Un nouveau laser pour puces informatiques

Un laser semi-conducteur basé sur un alliage germanium/étain compatible avec la fabrication sur une puce de silicium

A l'avenir, la communication au sein des puces informatiques et entre les différents composants des ordinateurs devrait pouvoir être accélérée grâce à de minuscules lasers intégrables dans les puces de silicium. Les experts ont longtemps cherché un matériau adéquat pour ces lasers, qui soit compatible avec le processus de fabrication des puces de silicium. Des chercheurs du Forschungszentrum Jülich et de l'Institut Paul Scherrer avec des Collègues du ETH Zurich ont à présent réalisé un progrès important. Avec leurs partenaires d'autres pays, ils présentent dans la revue spécialisée Nature Photonics un laser au germanium/étain, susceptible d'être crû directement sur le silicium. Ce laser pourra aider l'introduction d'un nouveau paradigme pour le transport de données sur ordinateur, processeurs et capteurs: grâce à l'utilisation systématique de la lumière, l'information pourra être transportée plus vite tout en utilisant une fraction de la consommation énergétique requise par la technique habituelle basée sur des fils de cuivre.

Richard Geiger, doctorant, en train d'analyser le nouveau matériau dans un laboratoire laser de l'Institut Paul Scherrer. (PSI/Markus Fischer)
Schéma : laser au germanium/étain, appliqué directement sur la plaque de silicium (en bleu), avec une couche intermédiaire de germanium (orange). (Copyright : Forschungszentrum Jülich)
Des scientifiques de l'Institut Peter Grünberg (PGI-9) dans une salle blanche, avec un appareil de CVD, au moyen duquel les composants du nouveau laser ont été développés et fabriqués. (De gauche à droite : Les Professeurs Siegfried Mantl et Detlev Grützmacher, Stephan Wirths, Nils von den Driesch et Dan Buca.) Copyright : Forschungszentrum Jülich.
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La transmission de données, entre les différents cœurs d'un processeur sur une unique puce, mais aussi entre differents éléments logiques et éléments de mémoire, est considérée comme un goulot d'étranglement dans la technologie informatique, qui connaît actuellement un développement foudroyant. La communication par la lumière serait une solution de choix pour accélérer le flux des données sur la puce informatique et entre les différents composants de la carte, elle offrirait aussi une nette amélioration en termes d'efficacité énergétique. La transmission du signal par le biais de fils de cuivre freine le développement d'ordinateurs plus gros et plus rapides, en raison de la charge thermique et de la bande passante limitée de ces fils de cuivre, explique Detlev Grützmacher, directeur de l'Institut Peter Grünberg (PGI) de Jülich, en Allemagne. A lui seul, le signal de synchronisation des circuits dépense jusqu'à 30% d'énergie d'une puce – une dépense que la transmission optique permettrait d'éviter.

Depuis plusieurs décennies, les réseaux de télécommunication longue distance et les centres de calculs misent déjà partiellement sur les interconnexions optiques. Celles-ci permettent d'obtenir une bande passante très large, également sur de grandes distances également. Avec les fibres optiques, les signaux se transmettant pratiquement sans perte à différentes longueurs d'onde : un avantage en termes de vitesse, dont la microélectronique et la nanoélectronique profitent aussi de plus en plus. Dans de nombreux domaines, l'intégration de composants optiques est déjà bien avancée, confirme le directeur du domaine nanoélectronique et semi-conducteurs (PGI-9).

Matériau laser applicable sur une puce de silicium

Les scientifiques de l'Institut Peter Grünberg de Jülich ont à présent réussi, pour la première fois, à produire un laser adapté au silicium, grâce à un composé de germanium et d'étain. Le taux d'étain élevé est décisif pour les propriétés optiques, précise Stephan Wirths, doctorant. Pour la première fois, nous avons réussi à intégrer plus de 10% d'étain dans le réseau cristallin, sans que celui-ci perde sa qualité optique.

Richard Geiger, doctorant au Laboratoire de micro et de nanotechnologie à l'Institut Paul Scherrer (PSI), a fabriqué les structures du laser, et les a mesurées au PSI, avec Stephan Wirths. Nous avons pu démontrer ainsi que le composé germanium/étain était capable d'amplifier les signaux optiques, mais aussi de produire de la lumière laser, explique Hans Sigg, directeur de groupe de recherche au Laboratoire de mirco et de nanotechnologie au PSI. Cela fait des années que le groupe de Hans Sigg développe des matériaux susceptibles d'être utilisés comme lasers dans les micropuces. Il a également mis au point les méthodes nécessaires pour les analyser.

Lors de l'expérience, le matériau a été encore excité par un autre laser. Un objectif ultérieur majeur sera de produire de la lumière laser avec de l'électricité, et ce si possible sans refroidissement. Jusqu'ici, la fonction du laser est toutefois limitée à des températures basses, allant jusqu'à moins 183°C, fait remarquer Dan Buca du Forschungszentrum Jülich. C'est avant tout dû au fait que nous avons travaillé avec un système test, dont on n'a pas poursuivi l'optimisation.

Composant laser pour de nouvelles applications

Le rayon laser n'est pas visible à l'œil nu, sa longueur d'onde se situe dans le domaine de l'infrarouge. Avantage : cela permet de détecter beaucoup de composés de carbone. Outre les puces informatiques, de toutes nouvelles applications, peu suivies jusqu'ici pour des raisons de coûts, pourraient profiter elles aussi du nouveau matériau laser : des capteurs de gaz et des puces implantables pour des applications médicales, par exemple, qui recueilleraient par analyse spectroscopique des informations sur le taux d'insuline ou d'autres paramètres. Une technologie de capteurs avantageuse et portative, intégrée par exemple dans un smartphone, pourrait à l'avenir fournir des données en temps réel sur la répartition des substances dans l'atmosphère et le sol, et ainsi contribuer à mieux comprendre le temps qu'il fait et l'évolution du climat.

Contexte

Tout dépend de la colonne du tableau périodique

Les lasers semi-conducteurs typiquement destinés aux systèmes de télécommunication, par exemple en arséniure de gallium, sont coûteux et composés d'éléments chimiques du troisième et du cinquième colonne du tableau périodique. Cela a un impact fondamental sur leurs propriétés cristallines. Des composants de laser fabriqués à partir de ces éléments ne peuvent pas être appliqués directement sur du silicium. Ils doivent être produits à l'externe, moyennant un processus coûteux, avant d'être collés par exemple sur la plaquette. Les coefficients de dilatation thermique sont très différents du silicium, ce qui limite beaucoup la durée de vie d'éléments de ce genre.

Les semi-conducteurs de la colonne IV du tableau périodique – comme le silicium et le germanium – peuvent en revanche être intégrés sans difficultés fondamentales dans le processus de fabrication. Cependant, ces deux éléments ne sont pas des sources lumineuses particulièrement efficaces. Ils font partie des semi-conducteurs dits à bande interdite indirecte. Contrairement aux semi-conducteurs à bande interdite directe, ils dégagent avant tout de la chaleur, lorsqu'ils sont excités, et peu de lumière. Dans le monde entier, des groupes de recherche s'efforcent d'atteindre un objectif : manipuler les propriétés du germanium de manière à intensifier les signaux optiques, afin de pouvoir utiliser ce matériau comme source laser.

Texte: Texte sur la base d'un communiqué de presse du Forschungszentrum Jülich.


À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 1900 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 350 millions.

Financement

Certains volets de ces travaux ont été financés par le Fonds national suisse (FNS), mais aussi grâce à des fonds du septième programme-cadre de recherche de l'UE et du projet UltraLowPow du ministère fédéral allemand de l'éducation et de la recherche.

Informations supplémentaires
Laboratoire de micro et de nanotechnologie, domaine de la nanospectroscopie, Institut Paul Scherrer :
http://www.psi.ch/lmn/nanospectroscopy

Recherche à l'Institut Peter Grünberg, domaine de la nanoélectronique et des semi-conducteurs (PGI-9) :
http://www.fz-juelich.de/pgi/pgi-9/DE/Home/home_node.html

Communiqués de presse du Forschungszentrums Jülich
http://www.fz-juelich.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/UK/DE/2015/15-01-19gesn-laser.html
Contact
Prof. Detlev Grützmacher, directeur de l'Institut Peter Grünberg, domaine de la nanoélectronique et des semi-conducteurs, Forschungszentrum Jülich (PGI-9), 52425 Jülich, Allemagne
Téléphone : +49 2461 61-2340; e-mail: d.gruetzmacher@fz-juelich.de

Dr. Hans Sigg, Laboratoire de micro et de nanotechnologie, Paul Scherrer Institut, 5232 Villigen PSI, Suisse;
Téléphone : +41 56 310 40 48, e-mail: hans.sigg@psi.ch
Publication originale
Lasing in direct bandgap GeSn alloy grown on Si (001)
S. Wirths, R. Geiger, N. von den Driesch, G. Mussler, T. Stoica, S. Mantl, Z. Ikonic, M. Luysberg, S. Chiussi, J.M. Hartmann, H. Sigg, J.Faist, D. Buca and D. Grützmacher
Nature Photonics (published online 19 January 2015),
DOI: 10.1038/nphoton.2014.321