La Recherche au centre des sciences radiopharmaceutiques
Que ce soit par le biais du Bichermüesli
lors de notre petit déjeuner, du petit pain pendant la pause de 10 heures ou du dessert aux baies lors du repas de midi, nous ingérons chaque jour de l’acide folique avec notre nourriture. Cette vitamine, surnommée aussi vitamine de la vie
, joue un rôle important dans la division cellulaire, et donc dans la croissance. Mais à l’avenir, elle pourrait bien endosser une fonction supplémentaire. Au PSI, des traitements contre le cancer utilisant l’acide folique sont en développement. Le principe est simple : le tissu tumoral présente une croissance rapide et nécessite beaucoup d’acide folique. Comme la cellule absorbe l’acide folique par le biais des récepteurs de folates, cette vitamine peut être utilisée comme véhicule pour acheminer de manière ciblée certains principes actifs au cœur de la tumeur. Cristina Müller, membre du Centre des Sciences Radiopharmaceutiques, consacre sa recherche à un traitement de ce type, basé sur des liaisons d’acide folique marquées radioactivement. Ces liaisons pénètrent sans entrave dans la cellule, comme un cheval de Troie, avant de la tuer avec leurs radiations
, explique-t-elle.
Nouvelles idées et nouvelles questions
Cette méthode qui utilise les molécules d’acide foliques (les folates), la pharmacienne l’a développée dès ses débuts. Son équipe a été la première à tester le nouveau type de folates radioactifs, les radiofolates, sur des souris. Outre l’acide folique qui se fixe au récepteur correspondant et la molécule radioactive qui fait office de médicament, cette variante contient aussi un récepteur qui s’accroche à une protéine de la circulation sanguine. Le fait qu’il puisse s’arrimer à cette protéine sanguine permet à ce triple assemblage de circuler plus longtemps dans l’organisme, et donc d’augmenter l’absorption des radiofolates par les cellules tumorales. Chez les souris, nous avons ainsi déjà constaté un recul des tumeurs, voire leur disparition
, se réjouit Cristina Müller.
En dépit de ces premiers succès, il reste des obstacles. Le problème réside dans les nombreux récepteurs aux folates qui se trouvent dans les tissus rénaux, explique la chercheuse. Les reins absorbent donc les radiofolates irradiants
qui, à long terme, les endommagent. Cristina Müller teste actuellement une solution potentielle, consistant à saturer les reins en folates naturels, de manière à ce que la forme radioactive ne puisse plus s’arrimer aux récepteurs dans le tissu rénal.
Dosimètre obligatoire
Cristina Müller mène sa recherche dans une zone contrôlée du PSI, où seules les personnes enregistrées et équipées d’un dosimètre personnel, sont autorisées. Le dosimètre mesure le niveau de radiation et déclenche une alarme si ce dernier dépasse la dose autorisée. Pour Cristina Müller, tout cela fait partie du quotidien. En réalité, nous sommes un laboratoire parfaitement normal
, estime-t-elle, tout en enfilant sa blouse de travail. Elle glisse son dosimètre dans sa poche de poitrine et ajoute : Notre travail n’est pas dangereux aussi longtemps que la radiation est prise au sérieux.
Car la radioactivité ne se voit pas et ne s’entend pas, elle n’a pas d’odeur non plus. D’où la nécessité de travailler très minutieusement. Les nouveaux collaborateurs doivent donc suivre une introduction approfondie, jusqu’à ce que pour eux, le rapport à la radioactivité et les règles qu’elle implique en terme de comportement aillent de soi
, explique-t-elle. La chercheuse supervise actuellement trois doctorantes, un étudiant de niveau master et un auxiliaire de laboratoire.
Un matériau de travail qui rapetisse sans cesse
Il faut souligner que la radioactivité est un processus tout à fait naturel : lorsque des noyaux atomiques sont instables et se désintègrent, ils libèrent de l’énergie sous forme de radiations. Et plus la substance irradie longtemps, moins il en reste à la fin. En d’autres termes, le materiau de travail de Cristina Müller ne cesse de rapetisser. Le défi de notre recherche réside donc dans la planification des expériences
, résume-t-elle. Les substances radioactives sont soit produites au PSI, soit commandées à l’étranger. Le lutécium, par exemple, vient d’Allemagne. Lorsqu’il arrive au PSI dans son emballage de plomb, les expériences doivent être prêtes à démarrer – avant que la livraison ne soit complètement désintégrée. Pour lier les substances radioactives aux folates, les deux composants sont mélangés. La hotte d’aération, sous laquelle se trouvent les flacons contenant les radiofolates, est protégée par d’épaisses barres de plomb. Le dosimètre dans la poche de poitrine de Cristina Müller reste d’abord muet. C’est seulement lors de la manipulation des liaisons radioactives qu’il signale, par un clic, une radiation plus élevée, ce qui reste toutefois inévitable.
Les expérimentations sur un organisme vivant ne commencent qu’après des essais préliminaires complexes sur des cellules. La liaison de radiofolates étudiée est alors injectée à une souris, puis l’animal est scanné avec une caméra micro SPECT adaptée pour les petits animaux. Cet appareil détecte la radiation émise par le lutécium. L’image qui en résulte permet de visualiser les endroits du corps où les radiofolates se sont enrichis. Les reins sont ensuite prélevés et de fines coupes de tissu sont examinées, afin de déterminer leur niveau d’endommagement par la radiation.
Recherche tournée vers la pratique
Cristina Müller retire sa blouse, avant de se mettre face à un appareil, à la sortie du vestiaire, et de placer ses mains dans les niches prévues à cet effet. Le moniteur de contamination main-pieds émet un signal sonore désagréable, mais affiche le message Non contaminé(e)
: la chercheuse peut quitter le laboratoire sans souci. Il faudra certainement encore plusieurs années afin que nous puissions offrir une radiothérapie pour la clinique
, estime Cristina Müller. D’ici là, la chercheuse poursuit sa quête de la combinaison optimale, qui permette une absorption optimale des folates dans la tumeur, tout en protégeant les reins. Pour Cristina Müller l’orientation pratique de son travail est essentielle. La perspective de pouvoir aider à l’avenir des patients atteints d’un cancer avec ma recherche, est une puissante motivation
, souligne-t-elle.
Texte : Simone Nägeli
Publication originale
DOTA Conjugate with an Albumin-Binding Entity Enables the First Folic Acid–Targeted 177Lu-Radionuclide Tumor Therapy in MiceCristina Müller, Harriet Struthers, Christian Winiger, Konstantin Zhernosekov, Roger Schibli
The Journal of Nuclear Medicine, 54, 124–131 (2013)
Fenster zur Forschung 03/2013
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