L’urée en solution aqueuse permet de nettoyer les gaz d’échappement, issus de la combustion du diesel, de leurs oxydes d’azote nocifs. L’urée se dégrade en ammoniaque et, à son tour, ce dernier réduit les oxydes d’azote en azote inoffensif. L’urée en solution peut toutefois former des résidus indésirables, mais aussi geler en cas de grand froid. Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer (PSI) ont maintenant développé un catalyseur, qui permet d’utiliser des agents réducteurs plus efficaces que l’urée pour la réduction de l’oxyde d’azote.
On connaît depuis longtemps un moyen de lutter contre l’émission indésirable d’oxydes d’azote par les véhicules ou les générateurs au diesel : l’urée. Injectée sous forme de solution aqueuse, l’urée peut rapidement se dégrader en ammoniaque. L’ammoniaque, à son tour, réduit en azote inoffensif les oxydes d’azote, nocifs pour l’environnement. Malheureusement, certains sous-produits issus de ces réactions chimiques peuvent se déposer dans le pot d’échappement et entraver son fonctionnement. Par ailleurs, les solutions d’urée gèlent déjà par -11 °C, ce qui complique leur utilisation dans les climats plus froids. Depuis un certain temps, les chercheurs sont donc, en quête d’alternatives aux solutions d’urée, utilisées depuis 2004 dans certains véhicules au diesel disponibles sur le marché. Parmi les candidats les plus prometteurs figurent des sels d’acide formique, appelés formiates, qui se transforment aussi rapidement en ammoniaque, tout en présentant un point de congélation plus bas et une plus grande stabilité en cas d’échauffement. Mais ces sels forment aussi des sous-produits inopportuns : notamment de l’acide formique, l’un des acides organiques les plus corrosifs. La transformation de l’acide formique peut donner, à son tour, du monoxyde de carbone, du formamide indésirable et de l’acide cyanhydrique, hautement toxique.
La chaîne des sous-produits non désirés peut cependant être rompue, grâce à l’utilisation d’un catalyseur adapté, qui favorise les « bonnes » réactions et jugule les « mauvaises ». La question, maintenant, est de savoir comment réaliser une production d’ammoniaque à base de formiates, mais sans sous-produits. En d’autres termes : quel est le catalyseur capable de produire de l’ammoniaque, tout en empêchant la formation simultanée de sous-produits indésirables?
Une équipe de l’Institut Paul Scherrer (PSI) a récemment trouvé la réponse, conjointement avec l’entreprise chimique allemande AlzChem AG. AlzChem a déposé un brevet sur le formiate de guanidine (GuFo), en tant qu’excellent substitutif de l’urée pour empêcher les émissions d’oxyde d’azote. Ce sel se distingue par une série d’avantages. Il est très facilement soluble dans l’eau et peut conserver davantage d’ammoniaque que l’urée par litre de solution. Par ailleurs, GuFo présente un point de congélation nettement plus bas que les solutions d’urée et une meilleure stabilité thermique à hautes températures, ce qui permet un stockage presque illimité lors de fortes températures estivales.
Conjurer la malédiction des sous-produits
Mais un problème demeurait, celui des sous-produits. Comme l’urée, GuFo peut en effet former aussi de l’acide formique et tous ses dérivés nocifs : monoxyde de carbone, formanide et acide cyanhydrique. Des chercheurs du PSI placés sous la direction d’Oliver Kröcher, directeur du Laboratoire de bioénergie et de catalyse, ont récemment fourni une solution à ce problème. A partir de nombreuses analyses détaillées, ils ont déduit qu’un catalyseur à base de nanoparticules d’or, montées sur un substrat de dioxyde de titane (TiO2), pourrait présenter toutes les propriétés nécessaires à cette application. Dans le cadre d’une série d’essais en laboratoire, lors desquels les scientifiques ont vaporisé une solution GuFo sur le catalyseur, par des températures de 250 °C et plus, ces pronostics se sont aussi vérifiés. GuFo a été complètement dégradé en ammoniaque sur le substrat de TiO2. Le dégagement théoriquement possible d’acide formique a été complètement jugulé, car grâce au catalyseur à base d’or, ce dernier est très rapidement dégradé en CO2. De fait, les sous-produits (méthanamide et acide cyanhydrique) n’ont pas pu se constituer.
Une stabilité à long terme prometteuse
Etonnamment, cela fait seulement quelques années que l’on a découvert que l’or était un matériau catalyseur hautement actif. Pourtant, il n’existe pratiquement encore aucune application pratique de catalyseurs à base d’or, car ces derniers ne présentent qu’une stabilité limitée. Or un catalyseur n’apporte pas grand-chose, s’il dirige une réaction chimique dans la bonne direction, de façon sélective et avec un bon rendement, mais se désactive après quelques cycles de réaction.
Oliver Kröcher et ses collègues ont donc étudié la résistance de leur nouveau catalyseur or-TiO2 dans les rudes conditions des gaz d’échappement d’un moteur diesel. Par ailleurs, les chercheurs l’ont soumis à ce qu’on appelle un test de stabilité hydrothermale. Cette combinaison de chaleur et de grande humidité est en effet l’une des principales raisons pour lesquelles l’activité des catalyseurs, dans les gaz d’échappement, finit par baisser au bout d’un moment. Le catalyseur à base d’or de l’équipe d’Oliver Kröcher a à peine perdu de son activité et de sa sélectivité. Même au bout de cinq heures par 800 °C, il tenait bon et les vilains sous-produits de la dégradation d’ammoniaque étaient maintenus en échec.
Le catalyseur à base d’or n’a que légèrement chancelé à l’attaque suivante : la sulfatisation. Le souffre est en effet toxique pour la plupart des catalyseurs. Mais en dépit des six heures que les chercheurs lui ont fait passer par 400 °C dans un courant de gaz de dioxyde de soufre, le rendement en ammoniaque est resté inchangé, à un haut niveau. Ce n’est que par des températures très bases que de petites quantités d’acide formique et de monoxyde de carbone sont apparues.
Ces tests, même s’ils n’ont été conduits qu’à l’échelle du laboratoire, ont rendu les chercheurs tellement confiants, qu’ils ont décidé de faire examiner la possibilité d’une réalisation technique de leurs éléments de connaissance. Entre-temps, le prototype d’un générateur d’ammoniaque a été développé à l’Université technique de Munich, sur la base de ces travaux de recherche et avec le catalyseur à base d’or du PSI en pièce maîtresse. Actuellement d’autres tests de ce générateur d’ammoniaque en utilisation industrielle sont en cours sur un véhicule agricole. Les chercheurs du PSI pensent qu’il pourrait bien s’agir de la première application commerciale d’un catalyseur à base d’or en matière d’élimination des gaz toxiques.
Auteur: Leonid Leiva
Contact
Dr. Oliver Kröcher, Chef du groupe de bioéenergie et catalyse, Institut Paul Scherrer ,Telephone: +41 56 310 42 02, email: oliver.kroecher@psi.ch