Réparer de l’ADN endommagé avec la lumière du soleil

Les dommages infligés à l’ADN sont une cause du vieillissement, de la mort cellulaire et même du cancer. La capacité à réparer de l’ADN endommagé revêt donc une importance cruciale pour tous les organismes. Au SwissFEL du PSI, une équipe internationale de recherche vient d’étudier la manière dont la photolyase, une enzyme, utilise l’énergie de la lumière du soleil pour ce mécanisme de réparation. 

Réparer les dommages héréditaires avec la lumière du soleil
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Toute vie qui évolue sous le soleil doit gérer la nocivité du rayonnement ultraviolet (UV). Les dommages infligés par les rayons UV peuvent se manifester sous de nombreuses formes. L’ADN, la molécule porteuse de l’information génétique de tous les organismes vivants, est particulièrement vulnérable. Les rayons UV peuvent par exemple induire une réticulation sous forme de liaisons chimiques non désirées à l’intérieur de l’ADN. Suivant les circonstances, cette réticulation introduit des erreurs dans le code génétique, ce qui peut entraîner la mort cellulaire ou, dans les pires des cas, des mutations et des cancers. De tels dommages ne sont pas rares: sous une lumière solaire claire, entre 50 et 100 réticulations par seconde sont susceptibles de se produire dans une cellule de peau humaine.

«Pour survivre, la vie a développé de puissants mécanismes de réparation de l’ADN. L’enzyme appelée photolyase offre une solution particulièrement élégante », explique Thomas J. Lane, scientifique au DESY et chercheur au projet d’excellence «CUI: Advanced Imaging of Matter» de l’Université de Hambourg, en Allemagne. Cette enzyme utilise en effet la lumière du soleil pour réparer les dommages que cette dernière occasionne. Elle est en mesure d’identifier les endroits où les rayons UV réticulent l’ADN et s’agrippe fermement au morceaux d’ADN endommagés. La lumière bleue du soleil peut alors être absorbée et être utilisée pour la réparation chimique. De cette manière l’enzyme ramène l’ADN à sa forme saine d’origine. 

L’enzyme réparatrice sous la loupe du SwissFEL 

Pour mieux comprendre le mode de fonctionnement de la photolyase, les scientifiques se sont d’abord intéressés à la forme qu’a l’enzyme immédiatement après l’absorption de la lumière, mais avant la réparation de l’ADN. Leur objectif était par ailleurs de déterminer le déroulement précis des réactions chimiques nécessaires pour transformer de l’ADN endommagé en ADN sain. Lors d’une troisième étape, l’équipe voulait également étudier comment la photolyase est en mesure d’identifier spécifiquement quel est l’ADN endommagé 

Camila Bacellar, chercheuse au PSI, se réjouit que l’analyse précise de la photolyase, cette enzyme de réparation de l’ADN, ait été un succès. Les travaux ont été conduit à la ligne de faisceau Alvra du laser à rayons X à électrons libres suisse SwissFEL. © Institut Paul Scherrer/Markus Fischer

La cristallographie résolue en temps réalisée au laser à rayons X à électrons libres suisse SwissFEL a permis aux scientifiques d’identifier la structure du colorant photolyase excité et donc de comprendre comment l’enzyme utilise efficacement l’énergie de la lumière du soleil pour la réparation chimique de l’ADN. «C’est le tout dernier développement des lasers à rayons X à électrons libres qui ont permis ces recherches, souligne Nina-Eleni Christou de DESY, première auteure de l’étude. Leurs intenses impulsions femtosecondes nous permettent de prendre des images de flashs de rayons X qui figent tous les mouvements atomiques, si bien que nous pouvons suivre la réaction étape par étape, à la vitesse des molécules.»

Une correspondance parfaite est la clé 

En outre, pendant des décennies, une question est restée très débattue: celle de savoir si la réticulation nocive, sous forme de deux liaisons carbone-carbone impliquées dans le processus de réparation, était brisée immédiatement ou de manière progressive. Les scientifiques ont constaté que l’une des deux liaisons était d’abord brisée, avant que la deuxième ne suive. Par ailleurs, il est apparu clairement que l’enzyme possède une poche de liaison parfaitement adaptée à la forme de l’ADN endommagé. Les scientifiques ont ainsi pu démontrer que l’ADN réparé ne correspond pas à cette poche qui est trop grande et n’a pas la bonne forme. Ce constat explique pourquoi la photolyase s’arrime avant tout à l’ADN endommagé et non à l’ADN réparé et sain. 

«Ce genre d’expérience n’est possible qu’avec les rayons X d’un FEL et elle illustre bien ce dont le SwissFEL et Alvra sont capables, affirme Camila Bacellar, cheffe de groupe et scientifique à la ligne de faisceau. Nous avons eu l’occasion de conduire une expérience très similaire avec un autre groupe d’utilisateurs, lors de laquelle nous avons visualisé à l’échelle atomique, avec des collègues de Taïwan, le processus de réparation par la photolyase. Le hasard a fait que les deux études sont parues dans le même numéro de la revue Science, ce qui montre l’importance des résultats.» 

L’équipe a identifié dix structures résolues en temps de photolyase pendant la réparation de l’ADN. «Prises conjointement, nos structures éclairent la fonction d’un puissant système de réparation de l’ADN, qui exploite la lumière du soleil de manière élégante pour réparer les dégâts causés par cette même lumière», conclut Thomas J. Lane. Malheureusement, l’être humain ne dispose pas de cette enzyme, si bien que d’autres mécanismes de réparation sont nécessaires. Pour presque tous les autres êtres vivants, en revanche, la photolyase joue un rôle important dans la réparation de l’ADN.


Texte basé sur un communiqué de presse du centre de recherche DESY 

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Contact

Dr Camila Bacellar Cases da Silveira
Cheffe de groupe et scientifique à la ligne de faisceau Alvra 
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
+41 56 310 42 31
camila.bacellar@psi.ch


Publications originales 

Time-resolved crystallography captures light-driven DNA repair
Nina-Eleni Christou et al.
Science, 1.12.2023
DOI: 10.1126/science.adj4270

Visualizing the DNA repair process by a photolyase at atomic resolution
Manuel Maestre-Reyna et al.
Science, 1.12.2023
DOI: 10.1126/science.add7795