Des chemins hydrophiles pour améliorer l’efficacité des piles à combustible

Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer (PSI) ont développé un procédé de revêtement qui pourrait améliorer l’efficacité des piles à combustible. Les scientifiques du PSI ont déjà déposé un brevet pour ce procédé qui se prête à la fabrication en série.

Antoni Forner-Cuenca (à gauche) et Pierre Boillat, tous deux chercheurs au PSI, dans le laboratoire où ils ont étudié certains aspects du nouveau procédé de revêtement. (Photo : Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)

Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer (PSI) ont développé un procédé de revêtement qui pourrait améliorer l’efficacité des piles à combustible. Les piles à combustible produisent du courant électrique à partir de deux gaz, l’hydrogène et l’oxygène. Ces gaz sont acheminés de l’extérieur jusqu’à l’électrode de la pile. Mais leur avancée peut être entravée par de l’eau liquide. Celle-ci est produite en permanence dans la pile à combustible et est censée s’évacuer vers l’extérieur. Si les quantités d’eau sont trop importantes, les gaz diffusent plus lentement et une perte d’efficacité s’ensuit. Notre revêtement novateur contraint l’eau liquide et les gaz à emprunter deux itinéraires distincts à travers les matériaux poreux dans les piles à combustible, explique Pierre Boillat du Laboratoire d’électrochimie, directeur de l’étude. Cela améliorera la performance et la stabilité de leur fonctionnement. Les piles à combustible convertissent efficacement en électricité l’énergie contenue dans les gaz. Le courant produit peut actionner par exemple une voiture électrique. L’eau est le seul produit chimique résultant des réactions qui se jouent dans les piles à combustible. Les gaz d’échappement de piles à combustible ne contiennent donc que de la vapeur d’eau inoffensive.

Depuis 2013, des voitures à pile à combustible sont produites en série. Mais dans le monde entier, des chercheurs travaillent toujours pour améliorer encore l’efficacité des systèmes de piles à combustible et baisser leurs coûts.

Revêtement hydrophile pour améliorer l’efficacité des piles à combustible

L'accumulation d'eau entrave la production d'électricité

L’eau liquide est indésirable dans certaines parties de la pile à combustible parce qu’elle perturbe la circulation des gaz. Son évacuation représente donc une thématique importante. L’eau s’accumule par exemple dans les pores de ce qu’on appelle la couche de diffusion des gaz, une couche composée en général de fibres de carbone qui assure, entre autres, l’acheminement et la répartition fine des gaz (hydrogène et oxygène) aux électrodes de la pile. L’accumulation d’eau dans la couche de diffusion entrave le transport des gaz et inhibe par conséquent la production d’électricité.


Ce papier carbone est composé de nombreuses fibres de carbone et présente une structure poreuse qui assure une répartition fine des gaz à l’électrode de la pile à combustible. Une fois les canaux hydrophiles en place (lignes claires), l’eau ne bloque plus le flux des gaz. (Photo : Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)

Un procédé qui se prête à la fabrication en série

Dans les piles à combustible commercialisées, les fibres de carbone de la couche de diffusion des gaz sont en général uniformément enduites d’un revêtement polymère hydrophobe, censé faciliter l’évacuation de l’eau. L’eau se répartit alors arbitrairement dans le matériau et les pores qui restent dégagés pour le transport des gaz forment des parcours sinueux. Résultat : les gaz mettent plus longtemps à atteindre les électrodes, ce qui réduit la performance des piles à combustible.

La nouvelle solution obtenue au PSI résout le problème en créant des chemins d’écoulement distincts dans lesquels se concentre pratiquement toute l’eau. Les gaz peuvent alors être transportés plus rapidement dans le reste du matériau, désormais sec.

Les chercheurs du PSI savaient déjà sur la base de travaux précédents que tout ne dépendait pas seulement de la quantité, mais aussi de la répartition de l’eau dans la couche de diffusion. Nous avons maintenant réalisé pour la première fois cette idée dans un procédé qui se prête à la fabrication en série, relève Antoni Forner-Cuenca, doctorant au PSI, qui a mené les essais en laboratoire.

Le concept des chercheurs du PSI consiste à rendre hydrophile le revêtement polymère hydrophobe, et ce le long de tracés rectilignes. Ces tracés forment des chemins où l’eau est littéralement aspirée, alors que les zones restantes de la couche de diffusion restent pratiquement sèches. Les scientifiques du PSI ont déjà déposé un brevet pour ce procédé.

Un faisceau d’électrons et des molécules hydrophiles

Pour fabriquer ces chemins, les chercheurs ont introduit des molécules hydrophiles dans la structure d’origine du polymère. Ils leur a d’abord fallu traiter celui-ci au moyen d’un faisceau d’électrons, de manière à ce que le matériau puisse se lier aux molécules que l’on veut lui attacher.

Le faisceau d’électrons est ici dirigé à travers une grille de métal, ce qui crée deux zones différentes : là où le faisceau passe à travers la grille, le revêtement d’origine peut être modifié par la suite de manière à créer des canaux hydrophiles. Là où le faisceau ne passe pas la grille, le polymère d’origine reste hydrophobe.

Dans la zone modifiée par le faisceau d’électrons, le revêtement engage alors une réaction chimique avec des molécules prévues à cet effet, ce qui le rend hydrophile : on obtient ainsi des chemins qui évacuent efficacement vers l’extérieur l’eau produite dans les piles à combustible.

Le procédé développé au PSI d’accrochage de molécules fonctionnelles à l’aide d’un faisceau d’électrons est appelé radiogreffage par les chercheurs. Il s’apparente en effet au greffage horticole conventionnel, qui consiste à greffer des variétés végétales précieuses sur un porte-greffe robuste d’une autre espèce. Dans ce cas, ce sont les molécules hydrophiles qui confèrent au plastique de base les propriétés hydrophiles désirées.

Les scientifiques ont pu montrer que les chemins qu’ils avaient créés absorbaient bel et bien pratiquement toute l’eau. Les autres zones, en revanche, restent pour ainsi dire sèches. La preuve a été fournie par des images de la couche de diffusion des gaz, images que les scientifiques ont produite à l’aide de la ligne d’imagerie ICON de la source de neutrons à spallation SINQ du PSI. *Ce travail a bénéficié d’un soutien financier du Fonds national suisse (SNF) (Numéro de projet : 143432).

Texte : Institut Paul Scherrer/Leonid Leiva


À propos du PSI

L’Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l’institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l’énergie et l’environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 1900 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d’environ CHF 380 millions.

(Mise à jour : Avril 2015)

Informations supplémentaires
Section Conversion électrochimique d’énergie au Laboratoire d’électrochimie au PSI (en anglais)
Contact
Pierre Boillat (français, anglais, allemand)
Chef de projet Radiographie neutronique
Laboratoire d’électrochimie
Institut Paul Scherrer
Téléphone : +41 56 310 27 43
E-mail : pierre.boillat@psi.ch
Publication originale
Engineered Water Highways in Fuel Cells: Radiation Grafting of Gas Diffusion Layers
Antoni Forner-Cuenca, Johannes Biesdorf, Lorenz Gubler, Per Magnus Kristiansen, Thomas Justus Schmidt, Pierre Boillat
Advanced Materials, 23 September 2015
DOI: 10.1002/adma.201503557