Des radionucléides pour une médecine personnalisée

HIPA, l’accélérateur de protons du PSI, doit recevoir deux améliorations entre 2025 et 2028. Le Conseil des EPF vient de proposer le plan correspondant comme candidat à la prochaine Feuille de route suisse pour les infrastructures de recherche. Les préparatifs pour cette double mise à niveau sont déjà en cours.

Roger Schibli, responsable du Centre des sciences radiopharmaceutiques au PSI, se réjouit des futures possibilités de production de médicaments anticancéreux.
(Photo: Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)

Roger Schibli, le PSI est connu pour ses grandes installations de recherche. On peut être surpris de découvrir qu’on y fabrique également des médicaments pour le traitement des tumeurs, appelés médicaments radiopharmaceutiques. Quel est le rapport entre toutes ces activités?

Roger Schibli: Les médicaments radiopharmaceutique dont l’usage médical est établi sont fraîchement fabriqués chaque jour dans les hôpitaux ou par des opérateurs commerciaux. Au PSI, en revanche, nous produisons de nouveaux principes actifs expérimentaux. Il s’agit de médicaments qui portent des isotopes radioactifs appelés radionucléides. A l’avenir, notre objectif, au PSI, est d’utiliser beaucoup de protons à haute énergie de HIPA pour produire nos radionucléides. Cela ouvre des voies de production pour de nouveaux radionucléides jamais étudiés auparavant, et qui n’ont pas d’équivalent en termes de quantité et de qualité.

En matière de radionucléides, où en sont les choses pour le traitement du cancer?

L’idée de traiter des tumeurs avec des radionucléides remonte aux années 1950. Le produit de fission radioactif iode-131 était connu depuis la découverte de la fission nucléaire de l’uranium; le fait que l’iodure migre de manière sélective dans la glande thyroïde a permis le développement de l’une des meilleures formes de traitement du cancer de la thyroïde. Au cours de dix, quinze dernières années, on a compris que d’autres radionucléides pouvaient être utilisés pour le traitement de ce qu’on appelle les tumeurs neuroendocrines, autrement dit des tumeurs cancéreuses des tissus glandulaires produisant des hormones. Et l’on a développé – entre autres à l’Université de Bâle – la chimie qui permet de lier l’isotope aux molécules porteuses qui, à leur tour, s’arriment aux cellules cancéreuses.

Et maintenant?

Les cinq dernières années ont vu un véritable boom dans le domaine des médicaments radiopharmaceutiques. On cherche à présent des radionucléides sur mesure. Prenons un exemple simple: si vous traitez une personne atteinte de très petites métastases, il vous faut un autre radionucléide qu’en cas de grosses métastases.

Il s’agit toujours de métastases?

Oui. Il vaut mieux opérer une tumeur cancéreuse unique, qui est généralement la tumeur primaire. Les médicaments radiopharmaceutiques entre en ligne de compte lorsqu’opérer n’est plus une option et que la chimiothérapie a échoué. Autrement dit pour les cas où, pendant longtemps, il n’y avait plus d’espoir. C’est pour ces personnes que nous voulons développer des théranostics.

Que signifie théranostique?

La théranostique décrit la combinaison du traitement et du diagnostic. Il s’agit du nouveau standard en sciences radiopharmaceutiques: dans le meilleur des cas, le radionucléide diagnostique et le radionucléide thérapeutique font partie du même élément, autrement dit du même type d’atome. De ce fait, ils se comportent de manière similaire dans l’organisme. Ainsi, lors du diagnostic, il est non seulement possible de localiser les métastases, mais nous pouvons également prédire quelle métastase absorbera une grande quantité du produit thérapeutique et quelle métastase n'en absorbera pas encore assez.  On peut alors réagir en conséquence et c’est précisément cela que l’on entend lorsqu’on parle de traitement personnalisé.

Que comprend l‘upgrade prévu TATTOOS?

TATTOOS sera une installation complètement nouvelle et unique au monde que nous construisons en collaboration avec l'Université de Zurich et l'Hôpital universitaire de Zurich. Ici, au PSI, l'installation comprendra une nouvelle ligne de faisceau de protons ainsi que de nouvelles cibles, un séparateur de masse et de nouveaux laboratoires de radiochimie. Les cibles sont de nombreux disques métalliques fins montés les uns derrière les autres. Lorsque des protons à haute énergie percutent ces disques, cela produit une multitude de radionucléides. Et les disques deviennent très chauds, à plus de 2000 °C. De nombreux radionucléides s’évaporent alors et nous pouvons les collecter. Ensuite, nous isolons les radionucléides que nous voulons, en utilisant la spectrométrie de masse et des méthodes de séparation chimique.

Comment fonctionne la spectrométrie de masse?

Elle consiste à ioniser de manière ciblée un type particulier d’isotopes à l’aide de lasers, pour pouvoir encore mieux les séparer. Le PSI est déjà très bien placé en matière de physique des lasers et collabore aussi étroitement avec le CERN dans ce domaine. C’est une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour progresser.

Quand pouvons-nous escompter l’utilisation de ces nouveaux médicaments radiopharmaceutiques dans les hôpitaux?

Le développement de médicaments radiopharmaceutiques est un processus long qui dure des années, comme pour les autres médicaments. Avec TATTOOS, nous allons avancer en terrain complètement inconnu et nous aurons besoin de quelques d’années et de beaucoup d’expériences précliniques avant de pouvoir tester un médicament radiopharmaceutique sur des patients.

Interview: Institut Paul Scherrer/Laura Hennemann

Informations supplémentaires

 

Contact

Prof. Roger Schibli
Responsable du Centre des sciences radiopharmaceutiques
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 28 37, e-mail: roger.schibli@psi.ch [allemand, anglais]

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