Une nouvelle particule qui pourrait servir de base à de l’électronique économe en énergie

Le fermion de Weyl, découvert seulement l’an dernier, se déplace pratiquement sans résistance à l’intérieur de certains matériaux. Des chercheurs montrent à présent une voie possible pour l’utiliser dans des composants électroniques.

Aujourd’hui, les appareils électroniques consomment beaucoup d’énergie et doivent être refroidis à grands frais. Pour développer une future électronique économe en énergie, une approche consiste à exploiter des particules qui n’existent qu’à l’intérieur de certains matériaux, où elles se déplacent pratiquement sans entrave. Des composants électroniques basés sur ces particules appelées fermions de Weyl consommeraient nettement moins d’énergie que les puces électroniques actuelles. Car pour l’instant, on exploite le mouvement des électrons, alors que ces dernier rencontrent une résistance à l’intérieur du matériau, ce qui entraîne des pertes d’énergie. Les fermions de Weyl ont été mis en évidence seulement l’an dernier par plusieurs équipes de recherche, entre autres par des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI. A présent, des chercheurs du PSI, en collaboration avec des collègues de deux centres de recherche en Chine et des deux EPF (EPFL et ETH Zurich), ont montré qu’il existe des matériaux où l’on ne rencontre qu’une seule sorte de fermion de Weyl. Ce point est décisif pour une utilisation en composants électroniques, car de la sorte, il devient possible de diriger le flux des particules de manière ciblée dans le matériau. Les chercheurs ont fait état de leurs résultats dans la revue spécialisée Nature Communications.

Une partie de l'équipe de recherche du PSI qui a étudié les possibilités d'utiliser les fermions de Weyl dans les appareils électroniques. A côté de la ligne de faisceau SIS de la Source de la Lumière Suisse SLS de gauche à droite: Jihwey Park, Ekaterina Pomjakushina, Nan Xu. (Photo: Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic)

L’an dernier, certains chercheurs de l’Institut Paul Scherrer figuraient parmi les scientifiques qui ont réussi à mettre en évidence de manière expérimentale une particule dont l’existence avait été prédite dans les années 1920: le fermion de Weyl. L’une des particularités de cette particule est qu’elle ne peut exister qu’au cœur des matériaux. Dans la foulée, des chercheurs du PSI ont fait à présent une autre découverte, en collaboration avec des collègues de deux centres de recherche en Chine et des deux EPF (EPFL et ETH Zurich), et cette découverte ouvre la possibilité d’utiliser le mouvement de certains fermions de Weyl dans de futurs appareils électroniques. Ces appareils seraient nettement plus petits et économes en énergie que leurs pendants actuels.

Les puces électroniques d’aujourd’hui utilisent le flux des électrons qui se déplacent à travers les câbles du composant. Or pendant leur déplacement, les électrons entrent sans cessent en collision les uns avec les autres ou avec d’autres particules dans le matériau. Si bien que l’énergie nécessaire pour maintenir leur flux est relativement importante. Résultat: non seulement l’appareil consomme beaucoup d’énergie, mais en plus il chauffe, d’où la nécessité d’un système de refroidissement complexe, lequel est synonyme de consommation supplémentaire en termes de place et d’énergie.

Les fermions de Weyl, en revanche, se déplacent pour ainsi dire sans entrave à travers le matériau, ils ne rencontrent donc pratiquement aucune résistance. C’est un peu comme une voiture sur une autoroute où toutes les voitures se déplacent sans heurt dans la même direction, explique Ming Shi, scientifique responsable au PSI. Alors que dans les puces actuelles, le flux d’électrons s’apparente au déplacement dans une ville aux rues étroites, où les voitures viennent de directions différentes et se gênent mutuellement.

Point important pour l’électronique: un seul type de particule

Alors que les fermions de Weyl mis en évidence dans les matériaux étudiés l’an dernier étaient toujours de plusieurs types et se déplaçaient de différentes manières, les chercheurs du PSI et leurs collègues ont maintenant présenté un matériau dans lequel n’apparaît qu’un type de fermion de Weyl. C’est un point important pour des applications dans le domaine de l’électronique, où il faut pouvoir diriger précisément le flux d’électrons, explique Nan Xu, qui travaille comme postdoc au PSI. Les fermions de Weyl doivent leur nom au mathématicien allemand Hermann Weyl qui avait prédit leur existence en 1929 déjà. Ces particules présentent quelques propriétés frappantes, comme le fait qu’elles n’ont pas de masse et se déplacent à la vitesse de la lumière. Les fermions de Weyl ont été observés sous forme de quasi-particules dans des semi-métaux dits de Weyl. Contrairement aux «vraies» particules, les quasi-particules ne peuvent exister qu’à l’intérieur des matériaux. Les fermions de Weyl sont générés lors du mouvement collectif des électrons dans des matériaux adéquats. De manière générale, les quasi-particules sont comparables aux vagues à la surface de l’eau: sans l’eau, les vagues n’existeraient pas. En même temps, leur mouvement est indépendant de celui de la masse d’eau.

Le matériau que les chercheurs ont étudié maintenant est un composé d’éléments chimiques (tantale et phosphore), dont la formule chimique est TaP. Les expériences décisives ont été conduites avec de la lumière de type rayons X à la Source de Lumière Suisse SLS de l’Institut Paul Scherrer.

L’analyse de matériaux novateurs, dont les propriétés pourraient être utiles pour les appareils électroniques de demain, est un des principaux domaines de recherche de l’Institut Paul Scherrer. Dans ce cadre, les chercheurs suivent des approches très diverses et utilisent de nombreuses méthodes d’analyse différentes.

Texte: Institut Paul Scherrer/Paul Piwnicki


À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 1900 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 380 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l' ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l’Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage).

(Mise à jour: février 2016)

Informations supplémentaires
Article sur la découverte du fermion de Weyl par des chercheurs du PSI: Un cousin de l’électron finalement observé au bout de 86 ans
Entretien avec Gabriel Aeppli, directeur du département de recherche Rayonnement synchrotron et nanotechnologie à l’Institut Paul Scherrer: Une recherche tournée vers l’avenir
Contact
Prof Ming Shi, Groupe Spectroscopie de matériaux innovants, Institut Paul Scherrer, 5232 Villigen PSI, Suisse
téléphone: +41 56 310 23 93; e-mail: ming.shi@psi.ch (anglais, chinois)

Nan Xu, Groupe Spectroscopie de matériaux innovants, Institut Paul Scherrer, 5232 Villigen PSI, Suisse
téléphone: +41 56 310 51 41, e-mail: nan.xu@psi.ch (anglais, chinois)
Publication originale
Observation of Weyl nodes and Fermi arcs in tantalum phosphide
N. Xu, H. M. Weng, B. Q. Lv, C. E. Matt, J. Park, F. Bisti, V. N. Strocov, D. Gawryluk, E. Pomjakushina, K. Conder, N. C. Plumb, M. Radovic, G. Autès, O. V. Yazyev, Z. Fang, X. Dai, T. Qian, J. Mesot, H. Ding and M. Shi
Nature Communications, 17 März 2016 DOI: 10.1038/NCOMMS11006