Les procédés que développe la firme tessinoise Casale permettent de produire différents précurseurs pour l'industrie chimique, à partir desquels on peut ensuite fabriquer des produits comme les engrais chimiques ou le plexiglas. Dans le cadre d'une coopération avec le PSI, Casale cherche à améliorer encore l'efficacité de ces processus de production. Les précurseurs chimiques sont des produits d'exportation et sont soumis à une rude concurrence mondiale. Les écarts les plus infimes en termes de coûts de production peuvent s'avérer décisifs, lorsque l'exploitant d'une installation doit choisir une licence.
Certains produits quotidiens comme les engrais chimiques et le plexiglas résultent d'un processus de production impressionnant. Les substances à partir desquels ils sont fabriqués sont produites sous haute pression et à haute température – au sein de grandes installations chimiques. Le produit de départ est souvent du gaz naturel. Certains procédés développés par la firme tessinoise Casale permettent de produire à partir de ce gaz différents précurseurs. C'est à partir de ces précurseurs que l'on peut fabriquer ensuite des produits comme les engrais artificiels. Giacomo Colmegna, ingénieur diplômé chez Casale, résume : Tous nos processus de production ont la même base: transformer du gaz naturel en produits utiles.
Casale est sise à Lugano et fait partie des plus grands players
mondiaux dans le secteur de la planification d'installations de production de précurseurs. L'entreprise n'est pas productrice, mais vend des licences pour des procédés chimiques, sur la base desquels il est possible ensuite de produire les précurseurs chimiques nécessaires, comme le méthanol, l'urée ou l'ammoniac. Casale cherche à améliorer encore l'efficacité de ces processus de fabrication, en collaboration avec l'Institut Paul Scherrer.
Partenaire industriel en laboratoire
Depuis plusieurs années la tendance dans l'industrie des précurseurs chimiques, est l'augmentation continue des capacités de production. Cette tendance s'accompagne d'un problème fondamental : dans un proche avenir, les procédés utilisés aujourd'hui atteindront leurs limites, en termes de rentabilité et de possibilités techniques. Le département développement de Casale travaille à l'élaboration de processus qui répondent aux exigences croissantes. Pour ce faire, il unit ses forces à celles du Laboratoire de recherche sur la combustion du PSI. Depuis quatre ans maintenant, Giacomo Colmegna accompagne sur place ce projet commun. Le PSI a de nombreux projets de collaboration en cours avec l'industrie. Mais une présence ininterrompue en laboratoire avec le partenaire industriel sur une période pareille reste rare, et témoigne de l'énorme importance que cette collaboration revêt pour Casale.
Si la firme Casale a choisi le PSI, c'est parce les installations qui y sont exploitées sont assez grandes pour tester des procédés destinés à l'industrie. D'un autre côté, les chercheurs du PSI savent comment mesurer sans contact les propriétés du gaz dans l'installation : au lieu d'y introduire un thermomètre ou une autre sonde, ils mesurent la température du gaz ou sa composition depuis l'extérieur, au moyen d'un rayon laser. Les procédés de mesure sont complexes, mais ont l'avantage de ne pas influencer les processus au cœur de l'installation.
En collaboration avec le PSI, Casale travaille au développement d'une méthode permettant d'augmenter la production. Cela passe par une élévation de la pression au sein de l'installation, lors du processus de fabrication. En effet, plus la pression est élevée, plus le flux des quantités de substances produites pendant le processus est important. Il est ainsi possible de transformer nettement plus de gaz en précurseurs pendant le même laps de temps pour une installation d'une certaine dimension.
Aujourd'hui, les procédés de Casale opèrent déjà sous pression, mais seulement
jusqu'à 30 bar. Les installations qui produisent en utilisant le processus actuel devraient présenter des dimensions gigantesques, si elles opéraient sous 1 bar, ce qui correspond à la pression ambiante
, explique Markus Obrist, ingénieur essais au PSI.
Au PSI, il s'agit de tester un processus sous une pression allant jusqu'à 100 bar. Cela correspond à la pression qui règne dans l'océan à une profondeur d'environ un kilomètre. L'objectif est d'obtenir des processus stables à une pression aussi élevée, et d'éviter les sous-produits indésirables. Dès que la technologie fonctionnera de manière stable, nous devrions pouvoir augmenter la production de moitié, affirme Giacomo Colmegna, confiant. Mais l'installation correspondante, elle, présenterait seulement un surcoût d'environ 20%.
La concurrence est rude
L'entreprise est moins simple qu'on ne pourrait le croire. Les pièces de l'installation doivent notamment être dotées de parois plus épaisses pour supporter des pressions aussi énormes et des températures aussi élevées. Par ailleurs, la technologie est plus difficile à maîtriser sous haute pression. La pression a aussi une influence sur les processus chimiques qui se jouent dans l'installation. Mais pas tous les effets d'une pression élevée sur les processus chimiques sont désirés. Ces effets doivent donc être étudiées en détail.
C'est ici qu'intervient l'expérience du PSI dans ce genre d'analyses. Par exemple de la suie peut se former,
explique Markus Obrist. En tant que carbone indésirable, elle aurait un effet sur les étapes suivantes du processus, qui sont très sensibles. Dans le cadre du projet, nous étudions dans quelle mesure et comment les impuretés se forment sous haute pression.
Différentes impuretés présentes de manière naturelle dans le gaz peuvent elles aussi avoir une influence et leurs effets doivent être étudiés.
Dès que les ingénieurs auront des données fiables, ils pourront adapter la conception des installations commerciales à l'évolution des conditions. L'objectif est d'améliorer l'efficacité de la production par rapport aux processus habituels. Les précurseurs chimiques sont des produits d'exportation et sont soumis à une rude concurrence mondiale. Les écarts les plus infimes en termes de coûts de production peuvent s'avérer décisifs, lorsque l'exploitant d'une installation doit choisir une licence.
Texte : Alexandra von Ascheraden