffit à la mouche bleue pour effectuer 50 battements d’ailes. Chacun de ces battements est contrôlé par de nombreux muscles minuscules, dont certains ne sont pas plus épais qu’un cheveu. L’aile elle-même est une simple membrane dépourvue de muscle, et tous les muscles alaires sont dissimulés dans le thorax de l’insecte.  Le tissu du thorax de la mouche ne laisse pas passer la lumière visible, mais on peut l’inspecter grâce aux rayons X, explique Rajmund Mokso, chercheur responsable de l’expérience au PSI. En faisant tourner les mouches dans un dispositif spécialement conçu pour les prises de vue à haute vitesse à la Source de Lumière Suisse, nous avons pu réaliser des radiographies bidimensionnelles à haute vitesse, sur lesquelles ont distinguait la musculature alaire à chaque phase du battement d’aile, et ce sous différents angles. Nous avons combiné ces clichés pour en faire un film en 3D des muscles alaires. 

Long travail de développement

 Cette expérience constitue un jalon pour la microscopie tomographique à rayons X, souligne Marco Stampanoni, directeur du groupe de recherche  Tomographie à rayons X  au PSI, et professeur à l’ETH Zurich. Il permet de distinguer les détails de la musculature de la mouche de l’ordre de quelques millièmes de millimètres. Nous avons ainsi la possibilité de suivre le mouvement avec une résolution temporelle inégalée à ce jour. C’est le résultat d’un long travail de développement mené par des chercheurs au PSI. Grâce à lui, la SLS se retrouve à la pointe du développement dans le domaine de l’imagerie tomographique. 

Les petits muscles qui contrôlent les grands

Les mouches, fixées sur une table de rotation, ont réagi à la rotation du dispositif en volant dans la direction opposée. Elles ont ainsi permis aux chercheurs de filmer le mouvement asymétrique de leurs muscles pendant leur vol.  Les muscles directionnels représentent moins de 3% de la masse totale de la musculature alaire d’une mouche, explique Graham Taylor, qui a dirigé l’expérience à l’Université d’Oxford. L’une des questions essentielles était donc de savoir comment les muscles directionnels pouvaient influencer la performance des gros muscles, dont la masse est beaucoup plus importante. Les gros muscles travaillent de manière symétrique, mais la mouche peut modifier la puissance de chaque aile en changeant l’amplitude et l’angle d’attaque des muscles directionnels, spécialisés dans l’absorption d’énergie mécanique, un peu selon le principe du frein moteur en voiture, qui se déploie quand on rétrograde. 

L’articulation probablement la plus complexe

Les chercheurs espèrent pouvoir utiliser leurs résultats pour esquisser de nouveaux appareils micromécaniques.  Les mouches ont ici résolu un problème, auquel l’ingénieur fait face à la même échelle, poursuit Graham Tylor. Comment générer des mouvements relativement grands, complexes et tridimensionnels, avec des composants mécaniques, qui sont capables de produire uniquement de petits mouvements simples en une dimension ?  Le design intelligent des muscles moteurs du vol de la mouche bleue résout ce problème de manière admirable, comme le montrent les résultats de cette étude. Simon Walker de l’Université d’Oxford, premier auteur de l’étude avec Daniel Schwyn Ko, ajoute :  L’articulation de l’aile de la mouche est probablement l’articulation naturelle la plus complexe. Elle est le résultat de plus de 300 millions d’années de raffinement dû à l’évolution. Le résultat est un mécanisme extrêmement différent des constructions ordinaires créées par l’homme. Il mise sur l’incurvation et la souplesse, au lieu de fonctionner comme un mouvement d’horlogerie. 

Films

Dreidimensionale Darstellung des Brustkorbs der Fliege
Dreidimensionale Darstellung von fünf Steuermuskeln

Texte basé sur un communiqué de presse de l’Université d’Oxford


À propos du PSI

L’Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l’institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l’énergie et l’environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des apprentis, des doctorants ou des postdocs. Au total, le PSI emploie 1900 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d’environ CHF 350 millions.

Contacts/Interlocuteurs
Prof Graham Taylor : professeur associé de biologie mathématique, au département de zoologie de l’Université d’Oxford. Tél. +44 1865 271219 ; graham.taylor@zoo.ox.ac.uk


Simon Walker : chargé de recherche de la Royal Society University, au département de zoologie de l’Université d’Oxford. Tél. +44 1865 271223 ; simon.walker@zoo.ox.ac.uk


Pour en savoir plus sur les procédés d’imagerie, veuillez vous adresser à Rajmund Mokso, scientifique à la ligne de lumière à l’Institut Paul Scherrer (tél. +41 56 310 5628; rajmund.mokso@psi.ch), ou au Prof Marco Stampanoni, chef du groupe de recherche Tomographie à rayons X au PSI et professeur à l’ETH Zurich (tél. +41 56 310 47 24 ou +41 44 632 8650 ; marco.stampanoni@psi.ch ou stampanoni@biomed.ee.ethz.ch)


Pour en savoir plus sur la commande motrice sensorielle chez les insectes, veuillez vous adresser au responsable de la neurobiologie, Holger Krapp, Reader (professeur associé) en neurosciences des systèmes, au département de bioengineering de l’Imperial College à Londres, tél. +44 20 7594 2014 ; h.g.krapp@imperial.ac.uk
Publication originale
Walker, SM, Schwyn, DA, Mokso, R, Wicklein, M, Müller, T, Doube, M, Stampanoni, M, Krapp, HG, Taylor, GK.
In vivo time-resolved microtomography reveals the mechanics of the blowfly flight motor.
PLoS Biol 12(3): e1001823 (2014). doi:10.1371/journal.pbio.1001823 (lien: http://dx.doi.org/10.1371/journal.pbio.1001823)
Détails du financement
Les travaux de recherche, qui ont conduit à ces résultats, ont bénéficié du financement du 7e Programme-cadre de l’Union européenne (PC7 FP7/2007-2013) en vertu de la convention de subvention No 226716 et de la convention de subvention EFR No 204513, accordées à Graham Taylor. L’instrumentation a bénéficié de fonds de la Commission de recherche (FoKo) du PSI, accordés à Rajmund Mosko et à Marco Stampanoni (requêtes No 20100810 et No 20110908).