Une technologie testée en pratique

Le prestataire énergétique zurichois Energie 360° fournit du gaz naturel, du biogaz et des pellets de bois dans toute la Suisse. Cette entreprise et l'Institut Paul Scherrer PSI viennent de tester avec succès une nouvelle technologie de power-to-gas, utilisée dans le domaine de la production de biogaz. Leur projet commun s'est vu décerner le Watt d'Or, prix Suisse d'excellence énergétique. Peter Dietiker, responsable de département à Energie 360°, évoque cette collaboration avec le PSI.

Peter Dietiker, responsable de département à Energie 360° (Illustration: Christoph Frei)

5232: Peter Dietiker, la collaboration entre votre entreprise Energie 360° et le PSI est relativement récente et, pourtant, vous avez déjà des résultats à annoncer: vous avez soumis une technologie développée en commun à un test pratique de mille heures. Un succès?

Peter Dietiker: Absolument! Le projet dont vous parlez s'appelle Cosyma pour Container-based System for Methanation. Ce principe de container est typique de la plateforme de test ESI du PSI, où tous les laboratoires et toutes les installations sont modulaires. Ces modules – qui sont abrités dans des containers classiques de transport maritime – sont facilement transportables. Cosyma est un système capable de produire 60% de plus de gaz naturel renouvelable (ou biogaz) que la technique classique, à partir de la même quantité de déchets organiques. Pour ce faire, Cosyma utilise de l'hydrogène qui, lorsque la météo le permet, peut être produit à l'aide d'électricité excédentaire d'origine renouvelable. Autrement dit, ce biogaz recèle une part de solaire et d'éolien.

Et comment les choses se sont-elles déroulées lors de ce test pratique de Cosyma?

Le container Cosyma est arrivé, en janvier 2017, du PSI au site de l'entreprise Biogas Zürich, qui exploite une installation de biogaz à la station d'épuration de Werdhölzli. Nous y produisons depuis quatre ans du biogaz à partir de déchets organiques et de boues d'épuration. Ce biogaz peut être exploité exactement de la même manière que le gaz naturel et on l'injecte dans le réseau du gaz conventionnel. Nous avons installé le container Cosyma sur le site de Werdhölzli, juste à côté de l'installation standard de production de biogaz qui se trouve là-bas, et nous avons détourné une partie du gaz qui y pénétrait dans le container Cosyma. A l'autre bout, le nouveau type de biogaz produit par Cosyma était injecté, avec le biogaz classique, dans le réseau du gaz. Les mille heures d'exploitation ont montré que la technologie Cosyma fonctionnait bien et qu'elle était fiable. Certes, aujourd'hui, la production avec la nouvelle technologie Cosyma ne fait pas mieux que la méthode existante d'un point de vue économique, mais il s'agissait d'un test avec un prototype. Nous sommes donc confiants par rapport à l'avenir.

Le point de vue économique est un aspect typique de la manière dont on pense en entreprise. Les chercheurs réfléchissent-ils différemment?

Bien entendu, les chercheurs évoluent dans un contexte très différent et c'est bien ainsi; sinon, nous n'aurions pas besoin les uns des autres. Les chercheurs du PSI nous ont demandé par exemple si nous voulions vraiment mener un test de mille heures, au motif que cent heures suffiraient. Mais, pour nous, qui venons de la pratique, c'est précisément cette durée qui était importante. De surcroît, ces mille heures nous ont permis de présenter en direct la nouvelle technologie à de nombreux visiteurs.

Illustration: Christoph Frei

Avez-vous aussi un exemple dans l'autre sens?

Oui, en matière de qualité, c'était l'inverse: les chercheurs voulaient faire encore mieux que ce que nous attendions. Evidemment, ce que les chercheurs espèrent en fin de compte, c'est améliorer la compréhension de ce qu'ils étudient. Et souvent, en cours de projet, il arrive qu'on tombe sur quelque chose qui pourrait aussi faire l'objet d'une recherche. Mais dans notre univers économique, cela ne doit ni occasionner de charges supplémentaires, ni se faire au détriment du planning. Autrement dit, ce qui nous intéresse, ce n'est pas un surpassement de la qualité. C'est comme si vous commandiez une cuisine et que les cuisinistes vous installaient plus d'équipements que vous n'en aviez demandés, en exigeant en conséquence un prix plus élevé. Exactement dans le même ordre d'idées, nous attendons des chercheurs uniquement ce que nous avons commandé. Mais, dans le cas de Cosyma, nous n'avons pas tout à fait réussi à empêcher les chercheurs du PSI de nous fournir plus de connaissances que prévu et donc de dépasser nos attentes (il sourit)!

Le projet Cosyma vient de remporter le Watt d'Or de l'Office fédéral de l'énergie dans la catégorie Energies renouvelables. Que va-t-il advenir de cette technologie?

Nous avons fait en sorte que cette nouvelle technologie puisse être suffisamment étudiée. Aujourd'hui, les connaissances sont là et à la disposition du public. La prochaine étape sera celle de l'échelle industrielle avec un fabricant d'installations. Les chercheurs du PSI et nous-mêmes sommes déjà en discussion avec des partenaires de mise en œuvre potentiels, et je pense qu'au cours des cinq prochaines années la première installation commerciale avec technologie Cosyma verra le jour. A Energie 360°, nous nous voyons bien acheter et exploiter une installation de ce genre. Cela nous permettrait de mettre à la disposition de nos clients du biogaz qui tire parti des ressources naturelles de manière encore plus optimale. A ce niveau, il n'est plus seulement question de rentabilité, mais aussi d'écologie, un facteur qui intéresse nos clients et qui nous intéresse aussi.

Propos recueillis par Laura Hennemann/Institut Paul Scherrer

Portrait

Peter Dietiker est responsable du département Energies renouvelables chez le prestataire énergétique Energie 360°. Diplômé en gestion d'entreprise, il travaille depuis vingt-cinq ans dans le domaine de l'approvisionnement en énergie et en eau, et depuis quinze ans chez Energie 360°. Il a monté, dans cette entreprise, le département des Energies renouvelables avec biogaz et pellets de bois, qu'il développe avec succès.

Informations supplémentaires

Exploiter ce que l'on a sous la main: Un article de fond qui démontre comment le PSI travaille à la recherche des solutions pour intégrer efficacement l’énergie issue du soleil, du vent et de la biomasse dans le système énergétique suisse. 
Mutuellement profitable: Interview avec Alexandre Closset, directeur de Swiss Hydrogen, sur la collaboration avec le PSI.