Le développement des installations photovoltaïques et éoliennes va croissant et leur intégration dans le système énergétique existant représente un défi. La plateforme ESI permet de tester les conditions de réussite de cette intégration. La solution: stocker l’excédent d’énergie sous forme de gaz.
La Stratégie énergétique 2050 de la Confédération prévoit un développement des nouvelles énergies renouvelables comme l’énergie solaire et l’énergie éolienne. Mais les installations photovoltaïques et les éoliennes produisent un surplus d’électricité lorsqu’il fait beau et quand le vent souffle fort. En revanche, en cas de vent faible, de brouillard ou durant la nuit, fournir de l’énergie propre devient problématique. Cette fluctuation considérable pèse lourdement sur les réseaux électriques et complique la planification pour leurs exploitants. A cela s’ajoutent des coûts importants, car les producteurs d’électricité touchent une compensation pour chaque kilowattheure qu’ils n’ont pas pu produire uniquement parce que le réseau était déjà saturé au maximum. Ainsi, en 2014, les producteurs allemands d’électricité ont touché en tout 89 millions d’euros de compensation pour du courant non produit ou non injecté dans le réseau.
Stocker l’énergie solaire et éolienne
«Plus il y aura d’installations solaires et éoliennes à l’avenir, plus le problème de leur intégration deviendra aigu», explique Peter Jansohn, qui dirige la mise sur pied de la plateforme ESI (pour Energy System Integration) au PSI. La plateforme ESI réunit plusieurs installations pilotes où des chercheurs du PSI et de l’industrie étudient comment concrétiser dans la pratique les résultats issus de la recherche énergétique du PSI. Les installations sont abritées dans différents containers; elles partagent des fondations et un toit communs.
L’une des questions importantes qui se pose est la suivante: comment exploiter de manière optimale le courant produit irrégulièrement par le vent et le soleil en Suisse? La voie à emprunter a déjà été identifiée: il s’agit de stocker l’énergie excédentaire et de le rendre à nouveau disponible au besoin. Or l’une des technologies de stockage les plus prometteuses est actuellement testée à la plateforme ESI. Elle est baptisée «power-to-gas» et cette dénomination décrit bien l’idée qui la sous-tend: s’il y a trop de courant dans le réseau, on s’en sert pour produire un gaz à haute valeur énergétique. Ce gaz peut être de l’hydrogène, produit à partir d’eau pure dans ce qu’on appelle un électrolyseur. Il est susceptible d’être stocké dans des réservoirs et d’être utilisé par la suite, par exemple pour produire de l’électricité et de la chaleur dans une pile à combustible, ce qui permet de propulser des voitures ou des bus, de chauffer des pièces et de couvrir une partie des besoins en électricité des immeubles.
Mais l’infrastructure pour stocker l’hydrogène n’existe pas encore et l’hydrogène ne peut être injecté qu’en petites quantités dans le réseau gazier existant. Dans ce contexte, une autre étape de transformation pourrait s’avérer intéressante: transformer cet hydrogène en le combinant avec du dioxyde de carbone – CO2 – pour fabriquer du méthane, principal composant du gaz naturel. Là, le réseau gazier est disponible avec ses possibilités de stockage qui permettent d’entreposer jusqu’à l’hiver l’énergie excédentaire produite pendant l’été. «Le stockage saisonnier constitue un avantage important de la solution power-to-gas, qu’aucune autre technologie de stockage ne peut offrir dans l’ordre de grandeur nécessaire», souligne Peter Jansohn.
Plus de biogaz, moins de CO2
L’entreprise zurichoise Energie 360° a l’intention d’utiliser cette technologie de production de méthane dans le cadre d’un essai pilote conduit à une installation de production de biogaz. Le biogaz, qui apparaît dans les stations d’épuration ou lors de la fermentation des biodéchets, est déjà constitué en bonne partie de méthane, mais contient aussi une part de CO2. Or jusqu’ici, ce dernier devait être capté et séparé moyennant des efforts importants. Le projet d’Energie 360° prévoit de transformer à l’avenir ce CO2 en méthane par l’ajout d’hydrogène produit à partir d’énergies renouvelables. «Nous augmentons ainsi nettement la productivité», se réjouit Peter Jansohn. Pour cette transformation, on utilise une technologie étudiée au PSI. Elle a déjà fait ses preuves en Autriche dans une grande installation pilote de production de méthane à partir de déchets de bois. En 2009, l’exploitation de cette installation a valu le Watt d’Or au PSI – cette distinction remise par l’Office fédéral de l’énergie récompense la meilleure performance dans le domaine énergétique. Pour pouvoir être appliquée dans une installation de production de biogaz, la technologie du PSI doit être adaptée, mais les scientifiques sont convaincus qu’elle fonctionnera dans le nouveau domaine d’application.
La plateforme ESI étudie la transformation de courant en hydrogène et en méthane. «Le PSI a déjà des compétences importantes à toutes les étapes de la technologie power-to-gas», rappelle Marcel Hofer, responsable Réalisation de la plateforme ESI, lorsqu’il explique l’objectif de l’installation. «A présent, notre but est d’accumuler des expériences sur l’interaction complexe entre ces différentes technologies.» La question clé est la suivante: en termes de flexibilité, d’efficacité et d’économicité, dans quelle mesure une installation power-to-gas de ce genre peut-elle contribuer à décharger les réseaux? Le power-to-gas est particulièrement intéressant lorsque le courant excédentaire peut être acheté à bas prix et revendu ultérieurement à un prix plus élevé. «Nous pensons que ce sera régulièrement le cas à l’avenir, lorsqu’il y aura beaucoup d’électricité d’origine renouvelable dans le réseau», estime Peter Jansohn. Mais ensuite, il faudra encore que la transformation d’électricité en gaz se fasse de manière aussi efficace que possible: 70% de l’énergie électrique injectées devraient se retrouver dans l’hydrogène après le stockage. Dans le cas de la transformation en méthane, on considère que 60% représente un objectif indicatif réaliste. «Par ailleurs, dans l’idéal, une installation de ce genre devrait avoir une longue durée d’exploitation et nécessiter peu d’entretien», ajoute Peter Jansohn.
Compenser les pics de courant
La société nationale d’exploitation du réseau Swissgrid s’intéresse à une autre utilisation de cette technologie: dans un projet de recherche commun avec le PSI, Swissgrid cherche à savoir si le power-to-gas est susceptibles d’atténuer suffisamment rapidement les pics qui menacent de déséquilibrer le réseau – qu’il s’agisse de pics de production ou de consommation. «Enfin, nous aimerions encore tirer au clair un autre point: savoir si une répartition intelligente d’installations power-to-gas en Suisse permettrait d’éviter certains investissements coûteux dans le développement du réseau, qui sinon seraient nécessaires, surtout en cas de développement important des énergies renouvelables», souligne Peter Jansohn. Avec la plateforme ESI, les partenaires du projet se rapprochent considérablement des réponses à de telles questions.
Informations supplémentaires
Aperçu: la plateforme d’essai ESI, de nouvelles voies vers le système énergétique du futurPartenaires de la plateforme ESI
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